Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Organismes génétiquement modifiés

Par / 21 mars 2006

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes Chers Collègues,

L’homme a de tout temps cherché à améliorer le végétal et l’animal par des méthodes de sélection naturelle, de greffage, d’hybridation.
Il y a environ un siècle et demi, Grégor MENDEL a constaté par ses travaux la transmission de facteurs des parents vers la progéniture, ces facteurs ou gènes ont ouvert le grand livre de la génétique qui a pris un essor particulier depuis les travaux de Watsun et Orick qui, en 1953, ont décrit la structure de l’ADN.

Ce n’est que depuis un quart de siècle que les technologies de pointe du génie génétique permettent de transférer les gènes d’une espèce à l’autre, c’est-à-dire de pratiquer la transgénèse.
OGM : le terme, apparu à la fin des années 80 dans le langage réglementaire de la Commission européenne, désigne les « organismes génétiquement modifiés ». Il s’agit de plantes, d’animaux, de bactéries, de champignons et de virus, dont le profil génétique a été transformé en laboratoire. Tous ces organismes ont pour trait commun d’avoir subit une opération de génie génétique aboutissant à la greffe d’un ou de plusieurs gènes dans leur patrimoine héréditaire.

Tous ont acquis de ce fait un ou plusieurs nouveaux caractères génétiques qu’ils exprimeront durant leur vie et qu’ils transmettront à leur descendance.
La transgénèse permet d’aller au-delà des lois naturelles de l’hybridation en permettant la transgression de la barrière des espèces. Par exemple, on peut transférer un gène animal, sur une plante, ce qui n’est pas sans poser des questions d’ordre éthique.
Le débat est présenté comme opposant le progrès scientifique à l’irrationnel et aux peurs engendrées par l’ignorance populaire.

La réalité est toute autre, l’inquiétude de l’opinion trouve ses racines dans des réalités historiques :

- les crises sanitaires récentes (vache folle, listéria, amiante, dioxine, sang contaminé...) ;
- la première génération de PGM (plantes génétiquement modifiées) et sa pire illustration Terminator : la plante dont il faut racheter la semence chaque année ;
- la transgression de la bannière des espèces ;
- l’appropriation du vivant et sa brevetabilité par les multinationales : premier prélude à la guerre alimentaire ;
- la mondialisation et la dépendance des Etats les plus faibles vis-à-vis des plus forts en matière de souveraineté alimentaire.

Je pourrais encore citer de multiples éléments concrets qui étayent des réflexes de rejet qui ne relèvent pas vraiment de l’irrationnel, mais plutôt du vécu.
L’utilité des OGM est loin d’être évidente dans la société française, leur délocalisation est fréquente, aussi convient-il, avant d’aller plus avant, de se poser la question : à quoi servent les OGM ?
Que peuvent-ils apporter sur les plans humanitaires et environnementaux ?

Les OGM et leurs applications sont infinies et ouvrent tous les espoirs dans les domaines variés, comme la pharmacie, la médecine, la lutte contre l’effet de serre, les biocarburants, la photoremédiation pour dépolluer les sols, l’industrie chimique ou agroalimentaire... Ces domaines nécessitent essentiellement une recherche confinée et doivent devenir prioritaires dans la recherche. Ceci ne doit aucunement justifier un relâchement de précautions.
Mais venons-en à ce qui justifie la transposition des directives qui nous concerne, c’est-à-dire, les PGM ou plantes génétiquement modifiées. Le groupe coopératif Limagrain écrit ceci : « L’enjeu de cette est celui de la compétitivité de la recherche, de l’agriculture et des industries agroalimentaires françaises sur les marchés nationaux, européen et mondial ». Tout est dit, il s’agit, avant tout, d’une affaire d’argent, les mots magiques de « compétitivité » et de « marché » sont lâchés.
La conception très agricole et alimentaire du texte de loi n’est certes pas le meilleur argument pour le rendre acceptable, tant ce secteur est controversé dans l’opinion.
Les objectifs initiaux des PGM étaient de combattre la faim dans le monde, de protéger l’environnement, d’économiser l’eau...

Qu’en est-il de la faim dans le monde et de l’aide aux paysans des pays les plus pauvres ?
99% des surfaces cultivées en 2001 étaient du soja, du maïs, du coton et du colza, à savoir, avant tout, des cultures destinées à l’exploitation et aux profits de l’agro-business et au détriment des cultures vivières. La faim touche 840 millions de personnes dans le monde, les objectifs de la FAO de descendre à 400 millions en 2015 ne seront pas atteints, alors que nous connaissons de multiples exemples de surproduction mondiale et de réduction de 10% des terres agricoles en Europe sous forme de jachères. De qui se moque-t-on ?
Les OGM apporteraient un plus économique aux pays selon les dires de certains : prenons l’exemple de la pirale du maïs, l’économie de 5% à 8% des produits de traitement est absorbée par le coût de la semence et la vente à un prix inférieur de la récolte, alors où est le bénéfice ?
Chez les semenciers bien sûr !

Les motivations à caractère environnemental de la première génération d’OGM et plus particulièrement la réduction des herbicides, fongicides, insecticides et pesticides, laisse interrogatif le citoyen face aux avis partagés des scientifiques qui déplorent la mise en champ massive sans avoir de certitudes quant aux risques sanitaires possibles et ce, tout particulièrement, à moyen et long terme. Les phénomènes d’accoutumance des plantes, des adventices et des insectes se confirment. A titre d’exemple, les quantités d’herbicides utilisées par des agriculteurs américains sur le maïs, le coton et le soja transgénique, ont augmenté de 67.000 tonnes entre 1996 et 2004.

Aucune étude sérieuse ne permet de dire si la réversibilité vers des cultures conventionnelles ou bio sera possible au regard des modifications des micro-organismes dans le sol, des millions d’hectares seraient ainsi gelés et condamnés aux PGM. De surcroît, les recherches actuelles portent sur des plantes dont la semence aura besoin de produits chimiques pour développer certaines caractéristiques génétiques de rendement ou de résistance.
Autre exemple : le retrait du maïs Starlink, particulièrement allergène et celui de Terminator caractérisent bien le comportement américain qui expérimente, à grande échelle, les cultures tout d’abord, et constate ensuite les dégâts. Le comportement français et européen doit se situer exactement l’inverse.

La maîtrise de la technologie du génie génétique reste à ce jour relativement instable : le nombre de caractères cibles se limite, pour l’essentiel, à la tolérance aux herbicides, la production d’insecticides, la résistance aux virus et l’enrichissement en acide laurique du colza. La plupart des caractères sont gouvernés par une multitude de gènes, ce qui rend plus difficile leur stabilité dans le temps et a amené les biologistes à rajouter un gène d’intérêt d’origine virale et un gène marqueur de résistance aux antibiotiques (qui va être supprimé pour sa dangerosité) ou aux herbicides (qui, a priori, n’est pas sans danger).

Enfin, avant d’en venir au texte, je voudrais aborder dans le droit fil de notre positionnement, lors du débat relatif au certificat d’obtention végétal que j’avais qualifié de cheval de Troie de la brevetabilité du vivant, nous y sommes dans le texte. Les PGM, en particulier, font l’objet dans de nombreux pays, de brevets justifiés par le fait d’avoir été transformés artificiellement par des procédés techniques. Il est inadmissible et imposable à nos yeux de laisser une poignée d’oligo-pôles mondiaux contrôler la totalité des marchés de semences OGM et de peser sur l’ensemble de la chaîne alimentaire et de la sécurité alimentaire.
Venons-en au projet de loi dit « organismes génétiquement modifiés » qui serait mieux nommé « plantes génétiquement modifiées », tant le texte y fait référence, et tant les semenciers attendent pour démultiplier les surfaces emblavées en maïs BT et autres.

C’est désormais habituel et non moins désagréable d’être amené à transcrire les directives européennes sous la contrainte puisque l’Europe nous menace d’une amende de 16.800 euros si nous ne nous mettons pas au garde à vous.
Il est particulièrement désagréable de lire, dès la première page de l’exposé des motifs, je cite « Ces textes [...] visent à harmoniser les pratiques communautaires avec les pratiques internationales ». Autant dire que l’OMC et ses plaignants (Etats-Unis, Canada et Argentine) dictent leur loi à l’Europe qui, elle-même, répercute sa faiblesse sur ses ressortissants. C’est désormais bien connu, que le lobby le plus puissant à Bruxelles est américain.
Les deux premiers articles traitent de la définition de l’OGM renvoyée à un décret .. et du champ d’application de la réglementation relative aux OGM défini de façon négative, autrement dit, est autorisé tout ce qui n’est pas interdit.

Les articles 7 et 8 concernent plus particulièrement les informations dites confidentielles qui, au nom de la concurrence, du secret industriel et commercial, ne sont pas tenues d’être communiquées au public et à l’autorité administrative. Il apparaît essentiel que les deux sections du Conseil des biotechnologies soient complètement informées avant de rendre leur avis au gouvernement et que le public intéressé puisse être informé des risques connus par l’OGM en cours d’agrément.
L’article 3 porte création du Conseil des biotechnologies qui se substitue à la CGB (Commission du génie biomoléculaire), à la commission d’étude de la dissémination des produits issus du génie biomoléculaire et du comité de biovigilance.

Composé d’une section scientifique et d’une section socio-économique, le conseil évaluera les risques, éclairera les choix du gouvernement, et rendra ses avis sur les dossiers de demande d’autorisation.
Monsieur le Ministre, le renvoi au décret de la fixation de la composition des attributions et des règles de fonctionnement du Conseil des biotechnologies ne satisfait personne et choque l’opinion publique. Je vous demande donc d’être plus explicite sur cette partie du texte afin d’apporter toute la lumière nécessaire sur les décrets y afférant.

A ce sujet, nous proposerons un amendement relatif à l’indépendance des scientifiques vis-à-vis des grands groupes semenciers, un amendement sollicitant la participation de toutes les sensibilités politiques représentées au parlement ; enfin nous demandons l’avis conforme du gouvernement et du Conseil des biotechnologies avant décision.
L’article 4 établit 4 groupes de risques définis en fonction de la pathogénicité des OGM, ce qui a le mérite de montrer le vrai danger des OGM. Danger non irrationnel ! Et l’inconvénient d’être un prétexte à l’assouplissement de la réglementation dès l’article 5 pour les groupes les moins pathogènes.

Le chapitre III a trait à la dissémination volontaire et dans son article 11, exclut de la définition, la mise sur le marché, ce qui tend à déresponsabiliser les semenciers au détriment des exploitants agricoles.
Il est surprenant de constater aux articles 12 et 13 que, d’un côté, le refus d’une autorisation de dissémination doit être motivé par l’autorité administrative et que de l’autre, la rétention de données dites confidentielles, devient la règle.

C’est au sein du chapitre II, titre II, que les agriculteurs sont chargés comme des baudets : déclaration des parcelles OGM à la DDA (normal !) responsabilité sans faute (pas normal !). Les agriculteurs font par nature confiance aux techniciens qui ont, à la fois, mission de conseil et objectif de vente. On ne voit pas pourquoi ceux qui tirent le plus grand bénéfice du système : les semenciers et les organismes revendeurs, ne porteraient pas leur part de responsabilité en cas de dissémination et ne contribueraient pas au fonds de garantie d’indemnisation.
Par ailleurs, l’indemnisation ne porte que sur la perte économique de la récolte et ignore d’éventuels déclassements de l’exploitation ou autres dégâts collatéraux d’irréversibilité.
Quant au recours à l’assurance dans 5 ans, date à laquelle le fonds de garantie s’éteindra, il pose le double inconvénient, d’une part, de charger l’agriculteur, à nouveau, sur les plans financier et juridique, et, d’autre part, de ne pas trouver de réponse assurantielle, sinon à un prix exorbitant.

Le maintien du fonds de garantie avec participation obligatoire des semenciers et de l’Etat serait nettement préférable à la version du texte.
M. le Rapporteur, cher collègue, vous présentez ce texte autour de trois axes : précaution-transparence-libre choix.
Je souhaiterais ici exprimer notre appréciation vis-à-vis de ces trois axes et de la réalité du texte et de ses conséquences.

A propos du principe de précaution, l’indépendance du Conseil des biotechnologies n’est pas assurée, certes le passage au champ est prudent, mais la question des responsabilités n’est pas réglée correctement, ni celle des risques largement sous-estimés. Par ailleurs, nous constatons que les OGM de plein champ ne concernent que de grandes cultures à enjeu de domination alimentaire mondiale.
Quant à la biovigilance qui est restée très théorique depuis 1999, ce n’est pas la consultation du Conseil des biotechnologies sur les protocoles de surveillance qui va changer le monde.

A propos de la transparence, elle demeure entachée des informations confidentielles non transmissibles et il est vrai que la conception de la notion même de public et de débat public n’est pas très claire dans le texte.
Confier le débat public au Conseil des biotechnologies me paraît réducteur et élitiste. C’est pourquoi nous proposons qu’un grand débat d’information traverse notre pays avant d’aller plus loin. Il est indispensable que nos associations, nos instances élues, nos concitoyens s’emparent de ce sujet de société et que le débat et l’information aient lieu partout.

Enfin, au sujet de la coexistence, M. le Rapporteur, rien ne concerne l’irréversibilité de risques provoqués par les OGM, qu’il s’agisse des sols, des adventices ou de plantes modifiées comme la ravenelle. Le libre choix du consommateur est-il vraiment garanti ? Les 0,9% de tolérance sont un aveu d’échec, seuil qui risque de devoir être revu à la hausse demain au regard des milliers d’hectares qui seraient ensemencés. N’est-il pas d’ailleurs déjà prévu de redéfinir à la baisse les exigences de labellisation bio ou plan européen ?
Pour conclure, notre groupe votera contre le texte dit « OGM » de transcription de directives pour des raisons essentielles que je souhaite rappeler :
- un texte voté sous la contrainte de Bruxelles et de l’OMC ;
- une absence de grand débat public national ;
- une conception mondialiste et capitalistique de domination des grandes firmes internationales et de certains pays dans le cadre de la guerre alimentaire ;
- le concept de brevetabilité du vivant, confirmé par le texte ;
- une technologie incomplètement maîtrisée et des effets irréversibles sur la biodiversité ;
- une remise en cause des formes d’agriculture à dimension humaine, conventionnelle ou biologique ;
- un chantage à la délocalisation et à la dépendance technologique.

Les communistes ont toujours été ouverts à la science et aux progrès techniques, à condition que ceux-ci se mettent au service de l’humanité. Il ne s’agit pas de tomber dans l’obscurantisme ou la diabolisation, mais de faire avancer les recherches dans un cadre sécurisé et non pollué par des intérêts financiers ou géostratégiques.

Il apparaît désormais indispensable de donner aux OGM les orientations humanitaires et environnementales qu’elles méritent et de permettre à la recherche publique d’en maîtriser les enjeux.

Il convient également d’avancer avec la société en informant, en débattant, en décidant démocratiquement. Certains pays, comme la Suisse, sont allés jusqu’au référendum, pour dire non, d’autres ont prolongé le moratoire.

Voilà, mes chers collègues, ce qui justifie notre positionnement contre ce texte, mais ouvert au progrès de l’humanité.

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