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Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Par principe, nous sommes opposés aux ordonnances

Accélération des projets de construction -

Par / 29 mai 2013

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je veux d’abord remercier M. le rapporteur pour la qualité des présentations qu’il a effectuées lors des réunions de la commission et pour les amendements de précision, souvent utiles, qu’il a déposés.

À la suite des déclarations du Président de la République du 21 mars dernier, vous nous présentez aujourd’hui, madame la ministre, un projet de loi habilitant le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances « pour accélérer les projets de construction ». Vous le savez, nous sommes, par principe, opposés à ce type de dispositif, qui, sous couvert d’urgence, prive le Parlement de ses prérogatives en matière législative.

M. Charles Revet. Une fois de plus !

Mme Mireille Schurch. Ensemble, nous avions décrié ces méthodes, récurrentes sous l’ère Sarkozy. En ce domaine aussi, nous aurions légitimement pu espérer le changement !

Par ailleurs, cette démarche s’inscrit malheureusement dans une atmosphère politique où les droits du Parlement sont régulièrement foulés au pied. Je citerai, à titre d’exemple, le recours au vote bloqué sur l’accord national interprofessionnel ou encore – cela vient d’être rappelé – les conditions d’examen de l’acte III de la décentralisation, sans parler de la proposition de loi de mon groupe sur l’amnistie sociale, objet d’une fin de non-recevoir de la part du Gouvernement. Le Parlement n’est pas une chambre d’enregistrement !

En outre, cette loi ouvre la voie à la réforme annoncée du logement, en lien avec l’acte III de la décentralisation. Elle ne peut donc être appréhendée en dehors de ce contexte spécifique.

Sur le fond, le constat de la crise du logement est partagé sur tous les bancs, tout comme celui de l’urgence d’y remédier. Nous connaissons, madame la ministre, votre implication en la matière, en dépit des fourches caudines de Bercy, liées aux impératifs d’austérité.

Nous avons lu attentivement l’étude d’impact de ce projet de loi. La volonté de transformer des bureaux en logements, par exemple, ou la fin de la garantie intrinsèque pour les ventes en état futur d’achèvement sont de bonnes mesures. Pourtant, pour certaines autres – et ce malgré les objectifs affichés de densification et de lutte contre l’étalement urbain, que nous partageons pleinement –, nous voyons la marque de la déréglementation en matière d’urbanisme.

Soyons clairs, nous ne pensons pas que la complexité et le nombre des normes en matière d’urbanisme – il faudrait en effet y regarder de plus près – soient la cause principale de la crise du logement. En effet, ce sont bien les politiques de marchandisation – adossées à une débudgétisation de la politique du logement – menées depuis dix ans par la droite qui ont conduit à cette crise, ouvrant la voie de la spéculation immobilière et foncière. Vous le savez, madame la ministre, nous avons fait pour cette raison des propositions précises, notamment en matière de foncier. Nous considérons qu’il s’agit là du principal levier à actionner pour relancer la construction.

Au-delà des objectifs affichés par le présent texte, nous pouvons, à ce titre, nous interroger sur la volonté de débloquer de nouveaux droits à construire dérogatoires pour surélever les immeubles. En fait, cela risque de provoquer un renchérissement des prix des terrains contraire aux objectifs affichés de lutte contre la spéculation immobilière.

Par ailleurs, nous estimons que la voie de la multiplication des dérogations au PLU, le plan local d’urbanisme, n’est pas un bon signal envoyé aux collectivités et à leurs habitants, même si ces dérogations sont facultatives, comme l’a bien souligné M. le rapporteur. En effet, le PLU constitue la pierre angulaire d’un projet politique local élaboré avec la population. Les temps de procédure pour son élaboration, comme pour sa modification, sont longs. Mais il s’agit d’un temps démocratique, qui est nécessaire.

Ainsi, si nous jugeons que les règles actuelles définies par le code de l’urbanisme en matière de PLU ne répondent pas aux enjeux de densification, de mixité et de lutte contre l’artificialisation des sols, il faut, selon nous, changer ces règles plutôt que de permettre le recours à des dérogations qui, par ailleurs, seront la source de nouveaux contentieux pour les collectivités. Nous devrons y revenir au travers de la prochaine loi sur le logement que vous nous annoncez.

À ce titre, nous sommes dubitatifs sur la mesure qui permet de porter atteinte à l’économie générale d’un projet d’aménagement et de développement durable, PADD, au travers de la nouvelle procédure dite « procédure intégrée pour le logement ». Au surplus, multiplier les dérogations à la règle d’urbanisme établie localement et démocratiquement risque de porter atteinte à la cohérence globale des politiques d’aménagement.

De la même manière, si nous voulons limiter – ce qui est juste – le nombre d’aires de stationnement, il faut qu’existent des alternatives crédibles et accessibles en termes de transport en commun. C’est bien l’objet d’un amendement que vous nous avez proposé ce matin, monsieur le rapporteur. Nous regrettons toutefois que notre proposition sur le pass navigo ait été retoquée alors qu’en augmentant la recette du versement transport, elle allait assurément dans le sens d’une amélioration du réseau, donc d’une amélioration de la qualité des transports en commun.

En outre – même si cela n’est pas votre intention, madame la ministre –, cette démarche laisse entendre, en filigrane, que la crise actuelle du logement serait imputable aux élus locaux, qui ne feraient pas le nécessaire, au travers de leurs documents d’urbanisme, pour favoriser la construction. C’est parfois vrai, mais il nous semble que l’essentiel soit à rechercher ailleurs : du côté de la cherté du foncier et de la faiblesse des aides publiques…

Je dirai quelques mots sur la question importante des recours abusifs, dont nous venons de parler à l’instant. Nous partageons la volonté de limiter ces recours par une réduction des délais ou par l’affirmation de sanctions dissuasives, comme le texte le prévoit. Encore faut-il que les tribunaux puissent répondre, en termes de moyens humains, à cette demande. Nous vous alertons aussi sur le fait que, avec cette habilitation, la limitation des recours passe aussi par un moindre accès à la justice, en limitant le champ de l’intérêt pour agir. Vous pourrez peut-être nous apporter des éclaircissements sur ce point, madame la ministre.

Pour en finir avec les mesures que contient ce projet de loi, nous sommes également circonspects sur la place tenue par le logement intermédiaire. Au regard de l’ampleur, non seulement de la crise du logement, mais également de la crise sociale, il nous semble en effet que l’urgence est le logement social puisque, vous l’avez rappelé, ce sont 60 % de la population qui peuvent y prétendre et que 1,7 million de demandes restent à satisfaire.

Prendre acte d’un écart de prix entre le logement social et le logement dit « de marché » ne devrait pas nous conduire à vouloir combler ce différentiel, confortant par là même des prix élevés, mais bien à réfléchir à des mécanismes susceptibles de ramener les prix du marché à des niveaux permettant réellement à nos concitoyens d’accéder au logement. Je songe au blocage des loyers, bien sûr, mais également à l’encadrement du foncier.

À ce titre, nous aimerions savoir, madame la ministre, où en est la rédaction du rapport, dont nous avons fait adopter le principe ici même, sur la mise en œuvre d’un mécanisme visant à encadrer les prix du foncier.

Par ailleurs, délier la propriété de l’usufruit est une idée que nous avons portée au travers de notre proposition de loi sur l’agence nationale foncière pour le logement. Nous jugeons cette dissociation intéressante et fort utile, non pour les investisseurs – qui bénéficient d’ores et déjà du dispositif fiscal « Duflot » –, mais au profit des organismes d’HLM, pour construire des logements sociaux. Adossée à une TVA au taux de 5 %, voilà une mesure qui pourrait relancer utilement l’effort de construction.

En outre, la possibilité laissée aux offices de créer des filiales ne risque-t-elle pas de les détourner de leur cœur de mission relevant de l’intérêt général ? Nous serons également très attentifs à ce que les logements dit « intermédiaires » ne soient pas décomptés dans les 150 000 logements sociaux à construire.

Au final, ce projet de loi sollicite une nouvelle fois la responsabilité et le budget des collectivités au travers de la garantie financière apportée aux opérations d’aménagement ou de la mise en place du site internet Géoportail. Mais vous nous avez rassurés, madame la ministre : c’est l’État qui va payer… Ma question est donc très simple : où se situe la garantie de l’État bâtisseur qui dispose, je vous le rappelle, d’une responsabilité première en matière de logement ?

Parce que nous prenons très au sérieux l’ensemble de ces questions, parce que nous souhaitons que les compétences des collectivités territoriales soient respectées, parce que nous voulons sortir le logement des considérations marchandes, nous nous abstiendrons sur ce texte, ce qui constituera un signal adressé au Gouvernement sur le niveau d’exigence que nous portons et sur le respect dû au travail parlementaire.

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