Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Prévention des risques technologiques et naturels

Par / 3 février 2003

par Yves Coquelle

Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Mes cher(e)s collègues,

Après la catastrophe meurtrière d’AZF Toulouse qui a causé la mort de 30 personnes, parmi lesquelles 22 salariés de l’usine chimique, qui a dévasté 25 000 appartements et maisons , il était urgent de renforcer les normes de prévention afin d’éviter que de tels drames ne se reproduisent.
La commission d’enquête a fait de nombreuses propositions qui constituent de réels progrès en matière de protection des salariés et d’une meilleure implication des populations en matière de prévention.

Associant l’ensemble des acteurs, syndicalistes, industriels, associations, représentants des collectivités territoriales, elle a aussi incontestablement favorisé un réel débat démocratique.

Ce projet de loi intègre certaines de ces propositions et c’est une très bonne chose. Pour autant, nous regrettons qu’il n’aille pas plus loin.
Il reste en deçà des domaines d’améliorations possibles proposées.

Il demeure encore largement insuffisant sur l’implication des représentants du personnel et des intervenants extérieurs dans l’information, la consultation, la formation et l’évaluation des risques.

Sur ce plan les dispositions proposées vont dans le sens d’un élargissement des missions du CHSCT, mais restent à mi-chemin des leçons de l’accidentologie des trente dernières années.

Il faut aller plus loin en sensibilisant et en formant tous les salariés des sites à risques, en inscrivant le suivi des moyens humains et financiers de prévention internes à l’établissement dans la durée et sous le contrôle du comité d’entreprise, et pas seulement du CHSCT.
IL faut aller plus loin en limitant le rôle et les fonctions de la sous-traitance, de l’intérim et de la précarité, et en donnant des moyens garantis par la réglementation du travail aux délégués CHSCT ainsi que des droits d’expression aux salariés.

Nous proposerons ainsi une série d’amendements en ce sens.

L’accidentologie dans les sites Seveso révèle que derrière les blessés et les morts salariés de ces sites il peut y avoir des familles, des enfants, des riverains, des salariés d’autres établissements voisins, des lycéens…

Il est révélateur que les coopérations entre les services de l’inspection du travail et ceux des installations classées pour la protection de l’environnement et les moyens ne soient pas réellement organisés.

Quelle est la pratique, tirée des témoignages de ces inspecteurs mais aussi des magistrats et des salariés ?
Le Directeur de l’établissement et le cabinet du préfet s’entendent sur le report des délais.
L’ « économiquement faisable » n’est pas discuté par les acteurs alors que les enjeux de réduction du risque à l’amont concernent toute la collectivité.
Le chef d’établissement connaît les services de l’inspection du travail, il connaît l’inspecteur des installations classées : il ne les voit pas ensemble… Il connaît le cabinet du Préfet qui connaît les uns et les autres.
Ce cloisonnement et ce secret ne sont plus supportables ! Ils constituent d’ailleurs un danger réel, une prise de risque supplémentaire.
- les salariés défendent leur emploi coûte que coûte, au risque d’y laisser leur vie et celles de leurs familles riveraines, et tout les invitent à se taire.
- le chef d’établissement doit rendre des comptes de profitabilité au siège de l’entreprise et à ses actionnaires, il ne peut garantir au delà du très court terme.
- les élus locaux seraient « dépassés » par les enjeux, écartelés entre la défense de l’emploi et la délivrance de permis de construire dans les zones à risques.
- les services de l’inspection des installations classées et ceux de l’inspection du travail manquent, les uns comme les autres, de moyens et sont débordés. Par ailleurs, leur parole et action sont étroitement contrôlées à tout niveau hiérarchique et ne sont pas libres. A propos où en sommes nous des promesses de création de poste d’inspecteurs de la DRIRE ?
- en cas de contentieux, les magistrats sont débordés et peu spécialisés.
- en cas d’accidents les expertises succèdent aux contre-expertises alors que les victimes attendent la réparation des dommages subis et la compréhension de ce qui s’est passé pour pouvoir aller de l’avant.

Le groupe communiste insiste sur deux aspects majeurs passés sous silence lors de la catastrophe AZF de Toulouse.
Le stockage de produits non conformes réalisé dans le hangar 221, lieu de l’explosion, n’a pas fait l’objet d’un scénario d’accident et d’une étude approfondie.
C’est une faute majeure, car il s’agissait précisément des produits ne répondant pas aux exigences de qualité définies comme participant à la réduction des risques.
Il est aussi étonnant de ne retenir que l’hypothèse d’une « exploitation normale » du stockage dangereux.
Il n’y aurait donc pas eu lieu de se préoccuper de l’hypothèse de l’exploitation anormale du stockage des produits ne respectant pas les normes de qualité.

Le second enseignement tient à l’absence de liens entre l’étude de dangers et de risques prévus par les textes Seveso et les travaux d’évaluation et de prévention des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs imposés au chef d’entreprise par les articles L 230-2 et R 230-1 du code du travail.

Il y aurait pourtant, eu un intérêt évident à rapprocher ces deux évaluations pour analyser leur intérêt mutuel et leurs limites, s’agissant du tronc commun des dangers d’exposition aux produits et des risques d’accidents.
Et surtout cette obligation prévue par la directive de 1989 sur la santé et la sécurité au travail n’a pu être sanctionnée pénalement par la France que depuis le décret du 5 novembre 2001.

Le développement de la conscience du risque et du débat nécessaire avec tous les acteurs concernés constitue également un axe de progrès :
- Réunion publique obligatoire lors de la consultation sur les demandes d’autorisation complémentaires.
- Mise en place de comités locaux d’information et de concertation, (CLIC), pouvant faire appel à des experts et dotés de moyens par l’Etat.

Nous suggérons, la tenue d’une réunion publique annuelle permettant de rendre compte de l’évolution de la situation afin d’inscrire la conscience du risque dans la durée et de soumettre au débat les éléments nouveaux intervenus ou attendus d’une année sur l’autre.

Le troisième axe de progrès concerne la maîtrise de l’urbanisation autour des établissements à risque avec l’instauration des PPRT qui doivent permettre la résorption progressive des situations d’exposition aux risques.

Prescription de constructions ou interdictions, prescriptions de travaux limitant l’exposition aux risques : cela va dans le bon sens.

Droit de préemption urbain, droit de délaissement, droit d’expropriation… Autant de mécanismes utiles.

Mais les questions posées sont bien celles de qui va payer et à quel prix ?
A ce sujet l’article L515-19 se borne à renvoyer à la possibilité de conclure des conventions entre l’Etat, les exploitants des installations à l’origine du risque et les collectivités territoriales et leurs groupements pour préciser leurs contributions respectives au financement des mesures.

L’exemple de Metaleurop doit nous servir : si lors de l’exploitation nous n’assurons pas le respect de l’exigence d’internalisation des coûts sur l’entreprise à l’origine du risque, nous ouvrons toute grande la porte à des situations inacceptables !

Socialisation des pertes, privatisation des profits : cela suffit !

Pour limiter les dangers d’exposition aux risques et s’agissant des travaux réalisés à l’extérieur de l’usine sur des établissements voisins ou des constructions riveraines, nous demandons qu’ils soient mis à la seule charge des exploitants des installations à l’origine du risque, voire des autre exploitants d’installations classées dans lequel ces travaux sont réalisés.

S’agissant des conventions de l’article L 515-19 pour le financement des mesures de délaissement ou d’expropriation prévues, nous suggérons que les exploitants d’installations à l’origine du risque apportent une contribution égale à au moins 50 % du financement, le reste devant être financé à part égales par l’Etat et par la région.

Le quatrième axe vise l’amélioration nécessaire des dispositifs d’indemnisation des victimes avec le délai maximum de trois mois et le rôle du fonds de garantie prévus aux articles 12 et 13.

Nous sommes plus interrogatifs sur la portée de l’article 16 qui complète le code de commerce avec l’information insérée dans le rapport annuel de la société sur la capacité à couvrir sa responsabilité civile vis à vis des biens et des personnes et à assurer la gestion de l’indemnisation .

Il s’agit d’une information aux actionnaires. Mais n’y a t-il pas une erreur d’articulation avec l’article L 516-1 du code de l’environnement ?

Celui-ci prévoit de subordonner la poursuite de l’activité à la constitution de garanties financières pour la surveillance du site, le maintien en sécurité, les interventions éventuelles en cas d’accident avant ou après fermeture, les travaux de remise en état après fermeture.

Ces garanties imposées par le préfet selon un décret ne couvrent pas les indemnisations dues par l’exploitant aux tiers du fait de pollution ou d’accident causé par l’installation.

Nos amendements porteront,donc sur l’ensemble de ces questions.

Explication de vote

Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Mes cher(e)s collègues,

Nous voici parvenus au terme du débat sur les risques technologiques et naturels.
Comme j’ai eu l’occasion de le dire avant-hier, survenant après la catastrophe de Toulouse, le texte sur les risques technologiques contient des avancées indéniables, mais il comporte encore bien des insuffisances que le groupe communiste républicain et citoyen a essayé de corriger durant ces trois jours. Il faut bien l’avouer, cela tombe sous le sens, que l’objectif devrait être de prévenir les accidents, de réduire les risques à la source, de se fixer l’objectif d’un risque se rapprochant de zéro et de mettre tout en œuvre, tous les moyens pour aller dans cette perspective.

Dans son exposé des motifs, le gouvernement ne dit d’ailleurs pas autre chose.
En quoi consiste la réduction du risque à la source ?
Il en est de la responsabilité des entreprises concernées de réaliser les investissements nécessaires en faveur de la sécurité.
Or, dans ce débat, à chaque fois que nous avons pointé ce problème, la droite sénatoriale a tout mis en œuvre pour repousser nos amendements, prétextant des risques de découragement et de déménagement des entreprises.
De même que concernant l’aspect social et démocratique du problème, à chaque fois que nous avons voulu donner plus de responsabilité au CHSCT, au CLIC, au comité d’entreprise, aux salariés.

Bien que ces mesures ne coûtent pas un sou, nous avons eu les mêmes réactions de la droite sénatoriale.
En fait, nous n’avons fait que la moitié du chemin. Nous avions l’occasion de mieux protéger les salariés, les riverains et les sites et nous pensons que tout cela est de l’intérêt de tous, y compris des entreprises. Souhaitons que la Haute assemblée n’ait jamais à regretter cette attitude frileuse.

Dernier point que nous considérons comme très positif, les amendements du gouvernement, à partir du cas d’école de Metalleurop, pour que nous n’ayons plus à l’avenir à déplorer de tels scandales, humain, social et écologique.

Concernant les risques naturels, on ne voit pas, dans le texte, affichée la volonté de l’Etat d’engager les grands travaux pourtant nécessaires pour éviter les catastrophes que nous avons vécu ces dernières années et concernant les engagements financiers des uns et des autres, nous sommes là encore dans un flou artistique.
Pour toutes ces raisons, Madame la Ministre, le groupe communiste républicain et citoyen s’abstiendra.

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Bio Express

Yves Coquelles

Ancien sénateur du Pas-de-Calais
Décédé le 8 avril 2015.
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