Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

Lire la suite

Prévention des risques technologiques et naturels (2)

Par / 4 février 2003

par Gérard Le Cam

Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Mes cher(e)s collègues,

Après l’intervention de mon ami Yves COQUELLE sur les risques industriels, je me concentrerai plus particulièrement sur la deuxième partie du texte consacrée aux risques naturels.

Tout d’abord, sachez Madame la Ministre, que nous regrettons la réunion dans un même projet de loi, de deux grands domaines nécessitant des améliorations législatives essentielles mais dont les problématiques me semblent bien différentes. Nous aurions, pour notre part, souhaité qu’un texte de loi soit entièrement consacré aux risques naturels.

Outre que l’on peut semer dans les esprits quelque confusion ou quelque fâcheuse tendance à « naturaliser » les risques technologiques alors qu’il faudrait, au contraire, tout mettre en œuvre pour les réduire à la source, je crains de surcroît, que nous ne disposions pas du temps nécessaire pour mener un véritable débat de fond sur les risques naturels et notamment sur ceux relatifs aux inondations. Avant d’aller plus loin, je souhaite indiquer ici que nous allons concentrer notre réflexion sur les risques relatifs aux inondations parce que c’est le risque le plus fréquent et le plus meurtrier. Cependant nous ne devons pas oublier que d’autres phénomènes sont concernés comme les affaissements de terrain par exemple.

Je suis, pour tout vous dire, assez réticente face à certaines notions comme celle de « culture du risque » qui suppose que nous nous adaptions à une certaine fatalité, de l’occurrence des graves catastrophes. Je substituerais volontiers à cette notion, celle de « culture de la sécurité » qui témoignerait davantage du refus catégorique de nous habituer aux drames à répétition que nous avons connus ces dernières années, et qui dévastent des départements entiers alors même que les causes ont été identifiées et les remèdes préconisés.

En effet, nous pouvons, par la prévention, lutter efficacement contre la récurrence de ces tragiques événements.
Dès 1995, notre groupe avait déposé une proposition de loi où nous faisions justement remarquer que la répétition des inondations, du moins la répétition du caractère tragique des inondations excluait la fatalité.
Si de ce point de vue, ce texte apporte quelques réponses positives dans cette direction, il nous paraît néanmoins largement insuffisant, en deçà des exigences actuelles.
Bien sûr, l’organisation de réunions publiques d’information, la mise en place de schémas d’organisation de la prévision des crues au niveau de chaque bassin, le travail sur la mémoire du risque sont autant d’instruments de prévention utiles et nécessaires.

Bien sûr, la modification de pratiques agricoles inappropriées dans les zones sensibles d’érosion, l’incitation à l’implantation de haies et surtout la mise en place de zones de rétention et d’expansion des crues sont autant de mesures positives qui permettent de réduire les facteurs aggravants des crues. Bien que, dans le Gard, par exemple, les experts font observer que de nombreuses zones d’expansion possible de crues sont déjà occupées par des voiries ou des constructions
Mais c’est la mise en application de ces mesures qui risque de poser de réels problèmes si l’Etat n’est pas prêt à aider financièrement les communes pour faire face à ces lourdes dépenses.

Dans bien des cas, les collectivités locales n’auront pas les moyens financiers de racheter, d’aménager et de valoriser ces zones.
Le Maire de Nîmes exprimait lui-même ces doutes en disant, je cite, « Il faudrait 90 millions d’euros pour terminer le plan de protection contre les inondations de Nîmes pour un total de 160 millions d’euros. »
Or, il ressort très nettement de ce texte un désengagement financier de l’Etat et un report des dépenses sur les collectivités locales placées devant des obligations qu’elles ne pourront pas assumer.

En effet, comment les communes pourraient-elles prendre en charge financièrement l’entretien des cours d’eau et des berges ? L’on sait pertinemment que le manque d’entretien du milieu naturel contribue à accentuer le risque d’inondation lorsque l’écoulement naturel des eaux est freiné par des obstacles.

Les ruptures de digues, par faute d’entretien, constituent aussi un facteur aggravant. Il serait, aujourd’hui, nécessaire de procéder à une étude, cours d’eau par cours d’eau, pour mesurer l’état des digues et des berges.
Pour cela, n’en déplaise à certains, il faut des moyens humains et matériels. Mais malheureusement, la tendance n’est pas au développement de l’emploi dans les administrations départementales de l’équipement !
Au fond, ce texte de loi fait l’impasse sur les obligations de l’Etat en matière d’aménagement du territoire ou, pour le dire autrement, il confirme le désengagement de l’Etat face à ses responsabilités.

Les indemnités correspondant aux servitudes d’utilité publique prévues par la loi pourront -elles être financées par les collectivités locales ? Comment les petites communes, qui ne disposent guère d’aisance financière, pourront-elles répondre au droit de délaissement inscrit dans ce projet de loi, lorsqu’elles auront déterminé les zones de prévention ?
A la lueur de l’expérience de ces dernières années, il semble impensable que l’Etat n’apporte pas de contributions importantes pour financer toutes ces mesures.
Par ailleurs, d’autres efforts doivent être menés et là aussi l’Etat doit contribuer à leur impulsion. Je pense par exemple à la recherche au niveau des matériaux de construction des habitations.

En matière de revêtement des routes, certains types de goudronnage plus poreux facilitent l’évacuation des eaux. Ils sont certes plus onéreux, mais dans le long terme, le gain pour la collectivité est assuré.
Dans le même ordre d’idées, il faut aider ceux qui entreprennent des travaux de prévention afin de diminuer la vulnérabilité de leurs biens et ce, en mobilisant tous les acteurs, y compris les compagnies d’assurance. Tel sera le sens de l’un de nos amendements.

Enfin, comment ne pas souligner la faiblesse de l’aide de l’Etat en faveur de l’indemnisation des victimes, particuliers, collectivités territoriales et entreprises.
Suite aux inondations dans le Gard, de nombreuses communes se sont lourdement endettées pour faire face aux besoins de reconstruction et à la remise en état d’immeubles afin d’assurer dans les meilleures conditions possibles le relogement des sinistrés.

Quant aux familles sinistrées, dans la Somme ou ailleurs, les plus modestes d’entre elles se sont retrouvées dans des situations d’extrême précarité, du fait des retards en matière d’indemnisation et de l’insuffisance de leur montant. Nous pensons que la réparation des préjudices et dommages subis lors de catastrophes naturelles de ce type doit, pour être la plus juste possible, reposer sur la solidarité nationale. En plus d’une aide financière directe, l’Etat doit prendre des mesures exceptionnelles pour alléger le poids financier de la réhabilitation et de la reconstruction des biens d’habitation endommagés.

Tel sera l’orientation d’un certain nombre de nos amendements.
Enfin, permettez-moi de souligner la faiblesse des dispositions prévues en matière de planification de la gestion des crises. Le rapport de la commission d’enquête sur les inondations dans la Somme avançait quelques propositions, comme l’élaboration par les communes, de plan de secours en collaboration avec le préfet. Nous regrettons qu’un tel texte de loi ne consacre pas un chapitre à cette question. Nous proposons, dans cette optique, que lors du déclenchement d’une catastrophe naturelle, le préfet puisse immédiatement réquisitionner tous les logements, locaux d’habitation et de service du département, afin d’assurer le relogement des sinistrés.

Nous considérons donc que ce projet de loi manque d’ambition. Au fond, il s’inscrit dans la problématique générale de la décentralisation engagée par le gouvernement qui contribue à l’étranglement financier des collectivités territoriales. Il est révélateur de l’absence des moyens consacrés à nos services publics, dans le cadre de l’aménagement de notre territoire.

Autant le dire, l’insuffisance principale de ce texte est d’entériner une réelle absence de l’Etat alors que nous aurions besoin d’une loi de programmation, de prévention et de reconstruction des zones inondées.

Cela supposerait plus de volontarisme politique et des mesures fondées sur la solidarité nationale pour gérer à la fois les situations de crise, la reconstruction après les inondations et les mesures de prévention s’inscrivant dans le moyen long terme.

Pour toutes ces raisons, cette partie du texte nous paraît largement insuffisante, ce qui motive notre abstention.

Les dernieres interventions

Affaires économiques Mobilisés contre le frelon asiatique

Proposition de loi visant à endiguer la prolifération du frelon asiatique - Par / 11 avril 2024

Affaires économiques Un plan large pour un temps long

Débat sur le thème : « Haut-commissariat au plan : quel bilan et quelle influence sur les politiques publiques depuis 2020 ? » - Par / 10 avril 2024

Affaires économiques Kanaky : dire non à la colonisation de peuplement

Projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au Congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie. - Par / 27 mars 2024

Affaires économiques Formation, salaires et accès au crédit

"Tests PME" et création d’un dispositif "impact entreprises" - Par / 26 mars 2024

Affaires économiques CETA : une victoire démocratique

Projet de loi sur la ratification du CETA - Par / 21 mars 2024

Affaires économiques Sécurité nucléaire : pourquoi défaire ce qui fonctionne ?

Projet de loi sur la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection - Par / 7 février 2024

Affaires économiques La bagnole reconditionnée

Proposition de loi visant à favoriser le réemploi des véhicules au service des mobilités durables et solidaires sur les territoires - Par / 14 décembre 2023

Affaires économiques 1% du budget de l’État pour le sport

Vote des crédits 2024 pour le sport - Par / 11 décembre 2023

Affaires économiques Inflation : les rustines du gouvernement

Si vous voulez agir sur la hausse des prix, bloquez-les ! - Par / 9 novembre 2023

Affaires économiques Les pratiques détestables des acteurs du secteur

Accès au marché de l’assurance emprunteur - Par / 26 janvier 2022

Affaires économiques Cette pratique fait obstacle aux continuités écologiques

Limitation de l’engrillagement des espaces naturels - Par / 10 janvier 2022

Affaires économiques L’agrivoltaïsme maîtrisé peut avoir des vertus

Développement de l’agrivoltaïsme en France - Par / 4 janvier 2022


Bio Express

Gérard Le Cam

Ancien sénateur des Côtes-d'Armor
Membre de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire
Elu le 27 septembre 1998
En savoir plus
Administration