Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

Lire la suite

Résorption de la précarité dans la fonction publique

Par / 23 novembre 2000

par Nicole Borvo

Monsieur le ministre, les rapports de l’Etat avec ses fonctionnaires sont vraiment d’actualité, avec les négociations salariales engagées il y a deux jours !

Vous avez vous-même, il y a quelques mois, dans la presse, donné votre point de vue sur un Etat plus transparent et plus efficace. J’en citerai deux courts extraits.

D’abord : " Nous avons de nombreux atouts pour réussir : une administration plus proche des citoyens, plus mobile, plus réactive ; nos fonctionnaires sont profondément attachés au service public, bien formés et inventifs lorsqu’on leur en donne la possibilité... "

Puis : " Le dialogue social ne saurait donc être une vaine incantation ; il est la condition de la réussite des réformes... ".

Aussi, monsieur le ministre, l’Etat doit donner l’exemple et montrer clairement que les salariés, en particulier les plus modestes d’entre eux, doivent avoir leur part de la croissance revenue.

Nous formons donc le voeu ici que les négociations salariales débouchent positivement et donnent confiance aux agents de la fonction publique. Car, bien évidemment, la remise en chantier, au travers du projet de loi que nous examinons, de la résorption de la précarité dans la fonction publique doit aussi contribuer à donner confiance.

La précarité gangrène la fonction publique.

On connaît les chiffres : 13 % de personnels précaires dans la fonction publique d’Etat ; 34 % dans la fonction publique territoriale ; 5 % dans la fonction publique hospitalière selon l’INSEE, mais davantage selon les organisations syndicales.

Tout le monde le sait, ces chiffres sont à manipuler avec prudence et, de ce point de vue, la création d’un observatoire de l’emploi public, tel qu’il résulte de l’accord signé le 10 juillet 2000, est évidemment très positif.

Il va sans dire que, dans ce contexte, le projet de loi que nous examinons est attendu par un grand nombre de ceux qui ont fait le choix du service public et qui attendent de celui-ci une légitime reconnaissance.

La multiplication des emplois précaires dans la fonction publique a deux raisons principales.

La première, c’est le gel de l’emploi public érigé en dogme pendant des années, au moment même où l’Etat et les collectivités territoriales devaient faire face à une demande pressante de la part de nos concitoyens.

La seconde, c’est le retard pris depuis des années dans la modernisation des emplois, notamment dans la fonction publique territoriale.

Aussi serons-nous très attentifs à l’évolution des missions des groupes de travail mis en place par l’accord du
10 juillet dernier.

Dans la fonction publique territoriale, par exemple - mais ce n’est pas la seule - des missions exercées par nombre d’agents ne trouvent pas de cadre d’emploi statutaire. Ce phénomène est connu ; les informaticiens, les responsables de la communication, les musiciens, pour les villes dotés d’orchestre - les exemples sont, hélas ! très nombreux - ne peuvent et ne pourront être titularisés du fait même de l’inexistence des filières dans lesquelles ils exercent.

Le service public, pour se moderniser, doit intégrer de nouveaux métiers, de nouvelles compétences, et être capable en permanence de créer les corps nécessaires au plein accomplissement des missions d’un service public rénové. Est-ce justice que des milliers de personnes soient privées de cadre d’emploi du fait même de la lenteur de l’Etat et de ses administrations à se moderniser ?

Quant au gel de l’emploi public, il est battu en brèche - trop lentement, à mon goût, mais tout de même ! - par la vie
elle-même. Aujourd’hui, la croissance que connaît notre pays, une redéfinition des missions des services publics, mais aussi les attentes diverses de nos concitoyens en matière de services publics rendent nécessaire le recrutement dans l’ensemble des trois fonctions publiques d’agents de l’Etat.

A la seule appréciation des investissements réalisés aujourd’hui par l’Etat ou les collectivités territoriales, investissements qui participent eux-mêmes à la croissance et à l’emploi, le gel de l’emploi public est un non-sens.

En outre, quels que soient les secteurs observés, on assistera dans les toutes prochaines années à de très nombreux départs à la retraite des agents en poste. Les chiffres sont absolument phénoménaux : 50 %, voire 60 % pour la fonction publique territoriale. Dans les secteurs de la santé, de la recherche, de l’éducation et, de manière plus générale, dans l’ensemble des secteurs faisant appel à du personnel d’encadrement, c’est par centaines de milliers que l’Etat devra oeuvrer aux remplacements des départs en retraite. Dès lors, sauf à éradiquer la notion même de service public, le gel de l’emploi public ne peut perdurer. Ainsi, le texte qui nous est soumis constitue un premier pas intéressant pour résorber l’emploi public, mais un premier pas seulement. Nous sommes convaincus qu’il conviendra d’aller bien plus loin encore, conformément à l’esprit qui animait l’ensemble des signataires de la déclaration du dernier sommet de la majorité plurielle, le 7 novembre dernier.

Alors que cette déclaration prévoit de pénaliser par des mesures financières le recours à l’emploi précaire, l’Etat et les collectivités territoriales, mais également l’ensemble des établissements publics ou para-publics, se doivent, à mon sens, de montrer l’exemple.

Cela m’amène à évoquer la situation de La Poste. Aujourd’hui, La Poste fait appel à près de 80 000 contractuels, exclus du dispositif qui nous est proposé, sur un total de plus de 300 000 agents. Pour autant, la loi du 2 juillet 1990 prévoyait des conditions restrictives au recrutement d’agents contractuels puisqu’il était question " d’exigences particulières de l’organisation de certains services ou de la spécificité de certaines fonctions... ". Dans les faits, une très grande majorité de contractuels exercent les mêmes fonctions et ont les mêmes obligations que les fonctionnaires avec les mêmes horaires. Dès lors, et ce sera le sens de l’un des amendements que nous vous proposerons, rien ne justifie l’exclusion de La Poste et de nombre d’établissements publics du dispositif que nous examinons.

J’en viens à présent aux emplois-jeunes. Ce dispositif que nous avons soutenu, mis en place pour répondre aux attentes de très nombreux jeunes exclus de l’emploi, arrive bientôt à son terme. Conformément à la volonté, là aussi, de l’ensemble des membres de la majorité plurielle, telle qu’elle s’exprime lors de la déclaration commune du 7 novembre dernier, l’objectif est de parvenir à garantir un débouché professionnel à chacun des jeunes inscrits recrutés selon ces modalités. A cette fin, notre groupe présentera un certain nombre d’amendements pour permettre aux titulaires d’emplois-jeunes, mais également à l’ensemble des personnes recrutées dans le cadre de contrats dits aidés, d’intégrer chaque fois que cela est possible et selon leur voeu les fonctions publiques.

Certes, s’il ne s’agit pas d’offrir à chacun des jeunes un poste de titulaire de la fonction publique, au moins s’agit-il de permettre à chacun de bénéficier d’une égalité de traitement dans l’accès aux carrières de la fonction publique.

Ainsi nous inscrivons-nous pleinement dans le dispositif proposé aujourd’hui par le Gouvernement pour résorber l’emploi précaire. Il nous importe cependant d’en indiquer les faiblesses, voire les limites, dans le but que ce plan parvienne à une réelle résorption de la précarité dans l’emploi public, comme vous l’avez
vous-même proposé, monsieur le ministre.

On le sait, le dernier dispositif en date mis en oeuvre dans le cadre de la loi Perben devrait à ce titre nous éclairer. Ainsi, dans la fonction publique territoriale, comme cela a été rappelé par M. le rapporteur, sur les 50 000 agents recensés en début d’application de la loi Perben, seuls 8 522 ont pu être titularisés. Dans la fonction publique d’Etat, sur près de 50 000 candidats potentiels, seuls 30 000 ont été intégrés.

Le dispositif qui nous est proposé aujourd’hui est certes plus ambitieux, mais mérite à mon sens d’être renforcé. Les organisations des personnels sont porteuses d’un certain nombre de propositions qu’il nous faut entendre et que, par manque de temps, je ne peux citer dans leur ensemble, mais la mutualisation des moyens, la mise en place de brigades de renforts, l’instauration de formes adaptées d’organisation du travail sont pour nous des pistes à exploiter, la validation des acquis professionnels inscrite dans le texte étant à ce titre une avancée, qui pourrait être poussée plus loin.

Nous attendons également beaucoup de la réduction du temps de travail dans la fonction publique, et peut-être
pourrez-vous, monsieur le ministre, nous informer de l’état des négociations sur cette question.

Nous nous étonnons de l’absence de mesures financières adaptées aux visées de ce projet de loi.

Bien souvent, en effet, la précarité dans la fonction publique territoriale trouve son origine dans la faiblesse des crédits budgétaires. Une hausse importante de la DGF permettrait de résorber bien des emplois précaires. Je crois que l’on ne peut pas s’engager à résorber l’emploi précaire sans prendre en considération la faiblesse des ressources des collectivités territoriales.

En effet, combien de titulaires de contrat emploi-solidarité ou de contrat emploi consolidé remplissent, du fait de la modestie des moyens financiers des collectivités, des missions dévolues ordinairement à des fonctionnaires et devraient être titularisés ?

En outre, la résorption de l’emploi précaire dans la fonction publique ne doit pas se faire au détriment des procédures de promotion des agents titulaires, en l’absence de moyens financiers adaptés et d’un dispositif " hors contingent ". Ce risque est réel.

Bien des questions pourraient encore être évoquées mais mon temps de parole est compté.

Pour nous, la question de l’emploi public n’est pas un dogme mais s’inscrit pleinement dans le cadre d’une réforme de l’Etat au service du progrès et de la justice. De la nation à l’Europe, un modèle de développement et de progrès original peut voir le jour. Les services publics, nationaux - mais pourquoi pas également européens ? - pourraient constituer dans ce cadre un laboratoire original où prévalent d’autres choix que la concurrence économique, et ce pour le bien de tous.

Les amendements que nous apporterons à ce texte participent de cette logique et nous souhaitons vivement que certains fassent l’objet d’une attention particulière du Gouvernement et des membres de notre assemblée. Explication de vote

A l’Assemblée nationale, au moment de l’examen du projet de loi relatif à la résorption de l’emploi précaire dans la fonction publique, vous indiquiez, monsieur le ministre,
" inscrire ce projet dans la perspective globale de la politique du Gouvernement en matière d’emplois publics ".

Lors de la discussion de ce texte devant notre Haute Assemblée, un certain nombre des amendements que nous avions présentés étaient rejetés, avant même discussion, au motif de préserver l’équilibre général du texte.

A l’Assemblée nationale, ce même motif frappait d’irrecevabilité, si je puis dire, les amendements déposés par nos amis députés.

Or, dans le même temps, le Gouvernement n’hésitait pas à introduire des modifications substantielles au texte : il en est ainsi, par exemple, de l’article additionnel après l’article 2, ou encore de l’article additionnel après l’article 5 quater.

Pour être tout à fait précise, ce n’est pas le contenu des amendements qui ont été introduits qui justifie mon observation. En effet, la plupart vont dans le sens d’une relative amélioration du texte qui nous était proposé. Il s’agit donc moins du contenu que de la méthode, qui consiste tantôt à refuser des amendements au nom de l’équilibre général du texte, tantôt à en retenir.

Pour notre part, nous ne doutons pas que, pour être tout à fait conforme à l’esprit qui animait la majorité plurielle lors du récent sommet de la gauche, mais plus encore pour inscrire ce texte dans la perspective globale du Gouvernement en matière d’emploi public, bien des aménagements devront être apportés à ce projet de loi.

Je m’étais rangée à l’idée d’un texte succinct concernant un objet précis. Mais force est de constater qu’un certain nombre de choses n’ont pu être discutées, ce qui me pose problème : je note, par exemple, l’absence du secteur postal, que rien ne justifie, dans le dispositif. Cela nous préoccupe d’autant que la presse ne cesse de parler de changement de statut de La Poste. Ces annonces sont inquiétantes s’agissant des emplois précaires actuels à La Poste !

Nous resterons également attentifs aux mesures qui nous seront proposées dans la prochaine période concernant les emplois-jeunes, puisque, là aussi, un amendement présenté dans ce sens n’a pu être discuté.

Enfin, la modernisation du service public rend plus que jamais nécessaire la création de nouveaux cadres d’emplois, comme nous l’avions proposée, dans l’ensemble des fonctions publiques, et en particulier dans la fonction publique territoriale. Les nombreux départs en retraite du fait du vieillissement des agents de la fonction publique permettront, certes, le recrutement et la titularisation de nombreux - trop nombreux ! - agents en situation précaire aujourd’hui. Encore ces renouvellements ne doivent-il pas être un frein au développement de la fonction publique dans son ensemble ! En effet, de nouvelles missions de services publics - nous étions également intervenus sur ce point - sont aujourd’hui nécessaires pour répondre aux besoins divers de nos concitoyens et ces missions ne peuvent être conduites à moyens constants.

Puisque le hasard du calendrier nous amène à légiférer sur l’emploi précaire au moment même où, pour la deuxième fois, se déroulent des négociations salariales dans la fonction publique, je profite de l’occasion qui m’est donnée pour dire combien les agents de l’Etat attendent de notre majorité, donc du Gouvernement, un signe fort, en matière salariale notamment. A ce titre, nous doutons que l’augmentation proposée au titre du rattrapage du pouvoir d’achat de 0,5 % cette année soit conforme aux attentes des fonctionnaires. Peut-on d’ailleurs réellement parler de négociations salariales dès lors qu’unilatéralement un seuil d’augmentation est ainsi décidé ?

Pour l’ensemble de ces raisons, je m’abstiendrai sur ce texte.

Les dernieres interventions

Affaires économiques Kanaky : dire non à la colonisation de peuplement

Projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au Congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie. - Par / 27 mars 2024

Affaires économiques Formation, salaires et accès au crédit

"Tests PME" et création d’un dispositif "impact entreprises" - Par / 26 mars 2024

Affaires économiques CETA : une victoire démocratique

Projet de loi sur la ratification du CETA - Par / 21 mars 2024

Affaires économiques Sécurité nucléaire : pourquoi défaire ce qui fonctionne ?

Projet de loi sur la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection - Par / 7 février 2024

Affaires économiques La bagnole reconditionnée

Proposition de loi visant à favoriser le réemploi des véhicules au service des mobilités durables et solidaires sur les territoires - Par / 14 décembre 2023

Affaires économiques 1% du budget de l’État pour le sport

Vote des crédits 2024 pour le sport - Par / 11 décembre 2023

Affaires économiques Inflation : les rustines du gouvernement

Si vous voulez agir sur la hausse des prix, bloquez-les ! - Par / 9 novembre 2023

Affaires économiques Les pratiques détestables des acteurs du secteur

Accès au marché de l’assurance emprunteur - Par / 26 janvier 2022

Affaires économiques Cette pratique fait obstacle aux continuités écologiques

Limitation de l’engrillagement des espaces naturels - Par / 10 janvier 2022

Affaires économiques L’agrivoltaïsme maîtrisé peut avoir des vertus

Développement de l’agrivoltaïsme en France - Par / 4 janvier 2022

Affaires économiques Le remède proposé ici risque d’être pire que le mal

Accès au foncier agricole : conclusions de la CMP - Par / 7 décembre 2021

Affaires économiques La cause animale est un sujet que nous ne pourrons plus occulter

Lutte contre la maltraitance animale : conclusions de la CMP - Par / 18 novembre 2021


Bio Express

Nicole Borvo Cohen-Seat

Ancienne sénatrice de Paris et présidente du groupe CRC
Ancienne sénatrice de Paris
Elue le 24 septembre 1995
En savoir plus
Administration