Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Sécurité et développement des transports : conclusions de la commission mixte paritaire

Par / 22 décembre 2005

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers Collègues,

Une nouvelle fois, le gouvernement fait adopter dans l’urgence un texte de loi aux conséquences multiples et importantes.

Les sénateurs avaient déjà eu très peu de temps pour étudier ce texte puisqu’il avait été adopté le 5 octobre par le conseil des ministres et avait été débattu au sein de l’hémicycle seulement deux semaines plus tard.
Les députés ont disposé d’un peu plus de temps pour travailler ce texte mais les principaux amendements n’ont même pas fait l’objet d’un examen par la commission économique.

Je pense notamment aux amendements de Monsieur Devedjan, déposés très peu de temps avant leur adoption par les députés. Pourtant, ces amendements sont très importants et vont durablement entraver le bon fonctionnement du Syndicat des Transports d’Ile de France.

Ainsi, un premier amendement implique que toute décision, lorsqu’elle fait progresser les contributions publiques à plus de deux points au dessus du taux moyen d’évolution des tarifs, doit être prise à la majorité des deux-tiers des membres du conseil d’administation.

Tout développement sérieux de l’offre de transport, toute politique tarifaire sociale deviendra donc impossible à mettre en œuvre sans l’aval du président de l’UMP, dont on connaît la volonté de ne pas développer les services publics.
Ainsi, cette disposition revient sur le principe même de solidarité territoriale en permettant que les départements riches puissent refuser de contribuer au développement de l’offre de transport envers les départements les plus défavorisés.

Dans ce même amendement, il demandait également le maintien de l’ancien conseil d’administration du STIF tant qu’un nouveau conseil d’administration ne sera pas en place. Cette partie de l’amendement particulièrement provocatrice n’a heureusement pas été retenu par la commission mixte paritaire.
Comme si cela ne suffisait pas, un deuxième amendement du même député a été adopté et maintenu par la CMP.

Cet amendement permet à l’Etat de reprendre la responsabilité du projet CDG Express, alors même que ce projet devrait être sous la responsabilité du Syndicat des Transports d’Ile de France, comme autorité organisatrice des transports de la région. Comment peut-on proposer et voter un amendement qui détourne à ce point la procédure législative pour satisfaire des considérations
particulières, sans aucun rapport avec la loi débattue ?

Ainsi, la discussion de ce projet de loi à l’assemblée nationale, loin du travail parlementaire traditionnel qui veut que les parlementaires améliorent les dispositions du projet de loi, a permis un règlement de compte avec la majorité du conseil régional. C’est une honte !
De plus, ces amendements reviennent sur les principes même de la décentralisation en privant la région de la responsabilité des transports franciliens.

Il s’agit par ce procédé d’un grave déni de démocratie. En adoptant ces nouvelles mesures, le Parlement ne respecte pas le vote des électeurs de la région Ile de France qui ont porté une majorité de gauche à l’éxécutif régional.
Parallèlement, le gouvernement s’est également servi de cette lecture devant l’assemblée nationale pour faire ratifier par amendement la simplication de la procédure de déclassement des biens de RFF.

Cette simplication va en réalité permettre à RFF de déclasser puis de cèder plus rapidement des terrains pour alimenter son budget, ceci pour faire face au désengagement de l’Etat dans le secteur des transports.

Déjà devant l’assemblée sénatoriale, le gouvernement, par voie d’amendement, avait permis la ratification d’une ordonnance fondamentale dans le domaine du transport aérien. En effet, celle ci entérinait un transfert de responsabilité de l’Etat sur les exploitants d’aérodromes pour la mise en oeuvre des missions de sureté.
Or, la prévention des actes de terrorisme et donc la sauvegarde de l’intégrité du territoire représentent des missions éminement régaliennes dont la responsabilité doit rester à l’Etat.

Dans le secteur aérien, comme dans d’autres domaines, les objectifs sont les mêmes, il s’agit pour l’Etat de se décharger de ses missions régaliennes, en faisant appel soit aux collectivités territoriales soit à l’initiative privée.

Ces conditions de travail parlementaire sont inacceptables. La déclaration de l’urgence sur les textes, le non examen des amendements par la commission chargée du texte, la ratication des ordonnances par simple amendement du gouvernement semblent devenir les instruments privilégiés du gouvernement pour diriger le travail parlementaire.

On revient par cette manière sur les fondements même du pacte républicain et sur les principes même de souveraineté nationale.
Mais venons en, au contenu même de ce projet de loi.
Nous persistons à dire que loin de permettre le développement des transports et d’assurer un meilleure sécurité, ce texte ne vise qu’à accroître l’insécurité des transports en soumettant ce secteur aux impératifs du marché, en déréglementant le droit des salariés, en faisant fi des impératifs de préservation de l’environnement et de développement durable.

La première mesure de ce texte correspond à la transposition droit interne du deuxième paquet ferroviaire entérinant l’ouverture à la concurrence du fret ferroviaire international au 1er janvier prochain et du fret national au 31 mars prochain.
Je tiens ici à rappeler que depuis de nombreuses années que les parlementaires communistes demandent un moratoire sur les effets économiques et sociaux de la libéralisation des secteurs publics, et notamment des secteurs ferrovaires, aériens et maritimes, cette demande légitime n’a jamais trouvé de réponse.

Au regard des attentes exprimées à plusieurs reprises par le peuple français, il semble pourtant que ce devrait être l’un des premiers mandats du gouvernement que de solliciter les institutions européennes pour la réalisation de ce moratoire.

De plus, le refus du traité constitutionnel européen, exprimé le 29 mai dernier par nos concitoyens a été l’occasion pour le peuple français d’exprimer son refus des politiques ultralibérales, de la déréglementation à tout va, et de démantèlement des services publics.
Le Parlement européen n’a pas entendu ce message puisque les députés européens viennent de voter le troisième paquet ferroviaire qui ouvre à la concurrence le transport de passagers.

Le gouvernement français n’a pas plus tenu compte du résultat du référendum puisqu’il nous propose aujourd’hui d’adopter ce projet de loi .
En amont, le gouvernement a déjà préparé l’ouverture à la concurrence par l’adoption du plan fret ferroviaire. Mais que constate-ton ? L’offre de transport et la sécurité ont-elles été améliorées ?

Loin de là, le rail a encore perdu des parts dans le transport de marchandises. Ce plan s’est soldé par une perte de capacité du réseau, par la fermeture de nombreuses gares, de nombreux sillons (18%), et par la suppression d’emplois.

Ce plan a également mis 200 000 camions supplémentaires sur les routes depuis sa mise en oeuvre en 2004. Au terme de ce plan, ce sont 1 million de camions supplémentaires qui sont attendus.

Sur ce point, je tiens avous rappeler que le rapporteur de l’assemblée nationale sur le budget transport estimait lui aussi qu’un bilan d’étape approndi du plan fret ferroviaire, préparant l’ouverture à la concurrence devait être établi. Cette proposition n’a pas davantage été reprise par le gouvernement.

Alors que l’Etat doit s’engager en faveur du rééquilibrage modal afin de respecter ses engagements pris lors du sommet de Kyoto, les parts du transport routier de marchandise n’ont cessé de croître. Ceci s’explique par une politique plus que généreuse du gouvernement d’allégement de charges en assouplissement de la réglementation du travail comme le témoigne les article 15, 16 et 17 de ce projet de loi.

Le patronat routier va bénéficier également grâce au plan du gouvernement du 12 septembre dernier d’un nouveau dégrèvement de taxe professionnelle sur les camions de plus de 16 tonnes, plan qui va coûter à l’Etat 400 millions d ’euros. Toutes ces mesures s’ajoutent au dégrèvement de taxe professionnelle pour les camions de 7,5 tonnes déjà accordé dans la loi de finances 2005 et accentué dans la loi de finances 2006.

Cette démarche de libéralisation vise à permettre l’entrée de nouveaux entrants, qui ne nous leurrons pas, seront plus intéressé par les profits à courts termes sur les lignes rentables que par la qualité du service et la satisfaction des besoins.

Les sénateurs du groupe communiste, républicain, et citoyen, estiment, pour leur part, que le développement et la sécurité des transports passe par la maîtrise publique des investissements dans les infrastructures et le matériel de transport.

Sur ce point, l’audit sur les infrastructures de transport estimait à 600 millions supplémentaires les besoins de financement des infrastructures de transport. Or, le projet de loi de finances 2006 n’accorde que 70 millions supplémentaire pour les infrastructures de transports. Ce sous investissement chronique aboutira, si rien ne change à la suppression de 60% des lignes d’ici 2025.
Le projet de loi de finances a également entériner le désengagement de l’Etat en faveur du désendettement de la SNCF et RFF.

Pourtant, il est urgent de définir une conception de la politique des transports pour permettre à l’Etat de dégager des priorités au regard, non de la rentabilité escomptée, mais des impératifs d’intérêt général de sécurité des réseaux, d’aménagement du territoire et d’égal accès des usagers à la mobilité.

Dans ce sens, la possibilité de partenariat public/ privé, si elle n’est pas contestable par principe, comporte le risque de la création de monopoles privés sur certains segments du réseau.

On peut d’autant plus s’inquiéter de la volonté du gouvernement de mettre en oeuvre les conditions d’un désengagement de l’Etat dans le financement des infrastructures que la privatisation engagée des autoroutes prive l’agence de financement des infrastructures de ressources pérennes.

Ainsi, on s’en remet, par ce projet de loi, à l’initiative privée pour établir des priorités dans le choix des infrastructures à financer. Cela est extrêmement dangereux au regard des missions de service public qui incombent à l’Etat.

Malgré quelques dispositions positives de ce texte concernant les transports aériens et maritimes, les sénateurs du groupe communiste, républicain et citoyen, voteront contre ce projet de loi qui fragilise la sécurité des usagers et des personnels et renonce au développement d’une offre de transport digne des moyens de notre pays.

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Bio Express

Michel Billout

Ancien sénateur de Seine-et-Marne
Membre de la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées
Elu le 26 septembre 2004
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