Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Solidarité et renouvellement urbains

Par / 26 avril 2000

par Odette Terrade et Guy Fischer

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’Etat, mes chers collègues, l’intérêt que suscite le présent projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains n’est pas anodin.

Il traduit avant tout le fait que la question urbaine est une préoccupation essentielle pour le début du siècle et qu’elle continuera d’irriguer les décennies à venir.

Aujourd’hui, 80 % de la population française vit en zone urbaine.

Ce phénomène n’est pas propre à notre pays. En effet, malgré les inégalités entre les continents, cette tendance s’affirme à l’échelon mondial.

Cela démontre combien l’examen de ce projet de loi est opportun et est au coeur des attentes de millions d’hommes et de femmes qui espèrent des réponses à la hauteur des enjeux nationaux pour leur vie quotidienne.

Dans bien des lieux, la ville est en crise. Son étalement et son éclatement, faute d’avoir été maîtrisés et pensés à travers l’ensemble des questions posées, faute de moyens également, ont conduit à des situations bien connues, surtout dans les banlieues : des villes écartelées, à plusieurs vitesses ; des quartiers ghettoïsés où se mêlent des sentiments de mal-vie, d’abandon, d’insécurité, mais aussi le sentiment de subir un environnement laid, dépourvu d’espaces verts, de commerces, de transports et de services publics.

M. Hilaire Flandre. Pourquoi persévérer ?

Mme Odette Terrade. Il est donc temps de donner du sens à la ville. Pour cela, la ville a besoin de lien social, de multiplicité et de mixité. Il s’agit, aujourd’hui, de construire ou de reconstruire la ville.

Dans cet état d’esprit, votre projet de loi, monsieur le ministre, parce qu’il tend à
" rendre la ville à ses habitants ", me paraît fondamental.

La reconquête de la ville doit, avant tout, être une question citoyenne d’appropriation de celle-ci par le plus grand nombre.

Construire la ville passe par plusieurs
voies : il faut donner la parole à ceux qui ne l’ont jamais et démontrer que cette parole compte, qu’elle est entendue parce qu’elle est utile, créatrice et intelligente. Il faut inventer avec nos concitoyens un nouvel âge de la démocratie participative.

Le chantier ouvert par le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains n’est pas nouveau, la gauche plurielle l’a engagé depuis trois ans.

Du rapport Sueur au comité interministériel arrêtant cinquante grands projets de rénovation urbaine en décembre 1999, des lois de lutte contre l’exclusion, sur l’aménagement du territoire, sur l’intercommunalité au projet de loi que nous examinons aujourd’hui, il y a la volonté de mettre en cohérence des actions de longue haleine.

Cette démarche rend plus vives encore certaines questions qui touchent à la sphère économique.

En effet, les politiques publiques les plus volontaires et les plus généreuses verraient leurs bénéfices amoindris, voire ruinés, sans l’implication de ce secteur. Que serait la ville solidaire pour des citadins livrés à l’insécurité sociale dont rêve, désormais à voix haute, le MEDEF, le Mouvement des entreprises de France ? Que résout la taxe professionnelle unique d’agglomération censée mettre fin à des concurrences locales quand des grands groupes financiers et industriels continuent à fusionner, à concentrer et à casser
l’emploi ?

La volonté légitime de reformer l’urbain ne peut a priori rester en deçà de certaines frontières ni même fermer pudiquement les yeux devant la nécessité de mettre en oeuvre des réformes structurelles à l’échelle de notre pays.

Je souhaite saluer le choix du Gouvernement de traiter, à travers ce projet de loi, de la politique de la ville de façon globale et cohérente, en abordant, transversalement, de nombreux éléments qui fondent la ville.

En effet, nous devons inverser les tendances de l’aménagement, tel qu’il a été conçu jusqu’à présent. Car si vingt ans de politique de la ville n’ont pas permis d’améliorer sensiblement la vie en ville, cela est dû essentiellement aux réponses parcellaires faites, mais également au fait que le droit de l’urbanisme est un droit récent, construit au fil des problèmes rencontrés. Il se présente, en fait, comme une superposition de textes, sans liens clairs les uns avec les autres.

L’évolution rapide de la société a complexifié la tâche, car elle a rendu les législations très rapidement obsolètes.

Les déséquilibres et les ségrégations se sont toujours accentués.

Les différences de richesse et de développement des territoires n’ont fait que se creuser, souvent de parallèlement !

N’est-ce pas en grande partie la crise économique qui a propulsé certaines de nos villes, certains de nos quartiers, dans un mal-vivre grandissant ?

Alors que la croissance semble repartie, il est indispensable de ne pas donner l’impression aux six millions d’habitants des quartiers sensibles, toujours très marqués par un fort taux de chômage, que cette reprise s’arrêterait à leur porte.

Il faut, pour cela, des mesures dépassant le ministère de l’équipement, des transports et de logement et le ministère de la ville.

Pouvez-vous, messieurs les ministres, nous donner quelques détails sur les actions que le Gouvernement envisage dans ce domaine ?

Les parlementaires communistes défendent depuis longtemps l’idée d’une reprise économique, notamment à travers l’augmentation de la consommation des ménages que pourrait provoquer une hausse du niveau des salaires de nos concitoyens. Nous ne sommes donc pas de ceux qui boudent la croissance à laquelle nous assistons.

Toutefois, veillons à ce que ce phénomène, faute de concerner l’ensemble de la population, n’aggrave pas la ghettoïsation des quartiers sur des bases essentiellement sociales.

En effet, les habitants les moins exclus, qui sont souvent les vecteurs du lien social, en retrouvant du travail et des moyens financiers, vont souhaiter - et c’est bien compréhensible - quitter ces quartiers qui riment avec " mal-vie ". Ce faisant, il n’y restera plus que des hommes et des femmes qui n’auront pas le choix de leur résidence et qui la subiront du fait de leur condition très modeste. Le sentiment d’habiter un quartier et une cité délaissés serait alors renforcé.

Depuis trop longtemps, l’ampleur des difficultés dont souffrent cruellement bon nombre de nos concitoyens, " l’apartheid spatial " dont ils sont de surcroît les victimes ajoutent la " mal-ville " à la
" mal-vie ".

Ces deux maux se nourrissent pour amplifier leurs conséquences, jusqu’à les rendre à un tel point insupportables qu’elles s’expriment de plus en plus dans de dramatiques violences et de trop nombreuses incivilités pour les populations qui en sont les premières victimes.

L’exemple de la région parisienne est assez symptomatique de ce phénomène, comme d’ailleurs la plupart des grandes villes françaises dans lesquelles, à l’étude du tissu urbain, on se rend compte du mal, né des politiques de zonage. Les villes-centres ont été vidées de leur population populaire pour n’être plus que des entités administratives. Les activités économiques ont été rassemblées autour de grands pôles et les cités dortoirs se sont multipliées.

Ces conceptions de la ville conduisent aujourd’hui à des catastrophes économiques et sociales.

A l’heure actuelle, de nombreux quartiers sont rejetés, frappés du sceau de l’exclusion sociale.

Alors, quelle énergie ne faut-il pas développer, aujourd’hui, pour rétablir ces équilibres distendus ?

Cependant, ce souci ne semble pas partagé de la même façon sur toutes les travées. En témoignent les attitudes et discours à droite, où les amalgames et idées préconçues foisonnent. (Exclamations sur les travées du RPR.)

La philosophie générale de vos amendements sur les questions de mixité et votre refus de contribuer, au niveau de chaque commune, à une répartition équilibrée du logement social va accentuer les ségrégations. C’est une attitude contraire à l’unité républicaine et à l’intérêt général, alors que ce projet de loi, de par sa vision transversale et solidaire, répond aux enjeux de l’aménagement du territoire.

Comme je l’ai dit précédemment, le texte soumis aujourd’hui à l’examen de la Haute Assemblée s’intègre dans un dispositif gouvernemental de plus grande ampleur.

Ainsi, les lois sur l’aménagement du territoire et sur la simplification et le renforcement de la coopération intercommunale se veulent, elles aussi, des outils de solidarité au service du développement des territoires. Il semble évident qu’elles vont permettre une mutualisation des réponses, les rendant plus pertinentes et adéquates aux besoins des habitants, des collectivités locales et de leurs territoires, ce qui est une bonne chose.

Les parlementaires communistes ont toujours défendu l’idée que la coopération intercommunale est une solution moderne et solidaire,...

M. Dominique Braye. C’est nouveau !

Mme Odette Terrade. ... à condition qu’elle soit décidée volontairement par les communes, sur un territoire pertinent et autour d’un projet.

Mme Hélène Luc. Eh oui !

M. Dominique Braye. Vous évoluez, c’est bien !

Mme Odette Terrade. Notre conception de l’intercommunalité nous a conduits à ne pas approuver les lois dites Chevènement et Voynet, parce qu’elles organisent, selon nous, une intercommunalité d’aubaine, rigide, qui laisse peu de place aux projets politiques des collectivités locales et à la démocratie locale.

Le projet de loi sur la solidarité et le renouvellement urbains tient compte, bien entendu, du nouveau cadre législatif introduit par ces textes.

Aussi veillerons-nous, tout au long de l’examen de ce projet de loi, à améliorer les procédures de concertation avec les élus locaux et les populations,...

M. Dominique Braye. Vous auriez pu le faire avant !

Mme Odette Terrade. ... même si votre texte, messieurs les ministres, est fondé - et ce plus encore depuis son passage à l’Assemblée nationale - sur la concertation et la négociation, permettant ainsi la mise en place d’un projet politique commun et global.

Le projet de loi qui nous est présenté est profondément novateur, tant il appréhende l’aménagement du territoire de façon cohérente et complète.

L’autre nouveauté concerne les moyens. En effet, même si nous avons des remarques à formuler, ce que nous ne manquerons pas de faire dans le débat, comment ignorer que les crédits publics en faveur de la politique de la ville sont passés de
21 milliards de francs en 1997 à
35 milliards de francs en 2000 ?

M. Hilaire Flandre. La ville et le désert !

Mme Odette Terrade. Il est à ce propos intéressant de noter que les collectivités locales, en s’engageant pour près de
4 milliards de francs, ont fait progresser leur participation de 50 % sur deux ans.

L’Etat ne doit pas être en deçà de cet effort et se désengager d’une responsabilité qui lui incombe principalement.

Tous les acteurs de la politique de la ville que nous avons rencontrés dans la préparation de ce débat, qu’ils agissent dans le secteur de l’urbanisme, du logement ou des transports, nous ont parlé du danger d’afficher, dans ces domaines, des ambitions qui ne seraient pas suivies d’effets, par manque de moyens. Il faut les écouter !

Mais j’en reviens plus précisément au projet de loi dont il est question aujourd’hui.

Le titre Ier, consacré au renforcement de la cohérence des politiques urbaines, se décompose en deux sections : la première, relative aux documents d’urbanisme et aux opérations d’aménagement ; la seconde, relative au financement de l’urbanisme.

L’ensemble des dispositions proposées procède non pas à un simple toilettage du code de l’urbanisme, mais bien à une réforme de notre législation. Cette modernisation traduit la volonté du Gouvernement de faire du droit de l’urbanisme un droit moins attaché à la forme, plus riche au fond,...

M. Dominique Braye. De qui se
moque-t-on, là ?

Mme Odette Terrade. ... un droit plus lisible, alliant planification spatiale et projet de développement des territoires, tant urbains que périurbains ou ruraux, enfin, un droit négocié grâce à l’introduction, à tous les niveaux, de mécanismes de concertation des citoyens ou la systématisation de la procédure d’enquête publique.

Le titre II, dans un premier chapitre, reprend, en les rendant plus opérationnelles, les dispositions relatives à la mixité sociale, alors qu’un second chapitre est consacré aux propriétés dégradées.

Ce sont les mesures imposant une répartition équilibrée des logements sur l’ensemble du territoire qui suscitent les plus vives réactions. Cependant, leur concept n’est pas nouveau. Il est juste rendu plus efficace. En effet, il ne suffira plus de s’exonérer en payant ; il faudra satisfaire à l’obligation de réalisation effective de logements sociaux, à un rythme programmé.

Mme Hélène Luc. Absolument !

Mme Odette Terrade. L’Etat assure sa mission de garant de la solidarité et intervient uniquement en cas d’immobilisme absolu. Nous estimons cette contrainte légitime.

Je souhaite dire, à ce stade de mon intervention, combien certains propos tenus à l’Assemblée nationale lors de l’examen de l’article 25 m’ont choquée, comme ils ont choqué un grand nombre de nos concitoyens, attachés, comme moi, à la valeur de solidarité.

M. Dominique Braye. Est-ce que vous vous souciez de ce qui nous choque ?

Mme Odette Terrade. Lorsque le
député-maire du Raincy refuse la perspective de construire quarante-cinq logements sociaux nouveaux par an pour, soit-disant, préserver sa commune d’une surdensification et que, dans le même temps, soixante logements privés de standing s’y construisent,...

M. Bernard Murat. Et alors ?

Mme Odette Terrade. ... il fait preuve d’un communautarisme de classe inacceptable et injurieux envers les moins fortunés de nos concitoyens ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées socialistes. - Protestations sur les travées du RPR, où M. Braye entonne L’Internationale.)

Et, pourtant, j’entends depuis plusieurs années un discours qui a pu sembler consensuel sur la nécessité d’arriver à une réelle mixité sociale !

M. Dominique Braye. Arrêtez !

M. Patrick Lassourd. Quel archaïsme !

M. Dominique Braye. C’est la machine à remonter le temps !

M. Guy Fischer. Vous, vous remontez aux rois !

Mme Odette Terrade. Eh bien, lorsqu’il s’agit d’y mettre du sens et du concret, je remarque qu’il n’en est rien ! Force est de constater que les élus de droite cherchent, par tous les moyens, à s’en dispenser. (Exclamations sur les travées du RPR.)

M. Guy Fischer. Voilà la vérité !

Mme Odette Terrade. Ils ont agité, pour cela, les fantasmes des barres et des grandes tours dont, bien entendu, plus personne ne veut et qui ne sont plus à l’ordre du jour.

Ils ont stigmatisé les populations des quartiers populaires (Exclamations sur les travées du RPR), en oubliant que deux de nos concitoyens sur trois peuvent prétendre au logement social et qu’un sur trois passe par le logement social dans son parcours résidentiel ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

M. Hilaire Flandre. Bel aveu d’échec !

Mme Odette Terrade. Le titre III se divise en deux sous-titres : l’un sur l’élaboration des plans de déplacements urbains, l’autre sur la régionalisation des transports ferroviaires. Je ne détaillerai pas ces dispositions et nos appréciations, car mon ami Pierre Lefebvre le fera au cours de la discussion des articles.

Le titre IV aborde des questions essentielles, notamment dans sa première partie, où sont définis la politique du logement, les missions des organismes, leurs prérogatives et leurs statuts.

De nombreuses dispositions ont été améliorées lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale. Ainsi, la possibilité de créer de nouveaux OPHLM a été affirmée. Les problèmes liés aux statuts des personnels des offices après transformation ont été résolus.

Un amendement du groupe communiste visant à rehausser le seuil de déclenchement du surloyer a été adopté. La commission des lois propose de le supprimer. Nous souhaitons, quant à nous, que le supplément de loyer de solidarité soit abrogé, tant il est néfaste pour la mixité sociale.

M. Dominique Braye. C’est le contraire ! Vous n’avez rien compris !

Mme Odette Terrade. Mais non ! Le maintien du surloyer irait à l’encontre des objectifs de cette loi.

Nous reviendrons également sur le dispositif de pérennisation du parc social dont nous voulons qu’il englobe l’ensemble des logements ayant bénéficié d’aides ou de subventions de l’Etat.

Concernant l’article 67 et la réforme de la caisse de garantie du logement locatif social, nous aurions préféré que le prélèvement tienne mieux compte de la réalité afin que les politiques de bas loyers de certains organismes soient récompensées plutôt que pénalisées.

J’en arrive à la seconde partie du titre IV, concernant la lutte contre l’insalubrité.

Les mesures proposées sont essentielles. Toutefois, les moyens financiers nécessaires à leur mise en place semblent faire défaut. Aussi avons-nous formulé des propositions, notamment à partir de l’expérience de Jack Ralite et de la commune d’Aubervilliers, où le taux d’insalubrité est très préoccupant.

Les deux derniers articles concernent le droit des locataires. Nous souhaitons que les associations de locataires aient réellement les moyens d’exercer leurs missions, utiles et indispensables à la vie des quartiers. (M. Braye s’exclame.)

Je dirai un dernier mot, enfin, sur le nécessaire renouvellement urbain traité dans ce texte. Pour une partie importante du patrimoine social, il est non plus question de réhabilitation, mais de renouvellement.

Cela passe par la démolition de logements très dégradés, mais également - et j’ai envie de dire " avant tout ", même si cela ne respecte pas la chronologie des opérations - par la reconstruction. Sans cette seconde étape, nous assisterions à l’aggravation de la pénurie de logements sociaux que nous subissons déjà.

Ces programmes de
démolition-reconstruction doivent être des outils pour reconquérir les villes.

M. Patrick Lassourd. Il n’y a rien dans le projet de loi !

Mme Odette Terrade. Ils doivent également contribuer à ce que les nouvelles constructions sociales n’attirent pas la population la moins pauvre en laissant les plus défavorisés dans les tours et dans les barres délabrées, renforçant ainsi des poches de grande pauvreté.

M. Dominique Braye. Il aurait fallu le mettre dans le projet de loi !

Mme Odette Terrade. Nous le voyons, et vos interventions le prouvent, les thèmes que nous allons traiter sont nombreux et importants. Le débat sur ce projet de loi s’annonce riche. Les questions abordées sont infiniment politiques. (M. Lassourd s’exclame.) Elles sont, de surcroît, essentielles pour les générations futures, pour un développement social, économique et territorial équilibré et harmonieux.

Messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’Etat, portant un jugement positif sur ce texte, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen participeront à sa discussion avec conviction et détermination.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’Etat, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à dire que je regrette et condamne les propos que le président du groupe politique le plus important de notre assemblée a tenus et, pour ma part, je déplore vraiment qu’il ait stigmatisé les quartiers populaires et leurs habitants, affichant son profond mépris pour eux.

M. Hilaire Flandre. C’était une citation !

M. Guy Fischer. Je m’honore, pour ma part, d’être le conseiller général des Minguettes et d’y travailler depuis trente et un ans ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)

" Rendre la ville à ses habitants " : je fais mienne cette formule définissant le présent projet de loi, que ma collègue
Odette Terrade a placée en exergue de son intervention au début de la discussion générale.

C’est en effet peu de dire que l’une des raisons essentielles qui a pu conduire aux profonds déséquilibres que connaissent nos zones urbaines réside dans l’absence de la démarche démocratique ou dans son caractère marginal, dans l’absence d’une démarche associant largement les populations à la conception générale des projets urbains de l’époque. Mais des besoins immenses furent satisfaits, des millions de Français, dont j’étais, accédaient enfin au confort d’un logis.

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l’équipement, des transports et du logement. Ils ne savent pas ce que cela veut dire, à droite !

M. Guy Fischer. Mon expérience d’élu d’une grande collectivité de l’agglomération lyonnaise, Vénissieux, m’amène naturellement à mesurer les effets les plus discutables des choix qui ont pu être opérés par le passé, mais aussi à me faire l’écho, dans le cadre de ce débat, de ce qui provient des aspirations de la population de ma ville, comme à souligner que le présent projet de loi, si l’on n’y prend pas garde, pourrait être, dans la pratique, vidé de son contenu et dénaturé, cristallisant par là même un peu plus les inégalités que nous connaissons aujourd’hui.

Je ne manquerai pas de souligner que mon expérience n’a pas de valeur absolue pour l’ensemble des quartiers urbains de notre pays, mais je crois cependant qu’elle présente, en de nombreux aspects, de multiples points communs avec ce que vivent, à des degrés divers, des élus d’autres quartiers urbains et périphériques dans notre pays. Je me crois autorisé, dès lors, à en tirer toutes les leçons et à en utiliser la teneur pour éclairer la portée de ce projet de loi.

Les points essentiels ont été rappelés par ma collègue Odette Terrade. Je me permettrai donc de rappeler rapidement les caractéristiques de la situation.

A Vénissieux comme en d’autres communes urbaines, nous sommes directement confrontés au problème d’intégration des grands quartiers d’habitat collectif que connaissent la plupart des communes de banlieue ou les villes dites
" centres " pour leurs propres quartiers de ce type. Toutes les difficultés sociales peuvent s’y complèter, s’y conforter, s’y superposer, voire s’y démultiplier.

La problématique est connue : difficulté d’insertion professionnelle, notamment des jeunes, du fait d’une insuffisance de la formation initiale, faiblesse des ressources des ménages, taux important de
sous-emploi, image dégradée des quartiers d’habitat collectif, parfois insuffisance de la présence des services publics - plus spécifiquement des services publics de l’Etat -, alors même que, bien souvent, les municipalités mènent des politiques volontaristes de présence de services dans les quartiers, insuffisance également des possibilités de liaison avec la ville-centre pour ce qui est des transports collectifs.

Est-il utile de le préciser, le taux de chômage à Vénissieux est bien supérieur à celui de l’agglomération ou du département du Rhône.

S’agissant du revenu des ménages, les chiffres, là encore, traduisent cette réalité locale spécifique : 26 630 francs environ par habitant en 1999, contre 59 550 francs à Lyon, 47 330 francs à Villeurbanne, et une moyenne nationale de 51 365 francs. Ces chiffres, nous les retrouvons dans les états de la dotation de solidarité urbaine.

Pour autant, il convient de ne pas noircir le tableau inutilement, comme on le fait très souvent dès lors que l’on parle de villes comme la mienne et des grands quartiers d’habitat collectif.

En effet, rien ne serait, à mon avis, plus négatif que de penser que tout n’est allé que de mal en pis dans ces quartiers et dans ces villes, alors même que l’énergie et la combativité des habitants ont bien souvent, avec la participation des élus, permis d’engranger de notables succès et de réaliser des avancées.

Que les choses soient claires : Vénissieux, comme d’autres villes, a connu les conventions HVS - habitat et vie sociale, les conventions DSQ - développement social des quartiers - le classement des établissements scolaires en zone d’éducation prioritaire, la mise en place du dispositif des missions locales jeunes, et sa sociologie l’a naturellement conduite à bénéficier de la dotation de solidarité urbaine.

Elle a expérimenté, notamment dans le quartier Démocratie, ce que pouvait constituer comme outil la maîtrise d’oeuvre urbaine et sociale, qui tend à devenir aujourd’hui, au travers de la requalification des espaces urbanisés, la pierre angulaire de la politique de la ville.

Il n’en demeure pas moins que les attentes restent fortes et que nous attendons de ce projet de loi qu’il puisse les prendre en compte. Et il le fait.

Le grand projet de ville ne pourra d’ailleurs que concourir à la mise en oeuvre effective de cette solidarité et de ce renouvellement urbains.

Certains aspects me paraissent fondamentaux de ce point de vue.

Ainsi, d’aucuns, sur les travées de la majorité, souhaitent dénaturer la volonté affichée de construire des logements sociaux en limitant la portée de l’article 25 de telle sorte que le pourcentage fixé
- 20 % en vingt ans - soit atteint dans le cadre de l’agglomération.

Penser comme cela consisterait, pour ce qui concerne l’agglomération lyonnaise, à figer pour l’essentiel la situation. Les surfaces disponibles dans la ville de Lyon pourraient ainsi être utilisées pour accentuer les déséquilibres internes aux différents quartiers de la ville - quoi de commun entre les quartiers de la Tête d’Or et des Etats-Unis ? - tandis que les communes du Mont-d’Or et, plus généralement, de l’ouest lyonnais continueraient d’être dispensées de construire des logements sociaux, au détriment de l’est lyonnais.

Dans un autre ordre d’idées, certains souhaitent utiliser la mise en discussion des plans de déplacements urbains, sous prétexte de rechercher une meilleure cohérence des transports, et ce à titre expérimental, pour instaurer un certain nombre de mesures aussi populaires que la mise en place de péages urbains - un amendement en ce sens suscitera, je crois, un vaste débat - ou encore la majoration sensible du prix du stationnement dans certains quartiers ou sur certaines voies particulièrement empruntées par les véhicules de toute nature.

De telles orientations, si elles étaient suivies, pourraient, de mon point de vue, être contraires au principe même du projet de loi, dont je rappelle qu’il est relatif à la
" solidarité et au renouvellement urbains ".

Nous ne pouvons évidemment suivre ce type de proposition qui ne fait - je l’ai souligné au début de mon intervention - que nourrir et conforter les inégalités devant ce que l’on pourrait appeler le droit à la vie dans la ville.

Pour autant, c’est en témoin vigilant de l’application du présent projet de loi que j’interviens aujourd’hui. " Témoin " n’est d’ailleurs pas le mot juste, car il faut aussi être acteur du changement et tirer parti des potentiels nombreux inscrits dans le projet de loi, d’ores et déjà profondément amélioré par l’Assemblée nationale.

S’inscrivant dans un cadre délimité par la loi Voynet sur l’aménagement et le développement durable du territoire, par la loi Chevènement sur l’intercommunalité, à laquelle il donne d’ailleurs un contenu plus projectif et plus prospectif, et par le pacte de croissance et de solidarité entre les collectivités locales et l’Etat, le présent projet de loi doit apporter des réponses aux aspirations profondes des habitants de nos villes.

Fasse que ce débat permette de les entendre, de les prendre en compte et, in fine, de leur donner force de loi.

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