Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Solidarité et renouvellement urbains : nouvelle lecture

Par / 18 octobre 2000

par Odette Terrade et Gérard Le Cam

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’Etat, mes chers collègues, nous voici donc à nouveau réunis, après l’échec de la commission mixte paritaire, afin de réexaminer le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains.

Bien entendu, nous ne pouvons que regretter que les deux chambres parlementaires ne soient pas parvenues à un accord. Toutefois, les différends entre nos deux assemblées étaient majeurs, d’ordre politique, et ne laissaient supposer, d’emblée, que peu de possibilités de rapprochement.

Il convient, toutefois, de noter positivement quelques convergences. Il en est ainsi - je ne citerai que cet exemple - des questions touchant à l’urbanisme, même si, sur les modalités ou la rédaction, des divergences subsistent encore.

Lors de la première lecture, j’avais dit combien mon groupe se sentait plus proche de la version du texte tel qu’il était issu de l’Assemblée nationale. Nous avions également salué la cohérence des thèmes contenus dans ce projet de loi. Ces remarques restent valables.

Sans revenir dans le détail sur le fond de l’argumentation que nous avions développée lors de la précédente lecture, je souhaite réaffirmer notre attachement aux ambitions affirmées dans ce projet de loi et qui sont résumées dans son titre.

Cet attachement découle, certes, du choix de société que les sénateurs de mon groupe défendent, mais il est tout autant étroitement lié aux besoins qui s’expriment dans notre pays et que nous avons le devoir d’entendre et de satisfaire.

Bien entendu, nous continuons d’approuver la logique de l’article 25, qui traite de la mixité sociale et que nos collègues de la majorité sénatoriale veulent à nouveau vider de son sens. J’avais eu l’occasion de le regretter en première lecture : mes chers collègues de la majorité, par-delà vos déclarations d’intention - nous venons d’en avoir une nouvelle preuve - en faveur de la mixité sociale dans l’habitat, vous refusez d’adopter un dispositif permettant effectivement d’avancer dans cette direction.

L’objectif du Gouvernement que nous soutenons est de mieux répartir l’offre de logement, locatif, social. La proposition émanant de la droite de cet hémicycle, visant à exclure toute mesure incitative, dès lors que le seuil de 20 % est atteint globalement à l’échelle de l’agglomération, revient, de fait, à nier cet objectif de mixité et à se résigner à voir perdurer les inégalités entre les communes.

Par ailleurs, l’extension considérable des logements éligibles à l’objectif des 20 % est significatif de votre absence de volonté de conférer au logement locatif social sa juste place dans chaque commune et chaque agglomération.

Pourtant, trois familles sur quatre sont aujourd’hui éligibles au logement locatif social. Comme l’a rappelé tout à l’heure M. le ministre de l’équipement, des transports et du logement, est-ce trop demander que, dans chaque commune, un logement sur cinq réponde à leur demande ?

M. Patrick Lassourd. Ce n’est pas le projet de loi !

Mme Odette Terrade. Cela signifie aussi que l’accession sociale à la propriété et l’investissement locatif privé, tous deux aidés par l’Etat, ont toute leur place dans l’offre globale de logement.

Je rappelle en toute amitié à mes collègues que, pour avoir défendu ce dispositif lors de la première lecture, M. Braye et ses amis m’ont taxée d’archaïque. (Exclamations sur les travées du RPR.) Je laisse nos concitoyens juger quelle est la position la plus rétrograde, ...

M. Dominique Braye. Ils le font à chaque élection !

Mme Odette Terrade. ... celle qui vise à faire partager le devoir de solidarité entre toutes les communes et ainsi permettre à tous de se loger dans la commune de son choix ou bien la vôtre, mes chers collègues, qui veut, en fait, préserver les ghettos de riches en accentuant la " mal vie " dans ceux des pauvres et ainsi aggraver les ségrégations !

M. Patrick Lassourd. Caricature !

Mme Odette Terrade. Vos positions ne sont pas caricaturales ?

M. Patrick Lassourd. Réalistes !

Mme Odette Terrade. Venez dans nos communes : vous verrez !

M. Dominique Braye. Demandez aux élus locaux, même de votre côté !

Mme Odette Terrade. Mais nous habitons aussi des communes dans lesquelles existe un fort taux de logement social.

M. le président. Madame Terrade, poursuivez votre exposé sans interpeller vos collègues, faute de quoi ils vous répondront.

Mme Odette Terrade. Le Sénat a définitivement ôté toute substance au dispositif proposé par le projet de loi en refusant de donner aux préfets les moyens de faire appliquer la loi lorsque les communes refusent de mettre en oeuvre les objectifs de mixité sociale.

Le groupe communiste républicain et citoyen a la volonté, comme en première lecture, de réaffirmer sa conception de la solidarité et du renouvellement urbains, qui doit s’appuyer avant tout sur la négociation, la concertation et la transparence.

S’agissant du titre Ier, consacré au renforcement de la cohérence des politiques urbaines, nous l’avons déjà dit, nous partageons la volonté du Gouvernement de faire du droit de l’urbanisme un droit moins attaché à la forme et plus riche au fond. Nous présenterons un amendement qui vise à renforcer les modalités de consultation des communes.

Le titre II traite non seulement des dispositions relatives à la mixité sociale, dont j’ai déjà parlé, mais également des propriétés dégradées. Je déplore que la commission des affaires économiques n’ait pas évolué dans son appréciation du premier chapitre de ce titre. En effet, les mesures imposant une répartition équilibrée sur l’ensemble du territoire ne sont pas une nouveauté. Ce qui est nouveau, c’est de chercher à les rendre plus efficaces. Qui pourrait blâmer le Gouvernement de rendre plus effective une mesure déjà en oeuvre ?

Après ce texte, une commune ne pourra plus s’exonérer de son obligation en payant. C’est une très bonne chose. Il lui faudra désormais satisfaire à l’obligation de réalisation effective de logements sociaux, à un rythme programmé.

M. Patrick Lassourd. A condition qu’on lui en donne les moyens !

Mme Odette Terrade. Mon groupe aura l’occasion de s’exprimer sur ce thème lors de l’examen de l’article 25.

Le titre III porte, lui, sur les déplacements. Nous restons convaincus qu’un développement des transports collectifs urbains et régionaux, adaptés aux besoins actuels de déplacement des Françaises et Français, impose que soient dégagées des ressources nouvelles au bénéfice des autorités organisatrices de transport.

Enfin, le titre IV constitue, à bien des égards, une partie fondamentale de ce projet de loi. C’est en effet là que sont définies la politique du logement, les missions des organismes, leurs prérogatives et leurs statuts, mais aussi les modalités de la lutte contre l’insalubrité !

A l’Assemblée nationale, lors des deux lectures, un amendement du groupe communiste visant à rehausser le seuil de déclenchement du surloyer de solidarité avait été adopté. Cette disposition nous semble aller dans le bon sens. En effet, comme nos collègues députés, nous sommes attachés à l’abrogation du supplément de loyer de solidarité. Ce surloyer nous paraît aller à l’encontre de l’objectif de mixité sociale. Je développerai notre position lors de la défense de notre amendement. En tout état de cause, nous regrettons votre amendement, monsieur le secrétaire d’Etat, qui supprime le I bis de l’article 71 qui nous semble le minimum que nous devions faire.

S’agissant de la pérennisation du logement social abordé à l’article 61, nous sommes très soucieux de voir la commission des affaires économiques supprimer l’article
L. 411-3-2 relatif au patrimoine de la SCIC - société centrale immobilière de la Caisse des dépôts et consignations.

En effet, la situation devient très préoccupante pour les populations concernées. C’est le cas dans de nombreuses communes de la région parisienne, dans le Val-de-Marne, dans les Hauts-de-Seine, notamment dans la commune de mon amie députée Janine Jambu et aussi dans le
Val-d’Oise, notamment à Sarcelles, commune chère à notre collègue Marie-Claude Beaudeau.

M. Dominique Braye. Et à DSK !

Mme Odette Terrade. Ce bailleur, répondant pourtant aux mêmes caractéristiques sociales de peuplement que les HLM, entend faire glisser, au terme des conventions qu’il a passées avec l’Etat, son parc vers le marché libre, avec les conséquences sociales que cela entraîne !

L’introduction de cet article répondait à la demande de nombreux maires de gauche d’Ile-de-France. J’ai noté les risques d’inconstitutionnalité de l’amendement tel qu’il a été adopté à l’Assemblée nationale. Toutefois, il me semble que l’importance du sujet mérite qu’une solution soit trouvée rapidement.

Toujours dans le titre IV, nous souhaitons réaffirmer le rôle primordial des associations de locataires. C’est pourquoi nous proposerons deux amendements qui visent à consolider leur financement.

En conclusion, le groupe communiste républicain et citoyen est attaché à un développement social, économique et territorial équilibré et harmonieux. Nous voulons contribuer efficacement au débat éminemment politique qu’ouvre ce texte. C’est le sens de nos amendements.

Ce projet de loi est attendu de nos concitoyens. Nous souhaitons donc son adoption rapide afin de rendre effectivement la ville à tous ses habitants.

Explication de vote

M. Gérard Le Cam. Au terme de la nouvelle lecture de ce projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains, nous avons un peu l’impression d’être revenus au point où nous en étions lors du premier examen du texte.

La commission des affaires économiques a en effet jugé utile de revenir, pour l’essentiel, au texte que notre Haute Assemblée avait voté en première lecture.

On pourrait trouver regrettable, pour ne pas dire plus, que notre assemblée persiste ainsi et laisse croire que sa position ne souffre aucune inflexion. Mais ce serait en rester aux apparences.

Il convient, dès lors, d’insister sur ce qui fonde cette différence d’appréciation et qui va bien au-delà d’une simple querelle rédactionnelle entre les deux chambres.

Le désaccord porte sur l’évolution du droit de l’urbanisme, à propos de laquelle la commission nous paraît quelque peu s’enferrer dans une conception des documents d’urbanisme qui, insuffisamment ouverte à la concertation, tend notamment à pénaliser de manière exorbitante l’intervention citoyenne en la matière.

Ainsi, je ne peux que regretter que notre commission ait fait siennes les propositions formulées en première lecture par notre collègue M. Hérisson sur les procédures de recours, propositions dont nous craignions qu’elles n’aient, au fond, qu’une origine liée aux circonstances et qu’elles soient éloignées de ce que doit être la loi, c’est-à-dire la défense de l’intérêt général.

Je dois aussi regretter que, une fois déterminées les conditions de la conception des documents d’urbanisme essentiels, la commission ait décidé de développer un certain nombre de propositions dont la ligne générale était de créer, une fois la règle admise, la forêt des exceptions et des dérogations.

S’agissant des titres II et IV, relatifs entre autres au logement social, à la qualité des rapports locatifs et à la lutte contre l’habitat insalubre, nous sommes entrés dans un débat dont la portée m’est apparue pour le moins surprenante.

Posons la question : de quelles tares seraient frappés les locataires du secteur locatif social pour que l’on se sente obligé de tout mettre en oeuvre - l’imagination en la matière s’est avérée particulièrement
féconde ! - afin qu’à aucun moment ceux qui professent le plus parfait égoïsme en matière de logement ne soient enfin placés devant leurs responsabilités ?

Force m’est de rappeler ici que les locataires des logements locatifs sociaux sont avant tout nos compatriotes, qu’ils travaillent, vivent et paient des impôts comme tout un chacun. Il n’est tout de même pas contraire à l’intérêt général que leurs aspirations soient quelque peu prises en compte par notre législation !

Construire des logements sociaux aujourd’hui, c’est non pas répéter les errements urbanistiques de l’époque où l’autoritarisme d’Etat se mesurait à la taille des ZUP, décidées sans concertation avec les élus locaux, mais répondre aux nécessités sociales, objectif par excellence de l’action publique, selon nous.

Que faut-il préférer : des logements non sociaux sans occupants parce que inadaptés à la demande réelle ou des logements sociaux intégrés au paysage urbain de la France d’aujourd’hui ?

Sur le problème des rapports locatifs, particulièrement sensible notamment dans ce qui est sorti depuis la loi Méhaignerie du parc social de fait, nous ne pouvons que regretter que la commission du Sénat se soit encore une fois placée dans une position de défense inconditionnelle de la propriété immobilière et qu’elle se soit refusé à reconnaître aux locataires des droits et à leurs associations représentatives une utilité.

Concernant le titre relatif aux transports, nous devons à la vérité de dire que certaines des propositions exprimées par la commission étaient susceptibles d’être assez largement partagées, étant marquées du sceau du bon sens et de l’acquis d’une expérience de régionalisation dont nous avions, en son temps, souligné déjà les limites et certaines contradictions.

Nous pensons cependant que ce serait faire un mauvais procès au ministère que de faire croire que l’engagement financier de l’Etat sur ces questions est insuffisant, alors même que cet effort a connu, ces dernières années, une évolution qui n’avait pas vraiment été au rendez-vous avant 1997.

Enfin, bien entendu, nous sommes en désaccord profond avec la conception qui amène certains dans cette assemblée à préconiser un abaissement du rôle de la SNCF dans le développement des transports ferroviaires de voyageurs, alors même que la compétence et l’expérience de la société nationale sont reconnues.

On le voit, cela fait à la fois beaucoup d’espoirs placés dans ce texte, et beaucoup de regrets devant ce qu’il est devenu au terme de cette nouvelle lecture.

Nous ne voterons donc pas le texte issu des travaux de la Haute Assemblée.

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Bio Express

Gérard Le Cam

Ancien sénateur des Côtes-d'Armor
Membre de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire
Elu le 27 septembre 1998
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Odette Terrade

Ancienne sénatrice du Val-de-Marne
Membre de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire
Elue le 19 septembre 2007
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