Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Tarifs réglementés d’électricité et de gaz naturel (deuxième lecture)

Par / 8 janvier 2008

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici une nouvelle fois réunis dans cet hémicycle sur le sujet épineux des conditions d’application du tarif réglementé.

Il faut bien avouer que l’organisation de la concurrence libre et non faussée dans le secteur de l’énergie n’a pas atteint les objectifs escomptés et, par conséquent, que la majorité au pouvoir se trouve bien obligée de moduler son dispositif.

Vous nous aviez, en effet, expliqué, lors de la discussion de la loi relative au secteur de l’énergie, que la libéralisation de ce secteur amorcerait le cycle d’une concurrence vertueuse permettant de faire baisser les prix pour les consommateurs tout en dynamisant le marché par l’arrivée de nouveaux entrants.

Mais les particuliers, échaudés par le sort réservé aux professionnels qui avaient fait usage de leur éligibilité, n’ont pas eu le comportement escompté.

Je rappellerai que les entreprises du secteur électro-intensif ont subi une hausse des tarifs de 117 % en quatre ans sur le marché de gros.

Ainsi, comme vous l’avez vous-même rappelé, monsieur le secrétaire d’État, au 30 septembre 2007, selon un document de la CRE, le nombre de sites ayant opté pour une offre de marché est extrêmement faible : 6 100 sites ont quitté les tarifs réglementés en électricité et 13 300 en gaz. Vous-même, monsieur le rapporteur, parlant des ménages, avez aujourd’hui cité les chiffres respectivement de 38 000 et de 15 000.

Nous constatons donc le fort attachement des Français aux tarifs réglementés et aux opérateurs historiques pour la simple raison que ces entreprises « encore » publiques ont été et restent performantes en termes tant d’offre de service que de garantie de sécurité d’approvisionnement et des installations. Cette proposition de loi, en permettant la réversibilité totale, a donc en fait pour objectif principal de faciliter le choix du marché libre.

Vous persistez donc à vouloir organiser la concurrence totale dans ce secteur en donnant un « coup de pouce » aux nouveaux entrants.

Si nous sommes en désaccord profond sur cet objectif, nous partageons, en revanche, la volonté de permettre la réversibilité de l’exercice de l’éligibilité, mais pour d’autres raisons.

En effet, les sénateurs communistes se placent très clairement du côté des consommateurs, qui ne doivent pas se trouver pris au piège par les tarifs pratiqués par certains opérateurs.

À l’heure où la question du pouvoir d’achat apparaît comme centrale dans les préoccupations des Français, les sénateurs communistes approuvent toute mesure en faveur de la baisse de la facture d’électricité des ménages.

Pour cette raison, nous avons soutenu depuis le départ le principe d’une réversibilité totale dans le cadre d’un marché libéralisé et nous déposons régulièrement des amendements en ce sens.

Initialement, cette proposition de loi permettait aux particuliers, uniquement en cas de déménagement, de revenir aux tarifs réglementés pour le gaz et l’électricité, et ce jusqu’en 2010. Le débat à l’Assemblée nationale a permis de faire évoluer le dispositif en instituant une réversibilité totale toujours jusqu’en 2010, sous réserve, pour changer d’opérateur, de respecter un délai de carence de six mois.

Le champ d’application de la réversibilité a donc été largement étendu et nous nous en félicitons.

Pourtant, si le champ d’application matériel a été élargi, il reste que ce dispositif n’est valable que jusqu’en 2010. Nous arrivons là au point crucial. Que se passera-t-il après cette date butoir ?

Si tous les groupes politiques semblent manifester leur attachement aux tarifs réglementés, nous sommes pourtant franchement inquiets quant à la pérennité desdits tarifs.

En effet, il est clair que, dans le cadre du parachèvement du marché intérieur, cette existence n’est pas compatible avec les objectifs énoncés par l’Union européenne de concurrence libre et non faussée. Les tarifs réglementés s’apparentent soit à des barrières à l’entrée, soit à des aides d’État prohibées par la Commission européenne. Celle-ci a d’ailleurs engagé deux actions contre la France pour cette raison.

Dans ce cadre, les Sages du Conseil constitutionnel ne se sont pas trompés en censurant ces tarifs au regard de nos engagements européens.

Soyons clairs : si la construction européenne ne se réoriente pas très rapidement vers d’autres objectifs, tels que la priorité accordée aux services publics et à l’intérêt général communautaire, les tarifs réglementés seront voués à disparaître, car ils seront considérés comme des pratiques anticoncurrentielles.

Pour cette raison, nous demandons régulièrement la réalisation d’un bilan complet des conséquences de l’application des directives européennes de libéralisation, notamment dans le secteur de l’énergie. J’y reviendrai dans la discussion des articles.

Au niveau national, il est demandé à EDF, sous prétexte d’un abus de position dominante, de céder aux entreprises concurrentes de l’électricité à moindre prix, produite à partir de la technologie nucléaire. Il s’agit donc, pour permettre l’instauration d’un marché concurrentiel, de faire partager la rente nucléaire au secteur privé, alors que celle-ci a été financée par les citoyens eux-mêmes - je précise qu’EDF est une entreprise propriété de la nation, et donc des citoyens -, cette énergie leur étant finalement, par le jeu même de la concurrence, revendue plus chère !

Ce système est donc particulièrement pernicieux puisqu’il consiste à brader le bien public pour permettre aux actionnaires privés de conforter leurs bénéfices. Que devient, dans ces conditions, l’intérêt des consommateurs ? Par ailleurs, que valent les tarifs réglementés si les entreprises qui en sont chargées sont de moins en moins en mesure d’assurer leur mission de service public ?

Ainsi, l’ouverture du capital d’EDF et de GDF s’est accompagnée d’une forte hausse des tarifs réglementés. En effet, la participation de capitaux privés modifie irrémédiablement la politique de l’entreprise du fait de la nécessité de rétribuer les actionnaires : c’est autant d’argent qui ne sera pas investi dans le service public. Le document de présentation de la fusion de Suez et GDF définissait d’ailleurs clairement l’objectif de doublement des dividendes versés aux actionnaires.

La situation de l’entreprise est florissante. Le résultat d’exploitation de Gaz de France, pour l’activité en France, augmente de 35 %. Le résultat net du groupe progresse de plus de 40 %, passant de 1,2 milliard d’euros à la fin du mois de juin 2005 à 1,7 milliard d’euros à la fin du mois de juin 2006. Le bénéfice net est aussi en forte progression, augmentant de 56 %, soit une hausse de 1,612 milliard d’euros.

L’essentiel de la progression du résultat de l’activité de GDF en France est dû à l’augmentation de la marge sur le gaz, qui consiste en la différence entre le prix de vente et le prix d’achat. Cette marge s’est encore accrue de 13 % au cours du premier semestre, après avoir progressé de 6 % en 2005. À quoi cela est-il dû, si ce n’est à la hausse des tarifs du gaz de près de 26 % en un an ? Nous nous interrogeons donc légitimement sur les justifications de l’augmentation des prix réglementés du gaz de 4% au 1er janvier 2008. À qui profitera une telle progression ?

Pour toutes ces raisons, nous continuons de penser que les tarifs réglementés sont un instrument de puissance publique au service des citoyens consommateurs, afin de garantir l’accessibilité de tous à ce bien universel qu’est l’énergie.

La question de la maîtrise publique est donc fondamentale. D’ailleurs, cette exigence est fortement évoquée par les conclusions de la mission commune d’information sur la sécurité d’approvisionnement électrique de la France et les moyens de la préserver. Je regrette profondément que les conclusions de cette mission bien conduite, pluraliste, unanime, qui a réalisé un travail constructif et pragmatique, soient aussi peu prises en compte par le Gouvernement.

En outre, dans le cadre de la privatisation croissante de ce secteur - je pense notamment à la nouvelle cession de capital d’EDF, mais également au projet du Président de la République de privatiser la filière nucléaire -, nous sommes particulièrement inquiets quant à l’augmentation de ces tarifs et à leur pérennité.

Pour toutes ces raisons, cette loi ne constitue finalement qu’une dérogation temporaire, insuffisante, dans la mesure où elle n’apporte pas une réponse exhaustive aux enjeux énergétiques. Dans le cadre global de la libéralisation, elle ne protégera pas les consommateurs des augmentations de tarifs de l’énergie induits par les impératifs de rétribution des actionnaires des grands groupes.

Pour leur part, les sénateurs communistes ne font pas le choix de la marchandisation de l’ensemble des activités humaines. Ils estiment que la puissance publique doit se doter des instruments industriels nécessaires pour répondre aux enjeux énergétiques du xxie siècle.

Les membres du groupe CRC s’étaient abstenus lors de la première lecture de ce texte. Mais puisque toutes les décisions prises depuis vont à l’encontre de la maîtrise publique de l’énergie et que cette proposition de loi n’améliore en rien cette situation, ils voteront contre, à l’occasion de cette deuxième lecture.

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