Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

Lire la suite

Une présomption de risque qu’il convient de prendre en compte

Exposition aux ondes électromagnétiques -

Par / 17 juin 2014

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au travers de cette proposition de loi, le groupe écologiste de l’Assemblée nationale a souhaité répondre à une attente légitime, et désormais ancienne, de la population : appliquer le principe de précaution en matière d’ondes électromagnétiques.

Le principe de précaution, tel qu’il est défini dans la Charte de l’environnement, indique en effet que « lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ». Ce principe vaut également dans le domaine sanitaire.

En matière d’exposition aux ondes électromagnétiques, la réalisation du dommage n’est pas certaine et les risques sont encore non avérés au regard des connaissances scientifiques actuelles. Néanmoins, il existe, au vu du nombre de rapports publiés sur le sujet, une présomption de risque qu’il convient de prendre en compte. En d’autres termes, la preuve n’a pas été apportée de la non-existence de ce risque.

M. Joël Labbé. C’est vrai !

Mme Mireille Schurch. Il s’agit donc, au travers de cette proposition de loi, de créer les conditions d’une prise en compte de ce risque possible, afin de le limiter de manière proportionnée et provisoire.

Nous regrettons que la commission des affaires économiques ait fait le choix d’écarter l’ensemble des dispositions de ce texte qui mentionnaient ce risque possible, supprimant l’idée même d’une protection des personnes au sein du titre II. Nous n’approuvons pas cette démarche, qui conduit à contourner le principe de précaution.

En même temps, nous ne sommes pas surpris : voilà seulement quelques semaines, lors de l’examen d’une proposition de loi de M. Bizet, une majorité s’était constituée au Sénat pour remettre en cause ce principe de précaution et ce qui fait sa spécificité en France et en Europe.

Mme Nathalie Goulet. Pas avec moi !

Mme Mireille Schurch. Que reste-t-il aujourd’hui, en termes de contenu, dans cette proposition de loi ?

Dans son titre Ier, le texte crée une procédure de consultation et d’information de la population lors de l’implantation d’antennes relais. Il s’agit ici de mesures de bonne gouvernance tendant à prévoir une consultation de la population, mesures préconisées dans le rapport Girard-Tourtelier que vous avez évoqué précédemment, madame la secrétaire d’État.

Nous sommes, bien évidemment, favorables à la concertation et à l’information en la matière. D’ailleurs, de nombreux maires effectuent, d’ores et déjà, ce travail auprès de la population, mais c’est une bonne chose que de l’inscrire dans la loi. Pour autant, la procédure législativement consacrée n’est pas très claire.

On ne sait toujours pas quel est l’objet de cette procédure d’information et de consultation. Portera-t-elle sur le lieu d’implantation ou sur l’autorisation elle-même ? Le débat permettra sans doute d’éclairer ce point. Il est indiqué que le maire ou le président de l’intercommunalité est à son initiative et qu’elle se déroule sous son autorité, à charge d’ailleurs pour le maire de solliciter l’opérateur afin de recueillir des informations nécessaires à la consultation. Nous estimons, au fond, qu’une telle mesure fait peser une forte responsabilité et un risque contentieux réel sur les élus locaux, dont les pouvoirs en matière d’autorisation restent, parallèlement, quasiment inexistants.

On ne sait pas, non plus, qui financera cette consultation. Dans le contexte d’asphyxie des collectivités, comment croire que celles-ci en auront les moyens, surtout si la consultation restait facultative – je crois que tel ne devrait pas être le cas – et si aucune obligation de contenu n’était définie dans la loi ? Il y a fort à craindre que cette consultation ne soit, le plus souvent, minimale.

Enfin, rien ne vient préciser de quelle manière les conclusions de cette concertation auront un impact sur la décision prise par l’Agence nationale des fréquences, l’ANFR. Or il est évident qu’une consultation n’a de sens que si sa portée est réelle.

Nous proposerons, pour notre part, une évolution du processus de décision par l’inscription dans la loi d’une disposition prévoyant que toute implantation doit faire l’objet d’un accord express de l’ANFR. Aujourd’hui, en effet, en cas de silence de l’administration durant deux mois, l’accord est réputé acquis.

Nous regrettons également que ne soit pas abordée dans cette proposition de loi la question qui nous semble primordiale en matière d’antennes relais : celle du seuil d’exposition maximale.

Nous proposerons donc, par voie d’amendement, d’adosser au principe de sobriété le principe ALARA – c’est-à-dire, en anglais, as low as reasonably achievable – afin de définir clairement que le niveau des émissions doit être aussi bas que c’est raisonnablement possible. Nous portons, avec de nombreuses associations, et dans la suite du Grenelle des ondes, l’idée qu’il faut réduire le seuil d’acceptabilité à 0,6 volt par mètre. Il est donc nécessaire de revenir sur le décret de 2002. Nous attendons vos réponses sur ce sujet, madame la secrétaire d’État.

S’agissant du titre II de cette proposition de loi, qui est plus spécifiquement relatif aux usages en matière de téléphonie mobile comme de Wi-Fi, force est de constater qu’il a été vidé de sa substance. Les mesures restantes nous semblent certes positives, mais à portée limitée.

Sur le fond, je voudrais faire part d’un regret. Depuis les années quatre-vingt-dix, le secteur des télécommunications a été ouvert à la concurrence. C’est notamment le cas en France depuis 1996.

Cette libéralisation a conduit à la multiplication des infrastructures concurrentes, donc à celle des émissions, en particulier dans les zones tendues, alors que des pans entiers du territoire n’étaient couverts ni pour la téléphonie mobile ni pour le numérique. Il y avait alors trois sortes de zones : denses, grises et blanches.

J’en profite d’ailleurs pour souligner que les opérateurs sont particulièrement mal fondés à combattre cette proposition de loi en tant qu’elle représenterait une atteinte à l’aménagement du territoire et à la couverture par le très haut débit. C’est bien la concurrence libre et non faussée qui empêche cette couverture intégrale, faute d’une rentabilité suffisante dans les zones blanches pour les actionnaires de ces sociétés.

S’il est nécessaire de restaurer la confiance – et tel est le cas – par une meilleure information, ce qui est l’objet principal de cette proposition de loi, il est également urgent, au regard des impacts sanitaires probables, d’identifier un modèle de développement des infrastructures compatible avec l’objectif de sobriété. Pour nous, il s’agit d’une maîtrise publique renforcée.

Dans ce cadre, nous restons convaincus que la question du fibrage reste un objectif politique majeur, tant l’enjeu du développement numérique est important pour l’économie de nos territoires.

L’aménagement numérique et technologique sur le territoire national devrait relever du seul service public. En effet, le déploiement et l’exploitation d’un seul réseau par la puissance publique auraient permis d’éviter, à la fois, les déserts numériques et la surabondance des sources d’ondes électromagnétiques dans les zones denses.

Voilà, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les quelques éléments que je souhaitais soumettre à votre attention. Pour notre part, nous abordons l’examen de cette proposition de loi dans un esprit de bienveillance.

Les dernieres interventions

Affaires économiques Kanaky : dire non à la colonisation de peuplement

Projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au Congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie. - Par / 27 mars 2024

Affaires économiques Formation, salaires et accès au crédit

"Tests PME" et création d’un dispositif "impact entreprises" - Par / 26 mars 2024

Affaires économiques CETA : une victoire démocratique

Projet de loi sur la ratification du CETA - Par / 21 mars 2024

Affaires économiques Sécurité nucléaire : pourquoi défaire ce qui fonctionne ?

Projet de loi sur la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection - Par / 7 février 2024

Affaires économiques La bagnole reconditionnée

Proposition de loi visant à favoriser le réemploi des véhicules au service des mobilités durables et solidaires sur les territoires - Par / 14 décembre 2023

Affaires économiques 1% du budget de l’État pour le sport

Vote des crédits 2024 pour le sport - Par / 11 décembre 2023

Affaires économiques Inflation : les rustines du gouvernement

Si vous voulez agir sur la hausse des prix, bloquez-les ! - Par / 9 novembre 2023

Affaires économiques Les pratiques détestables des acteurs du secteur

Accès au marché de l’assurance emprunteur - Par / 26 janvier 2022

Affaires économiques Cette pratique fait obstacle aux continuités écologiques

Limitation de l’engrillagement des espaces naturels - Par / 10 janvier 2022

Affaires économiques L’agrivoltaïsme maîtrisé peut avoir des vertus

Développement de l’agrivoltaïsme en France - Par / 4 janvier 2022

Affaires économiques Le remède proposé ici risque d’être pire que le mal

Accès au foncier agricole : conclusions de la CMP - Par / 7 décembre 2021

Affaires économiques La cause animale est un sujet que nous ne pourrons plus occulter

Lutte contre la maltraitance animale : conclusions de la CMP - Par / 18 novembre 2021

Administration