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Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Avec le CETA, le vote du Sénat est empêché, l’opacité est totale

Poursuite de la procédure de ratification du CETA -

Par / 15 avril 2021

Auteur de la proposition de résolution.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si nous sommes réunis dans cet hémicycle pour évoquer le CETA, ce n’est malheureusement pas sur l’initiative du Gouvernement. Non, chers collègues, c’est le groupe CRCE qui vous y invite, et ce pour la deuxième fois après le débat que nous avons organisé ici même, en novembre 2018, un an après la mise en application provisoire de cet accord !

Depuis trois ans, des parlementaires de presque tous les groupes qui composent cet hémicycle ont demandé au Gouvernement des précisions sur ce traité et sa date de ratification. Nous pensons que le Sénat a été assez patient. C’est la raison pour laquelle nous avons pris cette initiative.

Cela étant, je veux que chacun entende une chose : en tant que groupe minoritaire et d’opposition, nous n’avons que deux niches par an, c’est-à-dire l’équivalent de quatre textes. Vous avouerez que c’est peu, car, comme vous, mes chers collègues, nous fourmillons d’idées – pas les mêmes, j’en conviens. Pourtant, nous avons décidé de prendre nos responsabilités et de consacrer à ce texte un de nos rares espaces. Nous ne nous résignons pas comme vous à ce déni démocratique constaté et évident.

Puisque nous sommes empêchés de débattre par le Gouvernement, le groupe CRCE met son espace à votre disposition avec cette proposition de résolution invitant le Gouvernement à envisager la poursuite de la procédure de ratification du CETA. De nombreux collègues nous ont interpellés sur cette formulation quelque peu alambiquée. Je souhaite vous en expliquer les raisons en toute transparence.

Notre proposition a dû être remaniée trois fois avant que le Gouvernement, fort tatillon sur la manière dont nous osions nous adresser à lui, ne daigne l’accepter et en valider la mise à l’ordre du jour dans cette niche parlementaire. Certes, c’est au Gouvernement et non au Parlement que revient l’initiative de la procédure de ratification, et nous savons que le Parlement ne peut pas enjoindre le Gouvernement. Pourtant, avec cette proposition de résolution, nous cherchions non pas à empiéter sur ses pouvoirs, mais à faire respecter nos institutions, la Constitution, le processus démocratique et la compétence du Sénat, qui, je le rappelle, n’est ni optionnelle ni consultative.

Il est tout de même assez surprenant, monsieur le ministre, que le Gouvernement, qui bafoue le droit du Parlement, s’insurge lorsque celui-ci ose lui rappeler de respecter notre institution et la Constitution. En somme, non seulement nous ne sommes pas consultés, mais en plus rogne-t-on sur toute proposition que nous faisons. Peut-être que ces trois refus visaient à nous faire abandonner. Raté ! C’était mal connaître notre volonté et notre détermination.

Si cette proposition de résolution vous déplaisait tant, il eut été plus aisé et plus clair, plutôt que d’ergoter sur sa formulation, de donner directement au bureau du Sénat le calendrier de la procédure de ratification du CETA !

Je rappelle également, puisque cela semble nécessaire, l’article 53 de notre Constitution, qui dispose que ces traités « ne peuvent être approuvés ou ratifiés qu’en vertu d’une loi ». La ratification est de fait soumise au vote du Parlement ; un Parlement qui, en France, est bicaméral.

En agissant de la sorte, force est de constater que le Gouvernement donne l’impression de considérer que l’avis, les débats et le vote de la Haute Assemblée n’importent guère ; seule compterait donc pour lui l’Assemblée nationale sous la Ve République ?

Le Parlement est sans cesse contourné ou malmené. C’est le révélateur d’une crise plus profonde de nos institutions. Depuis 2017, date à laquelle je suis devenu parlementaire, je n’ai connu que la procédure accélérée. D’ailleurs, j’aurais bien du mal à expliquer la procédure normale à cette tribune, puisque je ne sais pas en quoi consiste la deuxième lecture, dont on m’a pourtant dit qu’elle était très utile pour bien rédiger la loi… (Mme Cécile Cukierman et M. Mathieu Darnaud s’esclaffent.)

Autre fait : notre président, M. Larcher, l’a rappelé il y a quelques jours, 51 % des textes ont été ratifiés par ordonnance, ce qui est inédit depuis la guerre d’Algérie. Or ces ordonnances doivent ensuite être ratifiées par le Parlement ; la procédure est donc, au bout du compte, deux fois plus longue… Derrière le prétexte de la recherche d’efficacité ou de rapidité, c’est donc bien le débat au Parlement qui vous contrarie et que vous voulez empêcher.

Enfin, alors que nous traversons une crise inédite, avec la covid-19, nous pensons que la démocratie et le débat parlementaire sont une des solutions de la sortie de crise, alors que, de votre côté, vous considérez a contrario que le Parlement est un obstacle. La prolongation, depuis un an, de l’état d’urgence et les pouvoirs que celui-ci vous confère montrent malheureusement qu’une gestion de crise centralisée, concentrée dans les seules mains de l’exécutif, n’est pas gage d’efficacité ni de réussite. Le comble a été atteint quand vous nous avez invités à débattre des mesures à prendre sur le troisième confinement, alors que tout avait été annoncé, la veille, à la télévision, par le Président de la République.

Une République dans laquelle le Gouvernement, voire le Président de la République, déciderait seul et où le Parlement validerait tout, sans rien dire, sans discuter, sans critiquer est-elle bien la République que nous voulons ?

Selon nous, il n’est pas souhaitable de jouer ainsi avec nos institutions, car cela renforce la défiance de nos concitoyens, qui peuvent légitimement se poser la question : si le Gouvernement ne respecte pas la Constitution et les institutions, à quoi sert-il de voter ?

En outre, entre l’Union européenne, les citoyens français et la question démocratique, il y a déjà une histoire. Tout le monde se le rappelle, en 2005, après un débat éclairé, populaire et citoyen, le peuple français avait rejeté massivement le traité constitutionnel, finalement imposé par un vote du Parlement, deux ans plus tard. Cette meurtrissure dans le cœur des Français renforce, chez ces derniers, l’idée que l’Union européenne est une instance technocratique, éloignée de leurs préoccupations et antidémocratique. Cela nourrit le fatalisme et le désespoir et explique, en partie, la montée de l’extrême droite partout en Europe.

Avec le CETA, ce n’est pas le vote des Français qui n’est pas respecté, c’est celui des sénatrices et des sénateurs qui est empêché. De bout en bout, l’histoire de ce traité pourrait se résumer en un mot : opacité ; opacité pendant les sept longues années de négociations et opacité, ensuite, dans sa mise en œuvre. En effet, cet accord est entré en vigueur de façon provisoire, il y a maintenant plus de trois ans, le 21 septembre 2017, mais c’est un « provisoire » qui dure et qui concerne, tout de même, 90 % du traité, à savoir les compétences exclusives de l’Union européenne.

Rien que le principe de cette entrée en application avant que les États membres aient accepté ou non la ratification du traité doit soulever des interrogations, d’autant que ce traité, dit « de deuxième génération », devrait donner lieu à un large débat parlementaire et citoyen. En effet, si, comme tout accord de libre-échange, ce traité fait tomber les barrières tarifaires et douanières, c’est surtout sur la levée des barrières non tarifaires que nous devrions échanger : remise en cause de nos normes sociales et environnementales ainsi que de nos services publics, mais aussi mise en place de tribunaux d’arbitrages privés, qui permettront, demain, à des entreprises d’attaquer des États au nom du profit !

La crise de la covid-19 a démontré que tout nous invite à repenser le monde différemment, à repenser les échanges, la circulation des marchandises et des capitaux, la relocalisation de nos modes de production ou encore la question de notre souveraineté, notamment alimentaire.

Pour notre part, nous pensons que ces traités, hier dangereux, sont à présent caducs ; ils ne répondent plus aux enjeux d’aujourd’hui. Plutôt que d’instaurer une compétition internationale et la mise en concurrence des travailleurs, à coups de mesures visant à être le moins-disant social et environnemental, il serait urgent de réfléchir à la mise en commun, au partage et à la sortie, en dehors du secteur marchand, de certains biens et services, comme l’avait indiqué le Président Macron, en mars 2020.

Le CETA devait être soumis à ratification par le Parlement dans un délai d’un an à compter de son entrée en vigueur provisoire. Un an ! Cela fait trois ans que nous attendons !

Monsieur le ministre, de quoi avez-vous peur ? Il est vrai qu’à l’Assemblée nationale, où le gouvernement auquel vous appartenez détient pourtant une majorité écrasante, le vote pour la ratification n’a recueilli que 266 voix contre 213 et 74 abstentions… Il se chuchote, ici ou là, que vous ne l’inscrivez pas à l’ordre du jour du Sénat, parce que vous auriez peur d’un vote contre ; il est vrai que cet accord ne fait pas l’unanimité, et c’est un euphémisme. Néanmoins, pour ma part, je n’ose y croire, car je ne peux imaginer qu’un gouvernement ne soumette au vote des parlementaires que des textes dont il serait certain d’emporter l’adoption et que, en cas de doute, plutôt que d’affronter le débat avec des arguments, il préfère contourner l’obstacle. En sport, cela s’appellerait un forfait, et ce serait un terrible aveu de faiblesse de la part de l’exécutif.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, nous n’avons pas cherché à lancer, aujourd’hui, un débat sur le CETA lui-même, sur sa pertinence et ses fondements idéologiques, bien que ce débat soit nécessaire. Vous connaissez notre opposition à ce traité, mais nous respectons tous ceux qui y sont favorables.

Même si nous traversons une pandémie et que les urgences sont nombreuses, cette question traverse la société, comme l’a montré l’exigence, exprimée par la Convention citoyenne pour le climat, d’un moratoire sur ces traités de libre-échange, d’autant que la pandémie n’empêche pas le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre, de démanteler EDF ni de réformer l’assurance-chômage…

Il y a donc urgence à débattre, surtout qu’il serait inconcevable que le Président Macron prenne, le 1er janvier prochain, la présidence du Conseil de l’Union européenne sans avoir respecté, dans son propre pays, la procédure de ratification d’un traité d’une telle importance.

Mes chers collègues, voilà toutes les raisons qui nous pousseront à adopter, à l’unanimité, je pense, cette proposition de résolution.

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