Affaires économiques
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
Avec les néonicotinoïdes, on remet en circulation un produit toxique
Mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques : conclusions de la CMP -
Par Fabien Gay / 4 novembre 2020Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, une majorité du Parlement vient de réautoriser, en commission mixte paritaire, l’usage des néonicotinoïdes dans la filière betteravière, pour une durée de trois ans. Nous nous y étions opposés en première lecture, aucun parmi vous ne s’étonnera donc que nous votions contre les conclusions de cette commission mixte paritaire.
Personne n’a remis en cause la toxicité des néonicotinoïdes. Pas même vous, monsieur le ministre ! Nous allons pourtant réautoriser, après l’avoir interdit, un produit toxique non seulement pour la santé, notamment celle des agriculteurs, mais aussi pour la biodiversité, en particulier pour les abeilles – je vous ai alerté sur ce sujet en première lecture : il vous faudrait rassurer les 54 000 apiculteurs que la mesure inquiète fortement –, et pour nos sols, en vérité, pour l’ensemble de la planète !
Pour la première fois, nous allons réautoriser un produit toxique. Tout d’abord, cela contrevient à la Charte de l’environnement et au principe de non-régression, que l’on peut considérer comme un « conquis » du droit environnemental.
Ensuite – et l’argument est sans doute très dur à entendre pour nous, pour vous et, à dire le vrai, pour l’ensemble du personnel politique –, cette mesure revient sur une parole publique et politique qui a été donnée dans un autre texte. Comment comprendre, en effet, que Mme Barbara Pompili, qui a été l’une des chevilles ouvrières de la loi de 2016, lorsqu’elle était députée, cautionne désormais, en tant que ministre, ce texte ? Monsieur le ministre, laissez-moi vous redire qu’elle aurait dû être à vos côtés, au banc des ministres, lors de la première lecture, pour assumer avec vous cette réautorisation. (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRCE.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
M. Fabien Gay. Quelle transition écologique voulons-nous ? De ce point de vue, cette réautorisation est un échec. Trois ans suffiront-ils pour proposer aux agriculteurs une alternative viable, alors que rien n’a été fait depuis quatre ans ? Tout dépendra des moyens qui seront investis pour réussir la transition écologique. Or les 50 millions d’euros que le Gouvernement prévoit de consacrer aux haies – alternative sur laquelle je ne reviens pas, pour en avoir beaucoup parlé en première lecture – dans le prochain plan de relance risquent de ne pas être suffisants. Quelles garanties pour permettre la transition écologique ?
En outre, monsieur le ministre, cela pose un problème constitutionnel sur lequel vous n’êtes pas parvenu à lever le doute. Éliane Assassi a déposé en première lecture une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, s’appuyant notamment sur le principe d’équité. Que répondrez-vous aux acteurs des autres filières – noix, noisettes, lentilles…
M. Laurent Duplomb. Vertes du Puy !
M. Fabien Gay. … ou maïs – qui vous demanderont les mêmes autorisations ?
Pour conclure, monsieur le ministre, je regrette que le débat n’ait fait qu’effleurer ce qui constitue l’enjeu central pour la filière betterave, à savoir la libéralisation du marché. Certes, il n’y a là rien de votre fait, hormis que, depuis 2017, la fin des quotas sucriers a entraîné la suppression du prix plancher et que la baisse des prix s’est répercutée sur le revenu des agriculteurs.
M. Pierre Ouzoulias. Exactement !
M. Fabien Gay. Voilà bien un échec de la libéralisation.
Le groupe CRCE continuera de proposer des solutions pour garantir un revenu décent aux agriculteurs tout en favorisant une agriculture qui respecte l’environnement et les êtres humains. Par conséquent, il votera contre les conclusions de la commission mixte paritaire.