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Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Ces dispositions traduisent fidèlement les préconisations du livre blanc publié par le MEDEF

Participation des employeurs à l’effort de construction -

Par / 19 mai 2016

Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, le logement est au cœur des préoccupations des salariés et d’un très grand nombre de nos concitoyens.

Ce projet de loi, relatif aux modes de financement de l’effort de construction, aurait donc mérité davantage qu’une simple habilitation législative. Ce sujet n’est pas nouveau : la première mouture, présentée lors de l’examen du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi, a été censurée par le Conseil constitutionnel.

Au moment où le Gouvernement utilise l’article 49, alinéa 3, de la Constitution pour faire adopter le projet de loi « travail », nous ne pouvons que nous opposer à ces pratiques antiparlementaires.

Sur le fond également, ces dispositions posent de nombreuses questions.

Notons d’abord qu’elles traduisent fidèlement les préconisations du livre blanc publié par le MEDEF en janvier 2015. Il s’agit ainsi de parachever la réforme engagée par la loi Boutin de 2009, qui a déjà conduit à réduire très fortement le nombre de CIL, passés de cent vingt-cinq en 2009 à vingt en 2012. La nouvelle entité unique s’appuiera donc demain sur treize délégations régionales – sans compter les CRAL, comme vous l’avez dit, madame la rapporteur –, en lieu et place des vingt CIL. La logique de concentration, conforme à la loi NOTRe, est ainsi appliquée au réseau des collecteurs du « 1 % logement ».

Le lien logement-territoire, c’est-à-dire l’exigence de proximité entre logement et lieu de travail des salariés, essentielle à nos yeux, ainsi que la complémentarité entre l’ensemble des acteurs du logement social, sont ainsi rompus. Cela ne manquera pas, d’ailleurs, de provoquer des difficultés concernant le contrôle des fraudes éventuelles. La proximité est en effet le meilleur gage de la réussite de la collecte. La vraie question, selon nous, est celle du maillage du territoire.

Le risque est grand, avec cette nouvelle réforme, de voir les inégalités se creuser entre les régions, voire les départements. À rebours de ce qu’a dit Mme la ministre, nous ne pensons pas que tous les territoires en sortiront gagnants.

Au-delà de la volonté affichée de rationalisation, la centralisation opérée illustre la maîtrise par l’État de cette manne financière, qui masque un réel désengagement. Il ne s’agit pas d’une petite question, puisque les ressources d’Action logement représentent près de 4 milliards d’euros, dont plus de 1,5 milliard d’euros pour la seule collecte annuelle.

Madame la ministre, vous justifiez cette réforme en avançant l’idée que l’organisation de la collecte serait défectueuse, puisqu’elle conduirait à des excédents inutilisés au sein des différents CIL. À l’inverse, et précisément, ces excédents nous paraissent démontrer que la collecte est une réussite. Elle ne permet cependant pas de construire suffisamment de logements pour les salariés de notre pays. Au lieu d’en revoir les modalités, nous devrions poser la question de sa finalité ; mais tel n’est sans doute pas le but du présent projet de loi.

Si, pour l’instant, il est annoncé que l’ensemble des personnels et actifs des CIL devraient être repris dans la nouvelle structure – nous l’espérons –, le futur nous éclairera sur la concrétisation de ces annonces. L’exigence d’optimisation des coûts, que vous avez évoquée, madame la ministre, nous fait craindre qu’une telle concrétisation sera difficile.

Nous passons de la notion de réseau à la notion de groupe. Or la richesse d’Action logement, c’est justement son réseau. Vous confondez, madame la ministre, nécessaire mutualisation sur l’ensemble du territoire national et lourde centralisation. Celle-ci n’est pas adéquate aux véritables missions d’Action logement.

Nous n’avons rien contre la simplification, mais nous sommes dubitatifs devant la création de ces structures géantes, qui seront propriétaires de l’ensemble du patrimoine immobilier. Il s’agit en effet de fonder le premier groupe du logement en France, propriétaire d’un patrimoine de 900 000 logements. Plusieurs conseils d’administration de CIL ont voté une motion dénonçant les modalités de cette réforme. L’USH, l’Union sociale pour l’habitat, est également réticente face à ce montage.

La capitalisation des ESH par la structure immobilière soulève des questions de compatibilité au regard de la réglementation européenne ; elle pourrait être caractérisée comme une aide de l’État. Plus grave, elle ouvre la voie à l’abandon de nombreuses structures, puisque la vision nationale ne permettra pas de prendre en compte les spécificités locales.

Alors même que, d’ores et déjà, le financement de la politique du logement repose avant tout sur le « 1 % », nous craignons de voir s’édifier un nouveau dispositif de déstabilisation du modèle économique du logement social dans notre pays.

Dernier point : la mise en place de la garantie locative VISALE. Il s’agit certes d’une avancée, mais nous regrettons l’abandon de la GUL, la garantie universelle des loyers, mise en place par Cécile Duflot. En effet, le mode de financement de VISALE est très différent et reposera, une nouvelle fois, sur le « 1 % logement ».

Par ailleurs, le caractère non universel de ce mécanisme est à déplorer. Nous prônons une véritable sécurité sociale du logement, comme le demande d’ailleurs la Confédération nationale du logement.

S’agissant du « 1 % », nous avons d’autres pistes de réforme. Elles permettraient de dégager plus d’argent et de construire plus de logements, adaptés à la diversité du monde des salariés. Elles seraient également de nature à favoriser la création d’emplois.

Il faut rétablir ce prélèvement à 1 %, contre 0,45 % actuellement, et permettre sa collecte à partir de dix salariés, et non vingt, comme c’est le cas aujourd’hui. Nous demandons également que l’ensemble des salariés bénéficie du dispositif.

Par ailleurs, nous estimons qu’il faut cesser de faire financer par le 1 % l’ensemble de la politique du logement et de la politique de la ville. En effet, Action logement finance 93 % du nouveau programme de renouvellement urbain, qui dépend de l’ANRU. Il finance également l’ANAH, sans compter sa contribution au financement des aides personnalisées au logement, les APL !

Aujourd’hui, Action logement et les bailleurs sociaux sont les acteurs majeurs de la politique publique et sociale du logement. Pour preuve, leurs contributions s’élèvent à 1 milliard d’euros, alors que celle de l’État n’est que de 250 millions d’euros pour l’aide à la pierre. Et la part de l’État se concentre depuis de nombreuses années sur la mise en œuvre de niches fiscales dont vous avez d’ailleurs annoncé la prolongation. Est-ce cela l’urgence ? Est-ce cela la priorité aujourd’hui, madame la ministre ?

Dans le cadre de la réforme, les organisations syndicales demandent la mise en œuvre d’un réel paritarisme, d’une démocratie sociale permettant un véritable pouvoir d’intervention dans les territoires et la gouvernance des ESH. Elles demandent également un véritable statut de l’administrateur, afin de permettre aux futurs mandatés d’assumer pleinement leurs missions. Allez-vous les entendre ?

Les ordonnances prises devront tenir compte de ces exigences, ainsi que de celle d’une présence territoriale forte, en lien étroit avec les élus locaux.

Vous l’avez compris, à nos yeux, ce projet de loi n’apporte pas les outils pour répondre à la crise du logement. Pis, le recours aux ordonnances et la centralisation excessive de la collecte, du financement et de la construction privent le Parlement de son pouvoir législatif et détournent Action logement de sa mission au service des salariés et des territoires. Sincèrement, nous ne pourrons pas voter ce texte, car nous ne croyons pas à son efficacité.

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