Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Demandez aux Français s’ils sont d’accord pour vendre ADP afin de satisfaire des intérêts financiers

Croissance et la transformation des entreprises (nouvelle lecture) -

Par / 9 avril 2019

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous restons clairement opposés à ce texte du Gouvernement, qui casse les seuils sociaux, détricote la Caisse des dépôts et consignation, supprime le stage préalable à l’installation des artisans et le recours aux experts-comptables.

Alors que vous prônez la start-up nation, vous brisez l’accompagnement à la création d’entreprises, avec pour conséquence l’échec du plus grand nombre. Pis, vous n’avez pas voulu légiférer sur le statut d’auto-entrepreneur, laissant les grandes plateformes numériques continuer à exploiter nos jeunes.

Vous avez réformé l’épargne retraite, alors que vous vous apprêtez, pour répondre à la crise sociale, à allonger la durée de cotisation, à reculer l’âge de départ à la retraite et à casser la retraite par répartition. Madame la secrétaire d’État, nous n’avons pas dû visiter les mêmes ronds-points ou discuter avec les mêmes personnes, car je n’ai vu quant à moi aucune pancarte affirmant « Nous voulons mourir au travail ! »

Mme Françoise Gatel. Oh !

M. Fabien Gay. Enfin, vous réalisez le tour de force de parler de partage de la valeur sans évoquer les salaires et leur augmentation. En 200 articles, ce qui devait être un pacte entre l’entreprise et l’État se transforme en pacte des loups entre l’État et les rapaces de la finance. Encore une fois, vous cédez aux revendications du Medef, offrant un panel de droits nouveaux au patronat, mais aucun pour les salariés.

Nous sommes cependant également opposés à la droite sénatoriale, qui n’a fait qu’empirer les effets du texte, avec, en particulier, l’amendement sur le plastique ou encore l’aggravation de la casse des seuils sociaux. Mes chers collègues, vous avez même réussi le tour de force de supprimer l’une des rares avancées de ce projet de loi, concernant l’objet des entreprises et leur responsabilité sociale et environnementale.

Dans ces conditions, notre groupe ne prendra pas part au vote sur la question préalable.

Alors que notre pays aspire à plus de justice fiscale et sociale, qu’il exige plus de citoyenneté et de démocratie sociale, vous répondez « compétition, libéralisme, profit. » Nous ne choisirons donc ni le parti de la droite sénatoriale ni celui de la droite gouvernementale. Pour nous, c’est blanc bonnet et bonnet blanc !

Mme Françoise Gatel. Et vous, c’est bonnet rouge !

M. Fabien Gay. Nous regrettons seulement, madame la secrétaire d’État, de ne pas prolonger le débat avec vous sur les privatisations, notamment sur celle d’Aéroports de Paris, ou ADP.

Comme un certain nombre de mes collègues, j’ai eu accès au cahier des charges de cette opération. Sans révéler ce qu’il contient – clause de confidentialité oblige –, je puis évoquer ce qu’il ne contient pas. On n’y trouve, par exemple, aucun recensement des 8 600 hectares que détient ADP, et encore moins d’indications sur leur valeur au prix du domaine actuel.

Je pensais naïvement que, lorsque l’on vendait un bien commun, on évaluait au moins ses actifs. Sans cela, comment fixer un prix ? Le bon prix est-il 10 milliards d’euros, quand 8 600 hectares en Île-de-France constituent une pépite inestimable, qui intéressera certainement bon nombre de promoteurs ?

J’invite aussi les élus à consulter la page 38, relative aux relations avec les collectivités territoriales, qui est destinée à rassurer les nombreux élus locaux opposés à cette privatisation. Je les rassure, cette lecture sera rapide : la page en question compte trois lignes !

Enfin, je ne suis pas comme vous, madame la secrétaire d’État, un spécialiste des privatisations, mais 56 pages pour brader un actif de 10 milliards d’euros, cela me semble un peu léger. Je me souviens que, lorsque ma femme et moi avons acheté notre petit pavillon, le notaire nous a fait remplir un dossier de 65 pages. Il y aurait donc moins de paperasse à remplir pour acheter une maison qu’un aéroport ? (Rires et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Depuis le refus du Sénat, vous avez affûté vos arguments. Vous avez même publié un document intitulé Les Dix Idées fausses sur la cession d’Aéroports de Paris.

Vous commencez par y affirmer que l’État ne privatise pas ADP, car « au terme d’une période de soixante-dix ans, l’intégralité des infrastructures d’ADP sera rendue à l’État. » Vous oubliez toutefois de rappeler qu’il faudra indemniser le concessionnaire au prix auquel on estimera l’aéroport, non pas aujourd’hui, mais en 2089... Qui peut l’évaluer ? Personne. L’État n’aura peut-être pas les moyens de le racheter. De plus, le cahier des charges ne contient aucun alinéa relatif à la manière dont l’actif sera rendu à l’État à la fin de la concession de soixante-dix ans.

Le deuxième argument de votre document n’est pas moins surprenant : l’État ne céderait pas un monopole. Cela, seul le Conseil constitutionnel, qu’une grande majorité de sénateurs souhaite saisir, pourra le dire. Rappelons que 85 % des touristes européens et 95 % des touristes extra-européens atterrissent par ADP, ce qui ressemble tout de même à s’y méprendre à un monopole.

Vous indiquez surtout qu’ADP ferait face à une concurrence européenne et mondiale féroce, de la part des hubs de Francfort, de Londres ou des pays du Golfe. C’est étonnant : si un touriste veut visiter Paris, je ne vois pourquoi il irait atterrir à Doha…

Je ne connais personne qui choisirait sa destination pour découvrir tel aéroport ou goûter la gastronomie du fast-food de tel terminal. Imaginez-vous un Anglais souhaitant assister au tournoi des six nations au Stade de France et qui déciderait d’atterrir à Francfort ? (Sourires.)

Enfin, vous avez diffusé un autre argument dans tous les médias : l’État n’aurait pas vocation à gérer des boutiques et des magasins de luxe.

Évidemment, ce sont les taxes aéroportuaires versées par les compagnies et les magasins ainsi que les parkings utilisés par les usagers qui sont rentables, et non les pistes elles-mêmes. Toutefois, s’il n’y avait pas de pistes pour que les avions décollent et atterrissent, il n’y aurait ni compagnies aériennes versant une taxe ni passagers qui consomment dans les magasins ! Il s’agit donc d’un raisonnement par l’absurde : peut-on dissocier l’autoroute du péage, la gare de la ligne de chemin de fer, ou le port du bar de la marine ? (Rires et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Madame la secrétaire d’État, je vais conclure en vous posant une question à laquelle ni vous ni M. Le Maire n’avez encore répondu. Loin de moi l’idée de vouloir répandre des fake news, d’adhérer à une théorie du complot ou de relayer un « Vinci bashing », mais souhaitez-vous toujours vendre l’ensemble des parts à Vinci, qui sera indemnisé en tant qu’actionnaire minoritaire, ou alors, comme le Président de la République, aux collectivités territoriales adossées au groupe Ardian, ou encore à la Caisse des dépôts du Québec ? Nous avons le droit de savoir, ainsi que les Français, me semble-t-il.

Madame la secrétaire d’État, je vous fais une dernière proposition. Nous faisons partie des 185 parlementaires à avoir signé la proposition de loi en faveur d’un référendum. Si vous êtes vraiment certains d’avoir raison contre tous, organisez donc cette consultation. Donnez la parole au peuple. Demandez-lui s’il est d’accord pour vendre un bien commun et servir encore les intérêts financiers !

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