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Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Des mesures de soutien utiles aux locataires les plus modestes

Efficacité des aides personnelles au logement -

Par / 4 juin 2020

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon groupe a fait le choix d’inscrire dans le cadre de sa niche parlementaire une proposition de loi déposée avant la crise du Covid-19, mais dont l’actualité nous semble encore plus prégnante en ces circonstances.

En effet, alors que notre pays traverse une grave pandémie, que la baisse d’activité liée au confinement va se traduire très directement par des difficultés accrues pour nos concitoyens, il nous a semblé utile d’assurer un soutien solide aux ménages concernant un poste de dépenses très lourd dans leur budget : les charges de loyer.

Malgré les dispositifs de chômage partiel mis en place, de nombreux allocataires des aides au logement affrontent une baisse, voire une suppression de leur revenu.

Le confinement a représenté une charge financière supplémentaire : hausse des dépenses alimentaires, utilisation plus importante d’eau et d’électricité, notamment.

Selon une note de l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES), plus de 2,5 millions de ménages de locataires ou d’accédants à la propriété, soit un tiers des actifs, ont été touchés. C’est considérable.

Face à cette situation inédite, le Gouvernement a commencé à agir : report de la trêve hivernale à la fin de l’état d’urgence sanitaire, mise en place d’une aide aux ménages attributaires des minima sociaux, ainsi qu’une hausse des aides personnalisées au logement (APL) de 100 euros par enfant.

Ces actions ponctuelles sont nécessaires, mais insuffisantes sur le long terme.

Nous soutenons ainsi les propositions formulées par les associations de création d’un fonds spécifique pour aider durablement les locataires.

Pour autant, et sur un temps plus long, il nous semble utile – c’est ce que nous souhaitons engager avec cette proposition de loi – de revenir sur toutes les décisions prises qui ont conduit à raboter les aides au logement.

L’adoption de cette proposition de loi dès le stade de l’examen en commission – j’en remercie mes collègues, ainsi que Mme la rapporteur – envoie un signe clair du Sénat, un signal transpartisan, constructif et positif en faveur d’une priorité donnée à la préservation des aides au logement, qui sont un outil majeur d’égalité et de solidarité pour nos concitoyens.

Trop d’économies ont été réalisées sur ce poste de dépenses, pourtant vital pour nombre de familles.

Alors que la question du logement est aujourd’hui fondatrice et structurante, le Gouvernement a fait le choix depuis le début du quinquennat de la considérer uniquement comme un produit marchand, asséchant par là même tous les amortisseurs de crise que sont les aides à la personne et les aides à la pierre. Un choix très « ancien monde », si vous me permettez l’expression, monsieur le ministre, l’aboutissement d’une logique libérale appliquée à un bien essentiel.

L’habitat est une question politique majeure. Le confinement l’a démontré avec acuité : le logement est l’une des cellules de base indispensables à l’individu.

De sa qualité, de sa taille, de sa configuration dans son environnement, de sa proximité avec les services publics dépendra pour beaucoup la qualité de vie de ses occupants, leur capacité à faire société.

Le droit au logement est consubstantiel à la notion même de dignité humaine et il est reconnu comme un droit à valeur constitutionnelle, garanti par les textes fondamentaux de la République et considéré comme tel par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Nous ne pouvons donc accepter cette politique du rabot qui a frappé ces aides directes à la solvabilisation des ménages, aides qui bénéficient pourtant à 6,5 millions de personnes.

Le Président de la République a donné le ton dès les premiers mois de son mandat présidentiel, faisant le choix de la provocation sociale par une baisse systématique de 5 euros des APL, un choix déconnecté des réalités sociales de notre pays et qui a nourri la colère.

Cette mesure est apparue particulièrement injuste au moment même où était supprimé l’impôt sur la fortune : 32 millions d’euros économisés sur les Français les plus fragiles et 3,2 milliards redonnés à ceux qui possèdent déjà tout !

À ce titre, la crise que nous traversons a permis de revoir cette échelle de valeurs, afin de définir qui sont réellement les premiers de cordée dans notre pays.

Ce retour à l’intérêt commun doit nous conduire en cohérence aujourd’hui à effectuer d’autres choix budgétaires, notamment en faveur des employés et des ouvriers, qui représentent 70 % des bénéficiaires des APL : supprimer les niches fiscales inutiles et remettre l’argent là où il est utile pour soutenir le mouvement HLM, permettant ainsi de disposer de logements abordables et d’épauler nos concitoyens pour garantir le maintien dans le logement et l’accès à ce droit essentiel.

L’émoi suscité par cette mesure a conduit à la création du collectif Vive l’APL, rassemblant plus de 70 organisations de défense des locataires et mal-logés, d’étudiants, de syndicats et de bailleurs sociaux demandant le retrait de celle-ci.

Depuis a également été créé le Collectif des associations unies regroupant de nombreuses associations œuvrant dans le secteur social, qui demande notamment de renoncer à toutes les économies réalisées depuis 2017 sur ces aides.

Pourtant, le Président de la République s’obstine encore aujourd’hui à justifier la réduction de cette aide fondamentale pour nombre de familles, avec un mépris coutumier pour « les gens qui pensent que […] le summum de la lutte, c’est les 50 euros d’APL » et qui ont tant besoin « du pognon de dingue » des aides sociales.

Il affirmait aussi ne plus vouloir qu’aucune personne ne soit demain à la rue. Une stratégie du « en même temps » qui ne convainc pas.

Cette défense des APL n’est pas une lubie ou un totem ; c’est la reconnaissance de leur utilité, de leur capacité à jouer les amortisseurs de crise. Il s’agit en effet de l’un des principaux instruments anti-pauvreté dans notre pays.

Ce gouvernement, plus que tous les autres, n’a eu de cesse de les attaquer. On note un désengagement de l’État de l’ordre de 7 milliards d’euros sur les aides au logement depuis le début du quinquennat.

L’ensemble des politiques publiques du logement ont été largement malmenées : extinction progressive des aides à la pierre financées par l’État, disparition de l’aide aux maires bâtisseurs, mise à mal du modèle social des bailleurs HLM, notamment par l’instauration de la réduction de loyer de solidarité, baisse des APL en 2017, absence de revalorisation en 2018, et, enfin, revalorisation en deçà de l’inflation pour 2019 et 2020.

Parallèlement, les APL accession ont été supprimées. Dans le cadre de la loi de finances pour 2020, le niveau de revalorisation des APL a également été limité à 0,3 %, en deçà de l’inflation et de l’indice de référence des loyers (IRL).

Selon la réforme engagée par la loi de finances pour 2019 et par la loi de financement de la sécurité sociale, les aides personnelles au logement doivent faire l’objet d’une réforme de leur mode de calcul liée à la contemporanéité de la prise en compte des ressources.

Selon les chiffres dont nous disposons, cette réforme pourrait entraîner une baisse du montant de ces aides pour 1,2 million d’allocataires, notamment des jeunes actifs, sur un total de 6,5 millions de bénéficiaires. Et 600 000 allocataires verraient leur prestation purement et simplement supprimée.

Nous n’avons eu de cesse de vous alerter sur ces conséquences, et il aura donc fallu la crise du Covid-19 pour que vous en admettiez, sans le dire, la nocivité.

La crise sanitaire a conduit à repousser une fois de plus cette réforme, déjà reportée de juillet 2019 au 1er janvier 2020, puis au 1er avril 2020. Tirez-en pleinement les conséquences, et abandonnez-la définitivement, comme cela est demandé, monsieur le ministre.

Nous proposons donc par le biais du présent texte de changer le curseur et de remettre au cœur de la définition des aides au logement l’intérêt des allocataires.

D’autres mesures du domaine réglementaire doivent d’ailleurs être engagées par le Gouvernement, notamment concernant la réforme de la contemporanéité ou la suppression de la baisse de 5 euros, sur laquelle il faudrait revenir.

De manière précise, et parce qu’ici nous faisons la loi, nous demandons, par l’article 1er de cette proposition de loi, la suppression du délai de carence d’un mois pour le versement des aides personnelles au logement. À l’heure où la crise risque d’accroître le nombre de nouveaux allocataires, il convient en effet de ne pas, par l’instauration d’un mois de carence, ajouter des difficultés aux difficultés, risquant d’entraîner des familles dans la spirale des dettes locatives et in fine des expulsions locatives.

Par l’article 2, nous demandons la suppression de l’application d’un seuil de non-versement, aujourd’hui fixé à 10 euros. Nous avons conscience des réserves sur cet article et nous y reviendrons dans le débat.

L’article 3 initialement proposé visait à créer une présomption de bonne foi lorsque la baisse des ressources est liée à la crise sanitaire pour le maintien des APL. Il a été supprimé en commission au motif qu’il était redondant avec le droit existant. Nous partageons cet avis et en prenons acte.

L’article 4 permet, quant à lui, de revenir sur la désindexation des APL opérée par l’article 200 du projet de loi de finances pour 2020. Comme en 2019, celles-ci ne sont revalorisées que de 0,3 % en 2020 quand l’inflation est estimée à 1 % – une économie évaluée à 200 millions d’euros.

L’article 5, enfin, constitue le gage financier.

Mes chers collègues, nous remercions la commission de nous avoir suivis en adoptant cette proposition de loi. Nous espérons maintenant que la séance sera l’occasion de mener ce beau débat sur les conditions d’un droit fondamental pour nos concitoyens, celui d’avoir un toit, et de ses modalités de mise en œuvre, qui passent par un soutien aux aides personnelles au logement.

Il faudra, parallèlement à ce rehaussement des APL, bâtir dans notre pays un plan de relance de l’offre de production sociale et de régulation des loyers privés. Il s’agit, en effet, du meilleur levier pour faire baisser le niveau de charge que représentent pour l’État ces aides.

La lutte contre le logement cher et le mal-logement doit ainsi devenir prioritaire par rapport aux économies de bout de chandelle réalisées sur le dos d’un trop grand nombre de nos concitoyens, et, parmi eux, de tous ceux qui ont été le plus souvent en première ligne lors de cette crise sanitaire.

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