Affaires économiques
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
L’opposition de principe du groupe CRC aux ordonnances
Ratification de deux ordonnances relatives à la consommation -
Par Jean-Pierre Bosino / 21 décembre 2016Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis porte sur la ratification de deux ordonnances. C’est l’occasion pour moi de rappeler l’opposition de principe du groupe communiste républicain et citoyen aux ordonnances.
La première des ordonnances vise une recodification du code de la consommation à droit quasi constant et n’appelle pas de commentaire particulier. Nous soutiendrons les amendements du rapporteur, qui vont dans le bon sens, en particulier celui sur le délai de rétractation en cas de vente de métaux précieux.
La seconde porte sur les contrats de crédit immobilier. Cette ordonnance transpose une directive européenne élaborée à la suite de la crise des subprimes. Il s’agissait de trouver une réponse à la prépondérance dans certains pays européens d’un système de crédit hypothécaire, dans lequel le crédit est accordé en référence au prix du bien, et non aux capacités de remboursement de l’emprunteur, ce qui n’est pas le cas en France.
Lors des débats en commission à l’Assemblée nationale, ce point a été soulevé, notamment la nécessité de ne pas revenir sur le modèle français au détour d’un simple projet de loi ratifiant une ordonnance. Le rapporteur a alors précisé que la résolution visant à protéger le système du crédit immobilier français dans le cadre des négociations de Bâle III, votée à l’unanimité, était respectée.
En effet, le rapporteur a souligné que cette directive visait non pas à faciliter ou à entraver l’accès au crédit, mais à s’assurer que ceux qui ont accès au crédit le font en pleine connaissance des risques qu’ils peuvent courir.
De nouvelles obligations visant à renforcer la protection de l’emprunteur sont ainsi introduites dans le droit français : information générale du consommateur, remise d’une fiche d’information standardisée, évaluation de la solvabilité, devoir d’alerte, service de conseil, évaluation du bien immobilier… Il s’agit pour le prêteur comme pour l’intermédiaire de crédit de fournir gratuitement « à l’emprunteur les explications adéquates lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé et les éventuels services accessoires sont adaptés à ses besoins et à sa situation financière ».
Toutefois, l’ordonnance introduit aussi la notion de conseil en crédits, indépendant de la commercialisation des contrats, ce conseil restant facultatif : « Le service de conseil consiste en la fourniture à l’emprunteur de recommandations personnalisées en ce qui concerne un ou plusieurs contrats de crédit. » Cette rédaction peut poser question, car ce service est payant et qu’il est très proche du service de conseil obligatoire imposé par la même directive. Nous souhaiterions obtenir des éclaircissements sur ce point, madame la secrétaire d’État.
De plus, je tenais à souligner que ces textes ne répondent pas à la difficulté qu’un nombre important de nos concitoyens rencontrent pour obtenir un crédit immobilier. Ceux-ci se voient ainsi privés de la possibilité d’accéder à la propriété ou à d’autres biens. En effet, l’augmentation spéculative des prix de l’immobilier et la baisse du pouvoir d’achat empêchent de nombreux ménages de constituer l’apport de l’ordre de 10 % du montant du crédit qui leur est nécessaire.
Ce sont encore une fois les ménages les plus aisés et les multipropriétaires qui profitent de la baisse des taux d’intérêt et non les emprunteurs les plus modestes, les primo-accédants et les jeunes ménages, dont la proportion décroît régulièrement. Au passage, ce n’est pas l’augmentation du SMIC de 9 centimes d’euro qui va améliorer la situation, madame la secrétaire d’État !
Les critères imposés par les établissements bancaires en matière d’octroi de crédit sont tellement exigeants que les primo-accédants et les ménages les plus modestes ont du mal à les remplir. La Fédération des promoteurs immobiliers, quant à elle, constate que les ménages ont de plus en plus de mal à accéder au crédit et que le taux de désistement pour refus de prêt a doublé en quelques mois, passant de 10 % à 20 %. Si les taux sont au plus bas, les critères d’octroi de prêts se sont durcis. Cette question reste ouverte.
Enfin, lors des débats en commission, le rapporteur s’est saisi avec notre collègue Daniel Gremillet de la question de l’assurance emprunteur dans le cadre des crédits immobiliers.
Le dispositif autorisant la résiliation annuelle de l’assurance emprunteur avait été adopté par l’Assemblée nationale en lecture définitive le 8 novembre 2016 dans le cadre de la loi Sapin II, mais il avait été censuré par le Conseil constitutionnel.
Or ce dispositif est primordial compte tenu du manque de concurrence du marché de l’assurance emprunteur, situation dont profitent les banques en captant 88 % du marché, soit 6 milliards d’euros par an, dont 50 % de marges à leur profit. Il est également important étant donné le coût moyen de l’assurance, qui s’élève en moyenne à 30 % du coût du crédit. Ce n’est pas rien, car cela peut atteindre 20 000 euros sur la durée totale d’un emprunt !
Cette disposition permettrait à nombre de nos concitoyens de bénéficier de primes d’assurance moins élevées et de réaliser une économie annuelle non négligeable. Nous pensons que l’emprunteur doit pouvoir conserver son libre choix tout au long du prêt. Comme le souligne très justement l’UFC-Que Choisir, ce droit de résiliation annuelle permettra aussi aux personnes malades de bénéficier d’un réel et effectif droit à l’oubli. Ainsi, un emprunteur devenant éligible au droit à l’oubli en cours de prêt n’aura plus à payer les surprimes liées à sa maladie passée, lesquelles peuvent parfois atteindre 300 % de la prime de base.
C’est pourquoi nous soutiendrons l’amendement déposé par le rapporteur, même si nous regrettons le fait que le droit de résiliation ne soit ouvert que pour les contrats à venir, l’inconstitutionnalité d’une disposition qui s’appliquerait à l’ensemble des contrats existants ne nous semblant pas pertinente. La question des 8 millions de contrats déjà souscrits reste ouverte et il faudra trouver une solution dans les plus brefs délais !
Néanmoins, il était essentiel que le principe de substitution annuelle des contrats d’assurance emprunteur soit inscrit dans la loi. C’est pourquoi le groupe CRC réservera son vote en fonction de l’adoption de la disposition !