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Affaires économiques

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Les États ont abandonné leurs agriculteurs aux seules lois du marché

Développement d’outils de gestion de l’aléa économique en agriculture -

Par / 6 avril 2016

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, encore une fois, nous partageons les constats dressés dans l’exposé des motifs de cette proposition de résolution.

S’il est vrai qu’aujourd’hui l’Europe n’est plus en capacité de compenser avec justesse la volatilité des prix et des revenus, il est vrai également que le libéralisme effréné engendre la course sans fin à l’agrandissement et à la compétitivité exacerbée entre États membres, qui ouvrent la voie au dumping social, à la main-d’œuvre bon marché et aux prix tirés vers le bas.

Comment ne pas souscrire à l’idée que, pour remédier à cette volatilité des marchés, à la concurrence internationale sans limites et parfois même déloyale, à l’incapacité à maintenir des prix rémunérateurs, mais aussi aux crises sanitaires ou diplomatiques, il faille mettre en place des outils de gestion de l’aléa économique au niveau européen ?

L’Europe de l’harmonisation reste à construire, et c’est urgent et indispensable, car le chemin risque d’être long ! Les États ont abandonné aux seules lois du marché leurs agriculteurs.

Toutefois, nous ne pensons pas que le développement de l’assurance récolte et la construction d’un système de mutualisation des risques économiques ou de solidarité professionnelle permettant aux acteurs des différentes filières de développer des organisations économiques soient des solutions permettant de faire face aux aléas du marché.

Alors que la gestion des marchés et la régulation des productions ne sont plus à l’ordre du jour, que les crédits alloués dans la PAC aux situations de crise sont insignifiants au regard des besoins, vous nous proposez de mettre en place et de promouvoir les outils du marché en lieu et place d’une véritable politique publique.

On passe à la « gestion des risques » via des compagnies d’assurance ou des fonds de mutualisation à cotisation obligatoire.

Cette proposition de résolution s’inscrit dès lors dans la continuité de la loi de modernisation agricole de 2010, qui a posé les grandes orientations en faveur des marchés à terme, des assurances revenus ou chiffres d’affaires et de la contractualisation. Pourtant, nous avions alors soulevé le paradoxe qui consiste, d’un côté, à déréguler la PAC, puis, de l’autre, à compenser les aléas ainsi créés.

Nous pensons au contraire qu’il faut sortir l’agriculture des logiques marchandes et financières. Il faut s’attaquer aux véritables causes de la situation en concertation avec l’ensemble des producteurs et des professionnels. Si l’on ne prévoit pas des règles au niveau européen, on ne s’en sortira pas.

Pour garantir des revenus dignes à nos agriculteurs, pour assurer sur nos territoires une production alimentaire de qualité, notre agriculture a besoin de stabilité. En effet, la suppression de toutes les mesures d’orientation des prix place les exploitants agricoles dans un face-à-face déséquilibré avec les opérateurs de marché, les transformateurs et la grande distribution.

Nous pensons au contraire qu’il faut réhabiliter le principe d’une véritable régulation, permettant de garantir un prix décent.

Il faut dès lors une maîtrise des volumes de production, car 1 % de lait ou de viande en trop sur le marché, c’est 10 % de baisse de prix ! Il faut aussi contraindre la grande distribution à la loyauté, en restituant la part de la plus-value prise aux paysans après la flambée des prix en 2009.

Il faut également interdire les ventes à perte et fixer des prix rémunérateurs. Il est aussi du ressort des chambres d’agriculture, qui remplissent une mission de service public, de contribuer à fixer des prix rémunérateurs aux produits agricoles.

On pourrait aussi imaginer un fonds structurel dédié aux filières en difficultés et géré par les acteurs eux-mêmes. Nous avons déposé de nombreux amendements en ce sens – des amendements réalistes, loin de la simple déclaration d’intention.

Toutefois, nous pouvons aller plus loin en prenant l’exemple du quantum mis en place en France pour le blé en 1945. Ainsi, pendant des décennies, les cinquante premiers quintaux de blé vendus par chaque exploitation étaient payés à un prix fort garanti par l’État. Le reste obéissait aux lois du marché.

Ce système, appelé « paiement différencié », a fonctionné en France pendant des années pour la production de jeunes bovins. Il s’agirait donc d’utiliser le budget consacré aux primes PAC pour un complément de prix. Il serait réservé à la première tranche de production chez chaque éleveur. Le quantum, le prix garanti aux producteurs, serait bien sûr l’addition du prix du marché et du complément du prix. Voilà la vraie assurance qui permettrait de sauver nos petits et moyens agriculteurs.

L’économie au sens noble y gagnerait : ce sont les grosses exploitations laitières et porcines qui produisent au prix le plus élevé ; il coûte quatre fois moins cher de nourrir une vache au pré plutôt qu’à l’auge avec du maïs et du soja OGM importé.

Ce sont des pistes que nous aurions tout intérêt à approfondir aux niveaux national et européen si nous voulons véritablement sauver notre agriculture. Il faudra bien faire évoluer le droit européen et le plus vite sera le mieux !

Comme le rappelait récemment le rapporteur Daniel Gremillet lors de la discussion de la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire, les suicides sont nombreux parmi les agriculteurs. Si nous ne nous attaquons pas au problème de la répartition de la valeur ajoutée au sein des filières et aux prix d’achat aux agriculteurs, nous ne répondrons pas à leurs besoins et nous n’assurerons pas leur survie.

Au-delà de la recherche de solutions conjoncturelles, nous allons devoir reprendre notre avenir agricole en main, afin que l’exploitation et l’exploitant soient remis au centre des décisions. Le fonctionnement de toutes les filières agricoles est à bout de souffle.

Malheureusement, cette proposition de résolution ne redonnera pas suffisamment d’oxygène. Elle ne permet pas de réécrire collectivement l’avenir de notre agriculture pour la sortir de la zone sombre. C’est pour ces seules raisons, et non pour afficher une quelconque posture, mes chers collègues, que nous ne voterons pas ce texte.

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