Affaires économiques
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
Non au Mercosur !
Débat vote portant sur l’accord d’association entre l’UE et le Mercosur -
Par Fabien Gay / 27 novembre 2024Nous nous félicitons de ce débat. Depuis vingt-cinq ans, des négociations sont menées dans une opacité totale, à l’abri des délibérations des peuples.
Pis, la Commission européenne souhaite scinder ce texte pour permettre l’exécution provisoire de son volet commercial, soustrayant ainsi ce texte au vote des parlements nationaux.
Le Sénat avait voté notre proposition de résolution sur le Ceta, mais le précédent gouvernement n’a pas transmis le texte à l’Assemblée nationale. Où est-il ? Maintenant qu’une partie de la droite sénatoriale est au Gouvernement, soumettez donc ce texte à l’Assemblée nationale !
Sur le Mercosur, nous rejoignons les inquiétudes des syndicats agricoles, des ONG et des peuples mobilisés contre cet accord.
Les exploitations sud-américaines peuvent exporter des stocks colossaux. Si l’on ajoute ces quotas à ceux prévus par les dix-sept autres traités de libre-échange, cela conduira à un dumping social et une mise en concurrence déloyale de systèmes de production très différents. Comment un éleveur de Charolaise ou de Limousine pourra-t-il rivaliser avec les boeufs sud-américains, canadiens, néo-zélandais ?
Ce traité nous empêcherait de travailler à un nouveau pacte agricole, une meilleure rémunération des paysans, une alimentation de qualité accessible. Il risque d’accélérer les fractures du monde agricole et la mainmise financière sur les sols et les productions.
Au Brésil, le secteur agro-industriel prive de terres 4 millions de petits paysans et attente aux droits des peuples autochtones.
Cet accord promeut un système de monoculture intensif, nocif pour les sols, la biodiversité, l’Amazonie, le climat. Il entraînera une hausse de 5,5 millions de tonnes des émissions de gaz à effet de serre en favorisant le commerce de voitures thermiques. Souhaitons-nous diminuer notre impact environnemental pour une planète habitable ou délocaliser notre pollution hors d’Europe ?
Comment justifier l’interdiction des pesticides en Europe s’ils sont autorisés dans les produits alimentaires importés ? Les gains de pouvoir d’achat ne peuvent se faire au détriment de la santé ou de l’environnement.
Nous ne nous contenterons pas d’une vague renégociation ou « d’exigences additionnelles ». Les déclarations conjointes ou les protocoles additionnels sont de pâles somnifères qui permettent la mise en oeuvre à marche forcée de tels accords.
Si le président Lula est en rupture avec la ligne de son prédécesseur, le président Milei affirme, lui, que le réchauffement climatique est un mensonge. Dans un pays où les services publics sont détruits, où la pauvreté explose, où incendies et sécheresses se multiplient, la France ne peut soutenir un modèle extractiviste et productiviste.
Nous nous dirigeons bien vers un monde à plus 2,5°C, qui incite à repenser nos modes de production et de consommation.
Les vrais bénéficiaires de cet accord sont les multinationales européennes, désireuses de mettre le grappin sur de nouveaux marchés. Ainsi de Lactalis, qui investit depuis 2019 au Brésil pour y produire du lait qui sera exporté vers l’Europe, et réduit en conséquence sa collecte en France, laissant sur le carreau près de 300 petits producteurs.
Quel modèle européen voulons-nous ? Et quel modèle de développement humain ? Souhaitons-nous répondre aux besoins de la population ou accroître les bénéfices des industriels ? Pourquoi Emmanuel Macron n’a-t-il pas révoqué le mandat de négociation ? Son opposition n’est-elle que de façade ? Il est hypocrite de prétendre se soucier de l’environnement devant les caméras quand on vote à Bruxelles pour reporter le règlement sur la déforestation.
Ce traité ne protège pas les peuples, mais les profits des multinationales. Nous refusons la prédation fondée sur l’appropriation des fruits du travail et les discriminations systémiques. La coopération avec les peuples du Mercosur doit passer par la reconnaissance de la dette coloniale creusée par les pays européens, se faire autour des valeurs de solidarité et d’équité et déboucher sur des investissements vertueux.
Sans majorité sociale et politique, le Gouvernement doit oeuvrer pour l’abandon de ce projet de libre-échange. Nous vous donnons mandat pour le refuser.