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Affaires étrangères et défense

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Conseil européen des 19 et 20 mars 2009

Par / 17 mars 2009
Conseil européen des 19 et 20 mars 2009
Conseil européen des 19 et 20 mars 2009

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, alors que le taux de chômage dans la zone euro a augmenté en janvier pour atteindre 8,2 % et qu’il y aurait plus de 13 millions de chômeurs en Europe, la question de l’emploi n’a pas trouvé sa place au sein de l’ordre du jour du prochain Conseil européen, les Vingt-Sept reportant ce point spécifique à la tenue d’un sommet informel sur l’emploi, qui se tiendra le 7 mai à Prague, comme s’il s’agissait d’une question secondaire. Nous le déplorons amèrement.

L’ordre du jour du Conseil européen est donc une nouvelle fois dominé par des questions techniques relatives à la crise dans sa seule dimension financière et par la préparation du G20 d’avril, qui prétend révolutionner le capitalisme, projet fort intéressant !

Mais, contre toute attente, la crise constitue aujourd’hui un alibi de premier choix pour demander une nouvelle fois des sacrifices aux seuls salariés.

Ainsi, lors du conseil Emploi du 9 mars, les États membres ont adopté le rapport conjoint sur l’emploi 2008-2009 de l’Union européenne, qui les engage à accroître la flexibilité sur le marché du travail.

Quant au président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, il appelle de ses vœux des baisses de salaires pour relancer l’économie.

Mme Annie David. Bien sûr !

M. Michel Billout. De plus, sur le fondement des conclusions du Conseil européen du 1er mars, les Vingt-Sept excluent toute possibilité de définir une politique industrielle, laquelle est assimilée à du protectionnisme. En effet, si le plan automobile français a finalement été validé par la Commission, la volonté de donner une dimension européenne a été écartée et les possibilités de recours à de tels plans largement encadrées.

Nous sommes donc manifestement dans un modèle où la politique économique de l’Union européenne se résume à une politique concurrentielle particulièrement intégriste. L’actualité nous en offre un triste exemple avec la suppression de 1 200 emplois directs dans l’Oise par le groupe allemand Continental, ce que nous condamnons avec force.

Cette absence de volonté de s’investir dans le champ industriel et social s’explique non seulement par la nature même de la construction européenne, dont la seule compétence reste la concurrence libre et dévastatrice, mais également par la faiblesse de son budget, qui ne lui permet pas de lancer de véritables politiques.

La crise en est une bonne illustration. En effet, le plan de relance européen s’apparente à une simple compilation de plans nationaux, peu cohérents. Ainsi, l’essentiel de l’effort sera porté par l’action en désordre des États membres : au total, 1 800 milliards d’euros au travers de garanties publiques et 280 milliards d’euros sous la forme de plans de recapitalisation des banques, sans qu’aucune garantie soit exigée sur le contrôle de ces fonds !

Comment penser l’Europe comme une force économique et politique de premier ordre si elle est privée de ressources financières ? À ce titre, je rappelle la proposition du gouvernement autrichien de créer une taxe sur la circulation des actifs financiers pour financer le budget européen. Il serait peut-être temps d’examiner cette piste de réflexion.

Sur le fond, l’Europe a été construite sur les bases de la libre concurrence, ce qui exclut toute intervention publique et, par conséquent, toute politique de développement de l’industrie ou des services publics. La Cour de justice des Communautés européennes reconnaît d’ailleurs, par ses arrêts, la primauté du droit de la concurrence sur les droits fondamentaux.

Nous voyons bien aujourd’hui la difficulté d’obtenir un consensus sur la nécessité d’élaborer une directive-cadre sur les services d’intérêt général, notamment les services sociaux. Si le conseil Compétitivité du 5 mars a reconnu qu’il était nécessaire d’accorder toute l’attention qu’elle mérite à la dimension sociale du marché intérieur et aux services d’intérêt général, les Vingt-Sept se sont bien gardés d’en proposer une traduction législative.

Cette logique a également conduit à une financiarisation accrue de l’économie, ainsi qu’à la généralisation des pratiques de dumping social, écologique et environnemental.

La crise que nous traversons aujourd’hui a donc été nourrie par ce modèle libéral. Mais alors que la situation actuelle devrait conduire à une remise en cause de ces principes, les dirigeants européens font preuve d’un autisme déroutant.

Ainsi, lors de la réunion du conseil Emploi, le vice-premier ministre tchèque, Petr Nečas, a affirmé que les mesures prises « ne devraient pas mettre en danger la viabilité à long terme des finances publiques ni perturber les règles du marché intérieur ».

Lors du Conseil extraordinaire du 1er mars, le président du Conseil déclarait, pour sa part : « Nous devons souligner le rôle vital joué par le marché unique pour la vitalité de l’économie européenne. »

Neelie Kroes, quant à elle, affirmait, dans le même temps, que le marché unique était notre bien le plus précieux et que nous devions le protéger.

Vous l’aurez bien compris, il n’y a donc aucune inflexion des fondements de l’Union européenne ultralibérale. Bien au contraire, la Commission propose d’aller toujours plus loin dans le démantèlement des services publics, dans la financiarisation de l’économie. Cette démarche s’incarne dans la célèbre directive « services », avatar européen de l’Accord général sur le commerce des services, que nous devons transposer en droit interne cette année et dont le conseil Compétitivité a rappelé l’importance le 5 mars dernier.

En parlant de cette directive, je ne peux passer sous silence la volonté de la Commission, par un récent projet de règlement sur la société privée européenne, de réintégrer le principe du pays d’origine. Nous trouvons ce procédé honteux.

Les principes de libéralisation sont également à la base de toute nouvelle adhésion au sein de l’Union européenne. En effet, les critères d’intégration dans l’Union européenne résident principalement dans l’élargissement du marché commun et concurrentiel, ce qui serait l’intérêt des nouveaux entrants comme des anciens. Nous observons, bien au contraire, que ces conditions ont rendu plus vulnérables à la crise les nouveaux entrants.

Pourtant, alors que, par une démarche unique, les neuf pays issus des adhésions de 2004 et de 2007 se sont réunis avant le sommet pour demander à l’Europe de prendre des mesures exceptionnelles au regard de leurs difficultés, ils se sont vus opposer un refus.

L’ordre du jour du Conseil européen de printemps appelle à faire le point sur les progrès réalisés pour renforcer la stabilité, la supervision et la transparence des marchés financiers, notamment au regard des propositions formulées dans le rapport Larosière.

Franchement, ce n’est pas très enthousiasmant ! En effet, le cadre de la discussion est très limité puisqu’il s’agit d’évaluer des décisions déjà prises. Ensuite, toute marge de manœuvre est a priori exclue puisqu’il est rappelé spécifiquement que les réponses doivent intégrer les impératifs liés au pacte de stabilité. Enfin, il est également proposé que le Conseil souligne « la détermination des États membres à respecter les principes fondamentaux du marché intérieur et la nécessité d’en approfondir encore le fonctionnement ».

Autant dire que la solution proposée par la présidence du Conseil pour répondre à la crise consiste à accélérer encore le rythme et l’ampleur des réformes pour tenter de maintenir un système économique défaillant. C’est ce que démontre, notamment, la présentation dans l’ordre du jour du point relatif à l’énergie. En effet, il est indiqué que « le Conseil européen rappellera l’importance d’un marché intérieur de l’énergie opérationnel et efficace. ». Pourtant, nous savons aujourd’hui que l’unique application des règles de marché ne permet pas la préservation des ressources naturelles.

À ce titre, le rapport du Sénat de juin 2007, intitulé Approvisionnement électrique : l’Europe sous tension, adopté à la quasi-unanimité de notre assemblée, concluait à l’indispensable maîtrise publique du secteur énergétique. Il faut maintenant que le Gouvernement porte ce message auprès des institutions européennes, en particulier au sein du Conseil européen.

Quant à l’unité de façade sur le plan « énergie-climat », elle se traduit en réalité par des différences d’approche fondamentales, comme en témoigne le refus du plan de la Commission en faveur des projets d’infrastructures européens, notamment énergétiques, par les États les plus contributeurs.

Nous sommes donc, particulièrement dans le secteur de l’énergie, face à l’éternel principe du laissez-faire, qui permet de confier la définition des règles de vie commune aux intérêts privés des grands financiers. Cela aboutit, au final, à la réalisation de confortables dividendes pour les actionnaires des firmes énergétiques, alors même que le service rendu aux usagers est dégradé et que les tarifs se sont envolés ; le groupe Total en est un bel exemple.

Les sénateurs du groupe CRC-SPG considèrent donc qu’un bilan doit être dressé de l’ensemble des politiques de libéralisation des services, que la construction européenne doit être entièrement réorientée, et qu’il nous faut enfin réfléchir aux bases d’une Europe sociale permettant le progrès partagé par le fruit de coopérations efficaces.

Si la crise financière secoue aujourd’hui l’Europe, il ne faut pas négliger la crise profonde de légitimité démocratique que connaît l’Union. Là encore, rien n’est remis en question puisque l’adoption du traité de Lisbonne reste jugée comme un fait acquis.

Je ne suis pas certain que les Irlandais aient pris en otage les citoyens européens ; j’ai plutôt le sentiment que, dans cette affaire, ce sont les citoyens européens qui ont été bâillonnés.

Ainsi, pour obtenir un nouveau référendum en Irlande, des concessions importantes ont été accordées par la Commission, notamment sur l’application de la charte des droits fondamentaux. Accorder des exceptions à l’application de cette charte revient, finalement, à la priver de toute portée juridique réelle.

Le traité de Lisbonne porte en lui toutes les racines de la crise : principe de libre circulation des capitaux, indépendance de la banque centrale, interdiction des aides d’États. Nous continuons donc de le contester non seulement parce que son adoption constituerait une procédure antidémocratique, mais encore en raison des politiques qu’il sous-tend.

Les peuples de plusieurs pays ont manifesté leur exigence de ne pas voir imposer comme unique objectif à la construction européenne la mise en concurrence des hommes, des entreprises et des territoires.

Vous refusez d’entendre ce message, y compris quand tous les indicateurs sont au rouge. Nous en appelons donc une nouvelle fois au Gouvernement français pour qu’enfin une impulsion soit donnée à une Europe politique des peuples, fondée sur la volonté de progrès partagée et celle d’une harmonisation par le haut dans les domaines sociaux, écologiques et fiscaux.

Sur le plan institutionnel encore, le Conseil extraordinaire du 1er mars a permis aux chefs d’État de renouveler leur confiance dans les travaux de la Commission pour trouver des réponses à la crise. Nous trouvons cette prise de position contestable, dans la mesure où elle signe le retour d’une commission omnipotente, clé de voûte des institutions européennes, et ce alors que la présidence française avait permis de renforcer le poids du Conseil européen.

Fixer un ordre du jour est un exercice parfois complexe, mais nous regrettons que la situation internationale, hormis la question des partenariats orientaux et de l’Union pour la Méditerranée, ne soit pas traitée.

Cette situation a beaucoup évolué depuis décembre. Par exemple, une guerre sans précédent s’est déroulée sur les territoires de la bande de Gaza, faisant plus de 1 300 victimes, dont beaucoup de femmes et d’enfants. Cette agression insupportable, ainsi que les crimes de guerre qui ont été commis, appelle une réaction forte de la communauté internationale, et notamment de l’Union européenne, qui s’est déjà prononcée par voie de résolutions.

L’Europe doit donc s’engager cette fois-ci fermement pour obtenir d’Israël l’arrêt de sa politique de colonisation et de ses exactions à l’encontre du peuple palestinien. C’est la base de toute reprise du processus de paix.

Dans la situation actuelle, la question du rehaussement des relations avec Israël doit être abandonnée jusqu’à la création effective de deux États viables et souverains.

Telles donc les quelques éléments que je voulais rapidement aborder en vue du prochain Conseil européen.

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