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Affaires étrangères et défense

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Débat sur l’Irak

Par / 9 octobre 2002

par Nicole Borvo

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, il était temps et nécessaire que le Parlement se réunisse pour faire le point sur la vive tension internationale autour de la situation iraquienne. Pour notre part, nous avions d’ailleurs réclamé ce débat au Gouvernement.
Au nom des sénatrices et sénateurs communistes, je voudrais dire d’abord non à la guerre annoncée, non à la fatalité des bombardements. Nous sommes ici les représentants de notre peuple. Or notre peuple, dans sa grande majorité, est opposé à ce nouvel engrenage militaire. A juste titre, il en mesure et en redoute les conséquences.
Conséquences humaines pour le peuple iraquien : combien de victimes, d’hommes, de femmes, d’enfants, dans un pays déjà profondément éprouvé par la dictature, la guerre contre l’Iran, la guerre du Golfe, la catastrophe économique engendrée par l’embargo ?

Conséquences pour l’avenir de la région : comment ne pas voir, en effet, que tous les pays du Moyen-Orient sont concernés et à quel point la situation au Proche-Orient pourrait en être immédiatement et irrémédiablement aggravée ?
Conséquences encore pour l’avenir des relations et des institutions internationales : laisser les Etats-Unis décider unilatéralement d’intervenir où bon leur semble sonnerait en réalité le glas du droit international.
L’opinion en France, comme chez nos voisins européens, ressent ces risques majeurs. Aux Etats-Unis mêmes, les va-t-en guerre au pouvoir rencontrent des résistances.
L’acceptation récente par le Président Bush de la légitimité du Conseil de sécurité en est assurément le premier résultat. Pour autant, nous ne pouvons être rassurés.
L’attitude des Etats-Unis est en effet dangereuse à plusieurs titres.
Elle est dangereuse quant à sa conception d’un monde désormais unipolaire dont la superpuissance s’érige en gendarme.
Nous constatons, hélas ! que les conflits « locaux » sont le plus souvent l’occasion pour les Etats-Unis d’affirmer, par l’usage de la force, leur prééminence. Le Golfe, le Kosovo, les manoeuvres en Afrique sont marqués par cette volonté.
L’attitude des Etats-Unis est dangereuse parce que les dramatiques événements du 11 septembre et l’impérieuse nécessité de la lutte contre le terrorisme sont utilisés pour cette recomposition du monde, tandis que tardent à se concrétiser la lutte contre les réseaux de trafics d’armes, de blanchiment de l’argent sale ainsi que l’engagement dans des politiques de coopération, de développement, de nouveaux rapports Nord-Sud.
Le 20 septembre 2001, le Président américain déclarait ceci : « Chaque pays de chaque région du monde doit désormais prendre une décision. Ou vous êtes avec nous ou vous êtes avec les terroristes ». Ne faisait-il pas ainsi fi - hélas ! - des relations internationales ?
Et comment ne pas entendre avec inquiétude que des mots comme « croisade » ou « lutte entre le bien et le mal » sont érigés en concept politique depuis cette date ?
L’attitude des Etats-Unis est dangereuse parce que l’objectif affirmé de débarrasser l’Iraq de Saddam Hussein ne peut cacher les visées américaines sur la région, tant pour des raisons économiques que géopolitiques.

L’Iraq, c’est 10 % des ressources mondiales de pétrole et donc un marché considérable qui aiguise les convoitises et les appétits des grandes sociétés pétrolières, de TotalFinalElf à Texaco.
L’acquisition des marchés par les grandes compagnies pétrolières, la diversification des ressources pour les Etats-Unis constituent les clés de la situation actuelle, mais sont autant de menaces pour la région.
Jusqu’où ira-t-on avec les armes et les contraintes de l’embargo ? Si elles ont affamé le peuple iraquien, elles ne l’ont pas débarrassé de Saddam Hussein qui les a, au contraire, utilisées pour faire perdurer son régime sanguinaire.
L’avenir de l’Iraq, de son peuple, du peuple kurde, appellerait, plus que les armes, la tenue d’une conférence régionale sous l’égide de l’ONU.
C’est bien dans un retour de la légalité internationale, chaque Etat étant considéré comme tel, qu’un nouvel ordre international, source d’équilibre, de paix et de développement, pourra se construire.
La crise actuelle pose avec force la question du rôle des instances internationales. L’ONU ne saurait être un instrument aux mains de puissances dominantes, particulièrement d’une puissance quasi impériale. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que l’Assemblée générale soit dotée de nouveaux pouvoirs.
Il va de l’avenir des instances internationales que les résolutions qu’elles prennent soient respectées et appliquées, il ne saurait y avoir deux poids et deux mesures en la matière.
Monsieur le ministre, le 30 juillet dernier, vous avez déclaré ceci à la presse : « Plus nous faisons pression sur l’Iraq, plus nous avons le devoir d’avancer parallèlement sur la recherche de la paix au Proche-Orient. » Vous l’avez redit hier et aujourd’hui encore.
Cette question est essentielle et nous approuvons ce point de vue.
Le monde arabe et musulman ne peut tolérer l’impuissance volontaire des Etats-Unis et de l’Europe à l’égard de la politique dévastatrice d’Ariel Sharon. La crédibilité de la lutte nécessaire contre le terrorisme exige une application ferme des résolutions sur le Proche-Orient afin de ramener la paix dans cette région.
Le Premier ministre a insisté hier à l’Assemblée nationale, comme vous l’avez fait aujourd’hui, sur les efforts de la France pour faire prévaloir la diplomatie sur la force et pour rappeler aux Etats-Unis la règle internationale.

Nous avons suivi, monsieur le ministre, ces efforts avec attention. Ils doivent être poursuivis avec fermeté et détermination dans la phase actuelle.
Ce qui devrait être inscrit à l’ordre du jour, c’est l’application rapide et effective de la résolution 1284 du Conseil de sécurité, adoptée en 1999, qui décide le retour des inspecteurs de l’ONU en Iraq et une levée progressive de l’embargo.
Ce texte mettait un terme - faut-il le rappeler ? - à la crise déclenchée par l’intervention unilatérale des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne.
Rappelons qu’à cette occasion plusieurs centaines de missiles étaient tombés sur l’Iraq.
Le retour des inspecteurs est une question cruciale. Leur travail avait été d’une grande efficacité jusqu’en 1998 et avait permis de détruire beaucoup plus d’armes prohibées qu’à l’occasion de la guerre du Golfe.
Il s’agit d’autant plus de la voie de la paix que les dirigeants de Bagdad ont accepté ce retour des inspecteurs.
L’attitude des Etats-Unis, prêts à déclencher un conflit sans l’aval de la communauté internationale, a conduit la France à prendre d’autres initiatives pour ramener le débat au sein du Conseil de sécurité.
La France a défendu l’idée d’un ensemble de deux résolutions. La première devait fixer les conditions du retour des inspecteurs et la seconde envisager la réaction du Conseil de sécurité en cas de manquements de l’Iraq aux nouvelles obligations.
Récemment encore, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne refusaient ce scénario. Aujourd’hui, un accord semble proche. Sur quelles bases et avec quelle approche de l’utilisation de la force ? Toute surenchère qui consisterait à annoncer par une nouvelle résolution la possibilité du recours à l’option militaire n’est pas acceptable.

Monsieur le ministre, la France doit jouer son rôle et ne peut se priver de son droit de veto contre toute disposition facilitant le recours à la force. S’interdire au préalable son utilisation n’annonce-t-il pas une soumission future ?
Ne serait-il pas hasardeux, au nom du respect de « l’unité du Conseil de sécurité » que vous évoquez avec insistance, de briser les équilibres mondiaux, de déclencher des mécanismes irréversibles ? Nous restons inquiets, monsieur le ministre, de l’évolution actuelle et ne voulons pas penser que, finalement, la France se laissera emporter dans un conflit.
Notre pays, par son droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU, a une grande responsabilité - y compris à l’égard des autres membres, comme la Russie et la Chine - pour l’avenir de la paix dans le monde.
Nous sommes à une heure cruciale. La situation montre qu’il est possible d’infléchir l’attitude belliciste de George Bush.
Les sénatrices et les sénateurs communistes font, eux, le choix de la paix. Ils seront d’ailleurs le 12 octobre aux côtés de ceux qui manifesteront à Paris pour dire « Non à la guerre ! »
Ils agiront pour que la France, jusqu’au bout, prenne ses responsabilités avec l’Europe, bien effacée jusqu’à ce jour ; cette Europe qui, selon vous, joue un rôle moteur dans le développement du Bassin méditerranéen et du Moyen-Orient ; cette Europe qui, de toute évidence, peut permettre l’émergence de nouveaux équilibres dans ce monde bouleversé.

La situation actuelle montre malheureusement l’immensité du chemin à parcourir pour créer les conditions de la coopération et du développement harmonieux des nations du monde, pour conduire au désarmement de tous les Etats, les Etats dominants comme les autres, et pour parvenir à l’annulation de la dette, annulation qui peut et doit être choisie.
Nous sommes convaincus que le camp de la paix peut l’emporter.
La France, par son histoire, ses valeurs, peut rendre un grand service à l’humanité. Nous comptons sur elle !
Comme, j’en suis certaine, tous ceux qui ont au coeur l’humanisme et la démocratie, nous serons vigilants dans les heures et les jours à venir pour que la guerre américaine n’ait pas lieu et qu’une chance soit donnée à la paix.

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