Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Affaires étrangères et défense

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

Lire la suite

Des propositions sans grande consistance

Reconversion des militaires -

Par / 22 décembre 2010

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m’associe à mon tour à l’hommage rendu par nos collègues à nos soldats, en particulier à ceux qui sont les plus exposés. L’actualité vient de nous rappeler cruellement que notre engagement en Afghanistan, largement désapprouvé par nos compatriotes, est très lourd en pertes humaines. Aujourd’hui, nos pensées vont aux familles des victimes ; nous les assurons de notre soutien dans cette douloureuse épreuve.

De longue date, nos armées s’attachent à reconvertir certains de leurs personnels dans la vie civile. À l’heure actuelle, cette question s’inscrit dans un contexte nouveau, marqué par la professionnalisation des forces depuis les années quatre-vingt-dix, la suspension de la conscription en 1996, le chômage élevé dû à la crise économique et financière, les contraintes budgétaires imposées à tous les ministères.

La reconversion est aussi un enjeu essentiel pour le bon fonctionnement de notre outil de défense. Elle est non seulement la condition du renouvellement des effectifs pour préserver la jeunesse de nos armées, mais aussi la contrepartie des contraintes inhérentes à la vie militaire et l’un des moyens d’assurer l’attractivité de l’institution.

Le dispositif global actuel est large. À ce jour, il fonctionne modestement, mais de façon satisfaisante. Cependant, en raison des charges supplémentaires et des nouveaux défis auxquels il est confronté, il risque d’être de plus en plus inadapté et en décalage avec la réalité de notre société.

Monsieur le ministre, le projet de loi que vous nous soumettez a donc pour objectif louable d’améliorer et de compléter ce qui existe. Toutefois, il le fait à la marge, sur des aspects très techniques, qui plus est « toutes choses égales par ailleurs », c’est-à-dire sans tenir réellement compte de l’évolution de la société dans laquelle nous vivons.

C’est la raison pour laquelle je serais tentée de le qualifier de virtuel. Certes, il ouvre des droits, encore que ce soit sur des points mineurs, mais il fait l’impasse sur leur possibilité d’application. L’étude d’impact qui l’accompagne le montre de façon flagrante !

Le Gouvernement a dû prendre conscience du peu de consistance de son projet de loi initial, puisqu’il a présenté des amendements à l’Assemblée nationale visant à faire passer le nombre d’articles de ce texte de deux à huit. Hélas ! les dispositions introduites ne concernent que des aspects mineurs, quand il ne s’agit pas tout simplement de précisions rédactionnelles.

Je m’interroge, en outre, sur l’opportunité de passer par la voie législative pour aboutir à un résultat aussi mince.

Comme le souligne d’ailleurs avec justesse le rapporteur, André Dulait, ce texte comporte des dispositions très techniques, de portée limitée, et qui semblent éloignées de l’esprit et de la lettre de la Constitution, laquelle prévoit que la loi fixe les principes fondamentaux et non des modalités pratiques.

Pour autant, le dispositif de reconversion des personnels militaires a incontestablement besoin d’être amélioré et complété. Au vu de la gravité de la situation – la RGPP et la loi relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 prévoient la suppression de 54 000 emplois d’ici à quatre ans –, ce projet de loi aurait mérité d’être plus ambitieux pour être plus efficace.

Convenons-en, les résultats de la reconversion sont contrastés.

D’un côté, alors que près de 35 000 militaires quittent chaque année les armées, 21 000 prestations d’orientation, de formation professionnelle et d’accompagnement vers l’emploi ont été accordées l’an dernier. Autrement dit, le taux de reconversion, c’est-à-dire de ceux qui trouvent un emploi après leur départ des armées, est d’environ 70 %.

D’un autre côté, 61 % des militaires ayant quitté l’armée en 2007 n’avaient pas eu recours aux différents dispositifs de reconversion, 25 % des militaires du rang connaissent une situation de chômage dans l’année suivant leur départ, près de 9 000 anciens militaires sont inscrits au chômage et, enfin, seuls 60 % des militaires quittant l’institution sont éligibles à l’ensemble des prestations de reconversion en vigueur. Quant aux reclassements dans la fonction publique, ils sont de moitié inférieurs aux objectifs initiaux.

On constate donc que le dispositif de reconversion ne concerne qu’une partie des militaires, puisque seuls ceux qui justifient de plus de quatre ans de service peuvent bénéficier de l’ensemble des prestations de reconversion. L’exclusion du bénéfice de ce congé pour ceux qui ont effectué moins de quatre ans de service prive statutairement 38 % des militaires.

Des mesures d’assouplissement et d’élargissement du congé de reconversion étaient donc absolument nécessaires.

Ainsi, en adaptant les modalités du congé de conversion à la diversité des parcours de formation du secteur civil, le présent texte permet de prendre ce congé de manière fractionnée lorsque la formation suivie l’exige.

De même, les volontaires ayant accompli moins de quatre années de services effectifs sont autorisés à bénéficier d’un congé de reconversion court d’une durée maximale de vingt jours ouvrés. Cette mesure, qui touchera essentiellement de jeunes gendarmes peu diplômés, est également bienvenue.

L’autre grande disposition de ce projet de loi est l’instauration d’un congé pour création ou reprise d’entreprise.

C’est une adaptation du parcours individualisé du créateur ou repreneur d’entreprise qui instaure le congé pour création d’entreprise comme nouvelle position statutaire d’activité.

Dans la mesure où cette disposition s’inspire du congé proposé aux agents publics depuis la loi du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique, était-il absolument nécessaire de l’inscrire dans une loi et même d’en faire le second point fort de ce texte ?

Il faut prendre la mesure réelle de cette nouvelle disposition. L’étude d’impact montre que cette dernière est très restrictive, puisqu’elle ne toucherait potentiellement qu’une vingtaine de militaires par an, lesquels, au surplus, pourraient être compris parmi les 200 bénéficiaires du parcours individualisé du créateur ou repreneur d’entreprise.

Cela étant, ce dispositif peut constituer un petit complément aux conventions signées entre le ministère de la défense et de grands groupes français.

Pour le reste, loin de fixer de grands principes législatifs, le texte ne prévoit que des mesures de détail, loin d’être inutiles certes, mais qui ne sont pas à la hauteur du problème posé.

En cinq articles, vous autorisez un cumul d’activité pour une vingtaine de militaires souhaitant devenir auto-entrepreneurs, vous ouvrez quelques rares emplois réservés de la fonction publique, vous modifiez les modalités de fixation des établissements concernés par ces emplois, ou encore vous autorisez l’externalisation de la restauration de l’École polytechnique et de notre futur « Pentagone » français sur le site de Balard.

Tout cela peut aider la recherche d’emploi, mais ce n’est pas la garantie de retrouver un emploi.

Surtout, et d’aucuns l’ont souligné avant moi, quelle peut-être l’utilité de donner un cadre législatif à un tel dispositif sans avoir les moyens de le faire fonctionner, c’est-à-dire sans en avoir vraiment prévu le financement ?

L’expérience des années précédentes nous montre que, face à la demande, les mesures d’accompagnement social des départs ont toujours été insuffisamment budgétées. Je comprends bien que l’intérêt de la reprise ou de la création d’entreprise est de réaliser des économies, puisque le ministère de la défense aura ainsi moins d’indemnités de chômage à verser. Il n’en demeure pas moins que je reste très sceptique sur les incidences d’une telle mesure : si nous savons qu’elle touchera peu de monde, en revanche, nous ignorons tout de son coût.

Le défi d’un système de reconversion adapté à la situation ne pourra être relevé avec ce seul projet de loi. Il faudra, comme l’a suggéré le Haut Comité d’évaluation de la condition militaire dans son rapport du mois de juin dernier, que vous preniez un ensemble de mesures d’ordre réglementaire et de gestion.

Dans cette attente, monsieur le ministre, alors que le contexte économique devient de plus en plus difficile, je ne crois pas qu’en l’état, ce texte permette véritablement de consolider l’accompagnement de la reconversion des militaires pour leur permettre de réussir une seconde carrière dans la vie civile.

C’est la raison pour laquelle le groupe CRC-SPG s’abstiendra.

Les dernieres interventions

Affaires étrangères et défense Aide publique au développement : un appel au sursaut international

Proposition de loi relative à la mise en place et au fonctionnement de la commission d’évaluation de l’aide publique au développement - Par / 26 mars 2024

Affaires étrangères et défense Ukraine : sortir de l’escalade guerrière

Débat et vote sur l’accord de sécurité franco-ukrainien et la situation en Ukraine - Par / 13 mars 2024

Affaires étrangères et défense L’armée ne connaît pas la crise

Débat sur les crédits 2025 pour la Défense - Par / 14 décembre 2023

Affaires étrangères et défense L’aide publique au développement perd son cap

Vote sur le budget de l’Aide publique au développement (ADP) - Par / 11 décembre 2023

Affaires étrangères et défense Le rêve éveillé d’une République à défendre

Proposition de loi du groupe RDSE tendant à renforcer la culture citoyenne - Par / 22 novembre 2023

Affaires étrangères et défense Afrique : changer du tout au tout la forme de notre présence

Débat sur les partenariats renouvelés entre la France et les pays africains - Par / 21 novembre 2023

Affaires étrangères et défense Un réseau de plus en plus externalisé

Gouvernance de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger - Par / 27 janvier 2022

Affaires étrangères et défense Une paix juste et durable reste le seul chemin d’avenir

Reconnaissance, aux côtés d’Israël, d’un État palestinien par la communauté internationale - Par / 9 décembre 2021

Affaires étrangères et défense Nous défendons une aspiration à la coexistence pacifique de deux Etats et de deux peuples

Reconnaissance, aux côtés d’Israël, d’un État palestinien par la communauté internationale - Par / 9 décembre 2021

Affaires étrangères et défense Nous partageons les objectifs affichés, mais dans les faits tout, ou presque, reste à faire

Loi de programmation relatif au développement solidaire : conclusions de la CMP - Par / 20 juillet 2021

Affaires étrangères et défense Nous nourrissons de sérieuses inquiétudes sur le maintien d’une trajectoire budgétaire ambitieuse

Projet de loi de programmation relatif au développement solidaire : explication de vote - Par / 17 mai 2021

Affaires étrangères et défense La multiplication des zones franches a freiné le développement des entreprises locales

Projet de loi de programmation relatif au développement solidaire : article 1er A - Par / 11 mai 2021

Affaires étrangères et défense Nous devons placer les Kurdes sous protection

Offensive militaire menée par la Turquie au nord-est de la Syrie - Par / 22 octobre 2019

Administration