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Affaires étrangères et défense

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Employés de la DCN et de GIAT

Par / 21 mai 2003

par Hélène Luc

Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Mes chers collègues,

J’aimerais tout d’abord à mon tour rendre hommage aux employés de la DCN décédés lors d’un attentat terroriste à Karachi il y a un an et renouveler toute ma solidarité à leur famille.

Nous discutons aujourd’hui, d’une proposition de loi inattendue, pour ce qui concerne le 2ème article, qui vient devant la Haute assemblée. Initialement consacrée à la représentativité des salariés de la DCN dans les instances représentatives de l’entreprise et des personnels cette dernière s’est transformée en proposition de loi portant diverses dispositions relatives à certains personnels de la DCN et du GIAT.

Alors même que les mesures prises en faveur de la DCN nous paraissent satisfaisantes au vu de la situation actuelle de certains salariés, nous désapprouvons totalement celles du ressort de GIAT industrie et les conditions dans lesquelles elles ont été déposées.

La discussion que nous entamons aujourd’hui amène également un autre débat qui est celui de l’industrie de la défense nationale.

Lors du vote de la loi de finances rectificative pour 2001, le groupe communiste républicain et citoyen avait affirmé ses réserves sur le changement de statut de la DCN. Intervenant au nom du groupe, j’avais exprimé notre inquiétude devant une disposition intervenant dans la précipitation sans que le processus nécessaire à la concertation ne se soit entièrement déroulé. Je plaidais alors, au nom de mon groupe, pour que soit inscrit à l’ordre du jour un projet de loi spécifique plus approprié et garant de tous les droits des salariés et des missions de l’entreprise.

Le vote d’un article unique montre aujourd’hui ses limites. La proposition de loi initialement déposée permettait, et permet toujours dans son article 1er, de palier aux carences en matière de représentation de certains personnels de la DCN.

C’est pourquoi, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen sont d’accord avec une disposition issue d’un consensus et d’une avancée en matière de représentativité des salariés puisque les ouvriers d’Etat et les fonctionnaires civils et militaires auront désormais la possibilité de participer aux instances représentatives du personnel et au Conseil d’administration ou de surveillance.

Ces considérations amènent cependant un autre débat sur la situation de la DCN. Le passage en une société de droit privé sera effectif à compter du 1er juin prochain.

Alors que le changement de statut avait pour but à la base d’assurer à la fois la pérennité de l’entreprise et des emplois de cette dernière, ne voilà t-il pas que la direction confirmait en mars dernier la suppression de plus de mille emplois sur une période de trois ans - les effectifs seront ainsi ramenés à 12300 en 2005. Il s’agirait d’une véritable érosion de l’emploi dans ce secteur puisque au total plus de 4000 emplois seraient touchés en une période d’à peine 6 ans. Qu’il s’agisse du plan social ou du non renouvellement des départs de salariés, le constat reste le même.

A ce jour, seuls les ouvriers d’Etat pourront maintenir leur statut jusqu’à leur départ en retraite. Les 2500 fonctionnaires auront la possibilité de demander leur détachement ou leur mise à disponibilité pour conclure un nouveau contrat de travail.

En ce qui concerne les agents sous contrat, je regrette que cette proposition de loi n’envisage les agents sous contrat que de manière transitoire et ce sont ainsi 800 agents contractuels mis à disposition qui devront choisir entre un contrat de droit privé en CDI s’ils désirent rester dans l’entreprise et une affectation dans un service de l’Etat. Ces employés à l’instar de ceux partant en retraite ne seront pas tous remplacés. Au final, 1300 à 1400 salariés sous contrat de droit privé - statut plus précaire - remplaceront 2000 à 2600 emplois.

Des interrogations apparaissent ainsi quant aux salariés mis à disposition de la DCN. Ainsi, pour les fonctionnaires, quelles sont les garanties dont ils disposeront pour pouvoir réintégrer un ministère notamment dans une période où votre gouvernement annonce un gel de l’emploi public et une réduction des dépenses publiques ?

En ce qui concerne GIAT industrie, je suis vraiment choquée, comme les salariés, de la manière dont s’est déroulé le dépôt de l’amendement concernant cette entreprise. En effet, le dépôt de ce cavalier gouvernemental a eu lieu le jour même où les représentants des salariés et la direction se rencontraient pour finaliser l’accord d’entreprise - signé par la suite le 12 mai dernier.

Suite à l’accord de méthode, j’apprécie que le délai pour le comité central d’entreprise ait été allongé de deux mois jusqu’en septembre - allongement que j’ai ardemment défendu et dont je vous avais informé à plusieurs reprises, Madame la Ministre, ainsi qu’à Monsieur Vigneron, PDG de GIAT industries lors de son audition en commission des affaires étrangères.

Alors que l’on pouvait y voir une avancée et une lueur d’espoir pour le devenir de GIAT, se produisait dans le même temps un véritable recul, ressenti comme un déni des négociations par les salariés.

Devant les protestations de mes amis députés du groupe communiste et républicains, vous avez affirmé, Madame la Ministre, que cet amendement était déposé suite à une demande de certains syndicats. Je veux renouveler ici qu’aucune demande n’a été faite lors de réunions officielles. Alors je voudrais croire, Madame la Ministre, que lors de réunions informelles la demande ait été évoquée mais quel crédit cela a-t-il ?

Ce n’est pas en agissant à contre courrant des discussions en court au travers de l’article 2 que la situation au demeurant très difficile de GIAT industries pourra être réglée. Bien au contraire !

Vous affirmez, Madame la Ministre, que cette disposition permettra de donner des garanties aux ouvriers sous décret.

Les salariés de GIAT craignent pour leur part que cet amendement, présage d’un blanc seing législatif donné à la direction de pouvoir supprimer les emplois des personnels à statut - ouvriers sous décret et fonctionnaires - sous couvert de la possibilité d’un reclassement dans la fonction publique, avec à terme la présence exclusive de personnels issus de contrats de droit privé. D’autant plus que ce reclassement risque de s’avérer fort difficile alors même que le gouvernement annonce la réduction des effectifs de la fonction publique en ne remplaçant qu’un départ à la retraite sur deux.

L’intégration des ouvriers sous décret dans la fonction publique se fera sous la forme d’un contrat de droit privé engendrant ainsi la perte d’avantages conséquents pour ces derniers.

Voilà quelques années encore, GIAT industrie était un véritable fleuron de l’industrie française en matière d’armement terrestre, mais affaiblie par de nombreux plans de restructuration, des gestions hasardeuses - sous tous les gouvernements -, des contrats mal négociés, cette entreprise est en train de dépérir menacée une nouvelle fois de licenciements et de fermetures de sites partiels ou totaux.

Vous voudriez, avec l’article 2 de la présente proposition de loi, envisager le reclassement des personnels, alors même qu’il est nécessaire de décider de l’avenir de GIAT. L’élaboration de propositions, les négociations, le travail conjoint entre représentants des salariés et enquêteurs sont en cours avec comme objectif de pérenniser les emplois.

Les syndicats travaillent également activement pour proposer des projets alternatifs à la fois civils et militaires pour sauver leur entreprise du désastre. Un accent plus poussé devrait être mis sur la recherche. En un mot, GIAT possède des ressources matérielles et humaines, des femmes et des hommes motivés, prêts à se battre, attachés à leur entreprise, pour sauvegarder leur bassin d’emploi. Le gouvernement doit les écouter, les aider.

Pour notre part, en cohérence avec nos propositions de développement du GIAT et avant de connaître les positions des syndicats et des personnels nous ne pouvons accepter que les reclassements soient envisagés.

Que ce soit pour la DCN ou pour le GIAT, les enjeux sont les même : ceux de l’industrie de l’armement française. Encore une fois je le redis, l’armement ne peut pas être considéré comme une marchandise lambda, ballottée au grès du marché et des nécessités capitalistiques.

Ces deux entreprises sont des acteurs majeurs d’un service public donc nous craignons qu’ils ne soient démantelés à l’appel des chantres de l’économie libérale. Et pourtant, toutes deux possèdent un savoir-faire incomparable et des personnels hautement qualifiés qui ne demandent qu’à appliquer leurs compétences au service de la France.

La crainte de voir des fusions et des participations croisées faisant de notre industrie de l’armement un véritable marchand de canon sans aucun contrôle autre que celui de l’argent et de la bourse n’est pas si éloignée.

Avec mes amis du groupe communiste républicain et citoyen nous demandons un débat national au cours duquel l’Etat doit prendre la pleine mesure de ses responsabilités en la matière.

Que dire du paradoxe de l’industrie de défense française aujourd’hui selon lequel les fonds publics sont de plus en plus utilisés pour financer des projets via des entreprises privées leur permettant ainsi de devenir de plus en plus concurrentielles et compétitives ? Cette situation jette dans l’impasse la plus totale nos propres entreprises nationales.

La sous-traitance devient monnaie courante, sous-traitance qui s’opère aussi bien en France qu’à l’étranger. Je prendrai pour exemple la construction du deuxième porte-avion dont la maîtrise d’ouvrage doit incomber à la DCN. Des rumeurs circulent selon lesquelles la maîtrise d’ouvrage de la coque confiée à la DCN serait sous-traitée en Espagne ou en Pologne ! Pays qui donne ses crédits de recherche aux Etats-Unis et qui a acheté récemment des F16 aux mêmes Etats-Unis au détriment du mirage français. C’est un comble !

La conjoncture internationale nous montre aujourd’hui plus que jamais à quel point la défense nationale et son industrie doivent être circonscrites et étroitement encadrées au plan national et sous certains aspects en étroite coordination avec l’Europe et nous conforte dans l’idée que l’industrie de défense doit obligatoirement être intégrée dans un pôle public de l’armement dans lequel GIAT et DCN ont toute leur place.

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