Affaires étrangères et défense
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
Interdiction des armes nucléaires en Amérique latine et dans les Caraïbes
Par Hélène Luc / 6 janvier 2004par Hélène Luc
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
Les instruments internationaux révélateurs de la volonté des pays et des peuples de réglementer l’arsenal nucléaire sont des initiatives qu’il faut encourager et saluer. Ainsi, le projet de loi qui nous est aujourd’hui présenté s’inscrit dans cette logique et il convient que nous associons la France à cet effort.
Cependant, l’enthousiasme, s’il peut apparaître de mise, doit être contre balancé par une analyse de l’état du nucléaire dans le monde et l’impuissance avérée des instruments internationaux pour enrayer toute prolifération.
L’inquiétude est d’autant plus présente que les technologies employées de nos jours dans ce domaine permettent d’obtenir des armes nucléaires relevant quasiment du domaine du conventionnel.
L’exemple de la politique du gouvernement américain est des plus flagrant et doit être condamné. En effet, les Etats-Unis se basent de plus en plus sur une doctrine faisant de l’arme nucléaire une nouvelle arme d’emploi. Ils reviennent ainsi sur les principes édictés par les engagements internationaux qui interdisent l’utilisation de cette arme contre un pays qui ne la posséderait pas.
De ce fait, la remise en cause de la thèse classique de la dissuasion met à mal la logique du désarmement et annonce l’avènement d’une nouvelle ère de prolifération nucléaire.
Ainsi, l’adoption par le congrès américain, lors du budget de la défense 2004, de l’ouverture de crédits consacrés à la mise au point de nouveaux types d’armes nucléaires comme la mini bombe s’inscrit dans ce mouvement qui doit être unanimement condamné.
C’est également sans compter sur l’existence de pays détenteurs de l’arme nucléaire comme l’Iran - la signature récente du protocole additionnel au Traité de Non Prolifération par ce pays ne saurait à ce titre totalement nous rassurer quant à ses intentions - l’Inde, le Pakistan, la Corée du Nord, la Libye ou encore Israël, pour n’en citer que quelques uns, qui agissent en dehors de tout contrôle international.
En ce qui concerne la Corée du Nord, justement, nous venons d’apprendre qu’elle avait offert de ne plus tester ni produire des armes nucléaires et de geler ses activités, cet accord intervient indépendamment des négociations multilatérales difficilement engagées avec les Etats-Unis, le Japon, la Russie, la Corée du Sud et la Chine. Aujourd’hui, une délégation américaine non officielle se rend pour quelques jours sur son territoire pour visiter un complexe nucléaire. Or, je demande que toutes les négociations engagées avec la Corée du Nord, mais aussi avec tous les pays détenteurs de l’arme nucléaire, se fassent obligatoirement sous l’égide de l’ONU et des organes issus des traités internationaux. Il en va d’un devoir de transparence primordial dans ce domaine.
Dans ce contexte mondial, il est essentiel de rappeler que la course à l’armement nucléaire poursuivie par une, ou quelques nations, n’a jamais eu pour corrélatif de ralentir voir stopper les efforts nucléaires des autres pays, notamment de ceux contre qui cette prolifération nucléaire aurait pour but de s’adresser. Bien au contraire, la conséquence qui en a toujours découlé a été de provoquer un rattrapage ou un contournement de la part des autres pays. Bien souvent, il est dit qu’il faut se servir des leçons de l’histoire pour ne pas réitérer ses erreurs. En matière d’arsenal nucléaire la communauté internationale se devrait de mettre à profit cet adage !
Notre planète ne doit plus être l’enjeu d’escalades de surpuissances militaires dont le nucléaire serait la clef de voûte de la terreur et de la peur. Tous les pays ont pour responsabilité d’engager des politiques multidimensionnelles avec une réorientation de leurs politiques de défense.
Ainsi en France - j’ai déjà eu l’occasion de le dire lors du vote du budget de la défense 2004 mais également à l’occasion du vote de la loi de programmation militaire - nous avons le devoir d’opérer une réorientation de la politique de défense axée notamment sur la protection du territoire national et européen, d’une promotion et d’une intensification des actions humanitaires et de paix sous l’égide de l’ONU et du droit international mais encore par l’augmentation des capacités d’intervention de la protection civile s’accompagnant d’une augmentation des moyens humains et financiers.
Avec une stratégie essentiellement tournée vers la projection des forces, la France se positionne aujourd’hui comme un pays pour lequel les moyens militaires sont les moyens premiers du règlement des problèmes de sécurité. Soit, au final, une logique du surarmement dont le nucléaire se fait la part belle avec 20% du budget 2004.
Les récentes déclarations du Premier Ministre sur la possible réorientation de la doctrine nucléaire de la France, bien que démenties, nous poussent à être des plus vigilants et je demande qu’un débat ait lieu très rapidement au Parlement à ce sujet. Notre pays ne doit pas s’engager sur la voie d’un suivisme aveugle de la conception de défense imposée par les Etats-Unis.
La question du nucléaire est centrale et suscite toujours des inquiétudes justifiées. Le groupe communiste républicain et citoyen votera pour le projet de loi relatif à l’adoption de l’accord entre la France, la Communauté européenne, la CEA, l’AIEA dans le cadre du traité visant l’interdiction des armes nucléaires en Amérique Latine et dans les Caraïbes car il s’inscrit dans une logique de maîtrise de l’armement nucléaire. Toute fois nous resterons très attentifs pour que cet accord et tous ceux censés réguler le nucléaire ne restent pas de simples accords de principe et pour que le nucléaire de défense ne devienne pas un simple instrument de guerre comme les autres.