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Affaires étrangères et défense

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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L’incapacité des nouveaux instruments institutionnels du traité de Lisbonne à poursuivre la mise sur pied d’une défense européenne

Traité avec la Grande-Bretagne et l’Irlande du nord relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques -

Par / 3 mai 2011

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion de ce projet de loi autorisant la ratification du traité signé en novembre 2010 avec le Royaume-Uni, relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques communes, nous donne l’occasion d’évoquer la politique de défense de notre pays à l’échelon européen.

En effet, derrière cet intitulé anodin, c’est de la coopération franco-britannique dans le domaine nucléaire militaire qu’il s’agit.

Une telle coopération a évidemment une portée politique et stratégique majeure qui ne peut être comprise et expliquée que dans le contexte plus large de notre posture vis-à-vis de la politique européenne de sécurité et de défense.

L’autre traité de coopération, signé en même temps et portant sur ces questions, ne nécessite pas, à proprement parler, de ratification parlementaire, mais je l’intégrerai dans le même ensemble.

Ces sujets auraient mérité d’être débattus devant le Parlement préalablement à la signature de ces accords bilatéraux, car ils marquent une évolution stratégique qui sonnera vraisemblablement le glas de la défense européenne.

Monsieur le ministre, avec ces accords, votre gouvernement fait le constat de l’incapacité des nouveaux instruments institutionnels du traité de Lisbonne à poursuivre la mise sur pied d’une défense européenne.

Souvenons-nous, par ailleurs, que le sommet de Londres est chronologiquement antérieur au sommet de l’OTAN qui s’est tenu à Lisbonne. Au cours de celui-ci, le Président de la République avait de nouveau procédé à une évolution de ses orientations stratégiques concernant la défense antimissile et le nouveau concept de l’Alliance.

Nous n’avions pu avoir un débat parlementaire qu’une fois les décisions prises. C’est même à l’occasion d’une conférence de presse à Londres que ces accords bilatéraux de partenariat stratégique ont été présentés de façon abrupte et cavalière, tant à l’égard de la représentation nationale que de nos alliés européens.

En effet, ils ont été annoncés sans avoir été prévus dans la loi de programmation militaire, sans que soit précisée une doctrine d’emploi, sans information préalable ni consultation du Parlement et de l’Allemagne, notre partenaire jusqu’ici privilégié.

Cette subite relance de la coopération avec le Royaume-Uni avait, à l’évidence, été motivée par le pragmatisme et le souci de mutualiser des équipements coûteux afin de faire face aux réductions budgétaires militaires imposées par la crise.

C’est certainement une condition nécessaire si nous voulons prétendre garder notre rang parmi les puissances militaires.

Mais, à la différence du sommet de Saint-Malo de 1998, qui marquait une adhésion, certes toute relative, de nos alliés britanniques à l’Europe de la défense, et qui pouvait avoir un effet d’entraînement sur nos partenaires européens, les traités de Londres sont très étroitement bilatéraux.

De fait, ils ne faciliteront pas d’autres coopérations européennes à plus long terme. En outre, leur caractère souvent plus intentionnel que concret les fragilise en les mettant à la merci d’éventuels changements de situations politiques et économiques dans nos deux pays.

Les conséquences de ces accords vont également bien au-delà d’une simple mutualisation. Il ne s’agit pas uniquement de mettre en commun des capacités, des matériels et de créer une force militaire conjointe de 5 000 hommes pour des opérations extérieures. Il s’agit également d’envisager le rapprochement de nos deux industries de défense et la fusion, à terme, des moyens de recherche et de développement sur certains programmes. Vous voulez surtout, monsieur le ministre, mettre en œuvre une coopération sur les ogives nucléaires, en partageant ces technologies dans des laboratoires communs de simulation et de modélisation.

Quand on connaît dans ce domaine la dépendance des Britanniques envers les Américains, on peut craindre une perte d’autonomie de la dissuasion nucléaire française, notion à laquelle le Président de la République prétend pourtant être toujours très attaché. Cet accord repose aussi sur le pari hasardeux d’un relâchement des liens entre la Grande- Bretagne et les États-Unis.

Mais ma critique la plus vigoureuse de ces recherches communes porte sur leur motivation. Je considère qu’elles ont davantage pour objectif de moderniser et de renforcer notre arsenal nucléaire que de strictement garantir sa crédibilité.

En cela, vous interprétez très largement le principe de stricte suffisance, l’un des fondements de la doctrine militaire française.

Et vous ne vous conformez pas non plus à l’un des engagements fondamentaux du traité de non-prolifération nucléaire de ne pas procéder à la recherche de nouveaux systèmes d’armes.

Après notre réintégration complète dans le commandement militaire de l’OTAN, qui nous a fait perdre l’autonomie stratégique que nous conférait notre spécificité au sein de l’Alliance, et qui nous avait été présentée comme devant permettre le développement d’une défense européenne autonome, ces accords franco-britanniques se situent dans la continuité des revirements et des contradictions du Président de la République en matière de défense.

Où est la cohérence entre la réintégration totale dans l’OTAN, la recherche d’une défense européenne commune et cette coopération bilatérale renforcée avec le Royaume-Uni ?

Il y a là des postures contradictoires, mises en œuvre par une stratégie à géométrie variable.

Cette relance d’une coopération strictement bilatérale ainsi que la crise récente en Lybie marquent désormais la fin de toute possibilité de défense européenne. Vous en avez fait le constat, et contrairement à ce que vous affirmez, monsieur le ministre, je doute fort que ces accords aient un effet d’entraînement sur nos partenaires européens.

La gestion de la crise en Lybie a illustré de façon malheureuse cette incapacité de l’Union européenne à exister réellement comme puissance, à définir et à mettre en œuvre une politique de défense et de sécurité commune et autonome.

Notre pleine réintégration dans l’OTAN n’aura donc pas atteint l’objectif affiché par le Président de la République. Monsieur le ministre, l’Union européenne restera, en réalité, cantonnée à l’humanitaire, à n’être qu’une « grosse ONG », selon votre pertinente expression.

Dans cette affaire, c’est l’OTAN qui est devenu le bras armé de l’Union européenne.

Par mon intervention, je pense avoir démontré que l’autorisation de ratification de ce projet de loi soulève de nombreuses questions révélatrices des profonds désaccords du groupe CRC-SPG avec la politique que vous menez. Nous ne voterons donc pas ce texte.

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