Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Affaires étrangères et défense

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

Lire la suite

La première urgence est sécuritaire et humanitaire

Prolongation de l’Intervention armée en Centrafrique -

Par / 25 février 2014
La première urgence est sécuritaire et humanitaire
La première urgence est sécuritaire et humanitaire

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, le Gouvernement, comme lui en fait obligation le troisième alinéa de l’article 35 de la Constitution, sollicite du Parlement, quatre mois après le début de cette intervention militaire, l’autorisation de prolonger notre opération en République centrafricaine.

Je ne puis m’empêcher de regretter, légitimement, que notre réforme constitutionnelle se soit, en la matière, arrêtée au milieu du gué et qu’il n’ait pas été prévu de demander une autorisation du Parlement en premier lieu, comme c’est le cas chez certains de nos voisins européens. On mesure dans les débats en général qu’il est beaucoup plus complexe d’accorder notre autorisation de prolongation a posteriori, celle-ci étant en quelque sorte amputée, en l’absence de tout véritable approfondissement. Je tenais à le dire.

Avant d’aborder la question qui nous est posée, je voudrais rendre hommage à Damien Dolet, jeune caporal du 8° régiment d’infanterie chars de marine, qui est mort dans l’accomplissement de sa mission. À l’heure où le Parlement doit prendre sa décision, je voudrais saluer le courage, le sang-froid et le professionnalisme dont font preuve nos soldats dans la mission qu’ils remplissent au nom de la France.

Au vu de la complexité du sujet et de l’évolution de la situation en Centrafrique, la décision est difficile à prendre. Pour y réfléchir, notre groupe a procédé à de nombreux échanges et a beaucoup consulté.

Au mois de décembre dernier, lorsque nos forces sont intervenues militairement, le basculement de la Centrafrique dans l’anarchie et la violence était en cours depuis de nombreuses années. La situation s’est particulièrement aggravée au cours de l’année 2012. Les raisons de l’effondrement de ce pays sont connues : l’extrême pauvreté et l’instabilité politique chronique résultent d’une situation économique catastrophique.

Rappelons-le, la France y avait une part de responsabilité pour avoir trop longtemps joué un rôle d’influence négatif, notamment en soutenant successivement des gouvernements peu recommandables.

C’est grâce, il faut le dire, aux alertes lancées par des organisations non gouvernementales et à la suite des réactions diplomatiques de notre pays face à l’aggravation de la situation sécuritaire et humanitaire que, enfin, une résolution de l’ONU a autorisé au mois de décembre dernier le déploiement de nos troupes en appui des forces africaines déjà sur place depuis quelques mois.

Lors d’un premier débat au mois de décembre 2013, notre groupe avait soulevé quelques interrogations et émis des réserves sur les objectifs et les conditions de cette nouvelle opération extérieure, quelques mois après l’intervention au Mali.

« Pourquoi et comment, avec qui et avec quels moyens la France veut-elle gérer cette nouvelle crise au centre de l’Afrique ? », demandions-nous alors. Nous soulignions aussi l’absence de solidarité européenne, qui nous isolait dangereusement.

Or, où en est-on aujourd’hui sur place ? Les choses sont encore plus complexes, car, depuis quelque temps, nous sommes entrés dans une nouvelle phase de cette crise. Après avoir partiellement réussi à neutraliser et à repousser hors de Bangui les milices de la « Séléka », les forces françaises et africaines éprouvent de grandes difficultés à empêcher les actes de revanche des milices adverses « anti-balaka », qui se livrent aussi à des représailles contre les civils musulmans accusés de complicité avec l’ex-rébellion. Cela se traduit par de nouveaux massacres, sous prétexte de rivalités ethniques et religieuses instrumentalisées.

La gravité de ces faits est telle que le Secrétaire général de l’ONU et Amnesty international ont pu les qualifier de « nettoyage ethnique ». S’y ajoute la menace, annoncée par plusieurs ONG, d’une nouvelle catastrophe humanitaire due à la famine, à tel point que le programme alimentaire mondial a dû établir un pont aérien.

Ainsi, le résultat actuel est que Sangaris a certainement permis d’éviter un massacre peut-être pire encore, mais n’a malheureusement pas pu faire obstacle à un nettoyage ethnique d’une rapidité fulgurante.

Il faut donc à tout prix mettre un terme à l’un des principaux facteurs de déstabilisation qu’est cette guerre civile aux relents d’épuration ethnico-religieuse. En effet, si elle se poursuivait, elle laisserait des traces profondes et pourrait mener tout droit à la partition du pays.

La première urgence est donc humanitaire et sécuritaire. Le rétablissement de la situation sécuritaire est un préalable nécessaire à la mise en œuvre d’une transition politique et institutionnelle. La phase de soutien militaire est donc nécessaire, et cette séquence n’est malheureusement pas encore terminée.

Toutefois, à côté de ces motivations d’ordre purement humanitaire, en intervenant dans ce pays militairement, il faut aussi se demander sans naïveté si la France n’entend défendre que des valeurs et de grands principes.

Comme l’écrit sur son blog avec franchise et clarté – je m’exprimerai de la même façon – un analyste militaire reconnu, le colonel Michel Goya, dans cette affaire, la France cherche à « préserver une influence dans la région – une quarantaine de votes africains quasi automatiques aux Nations unies, la zone monétaire CFA et ses intérêts économiques. Il s’agit d’éviter que la Centrafrique ne se transforme définitivement en zone de non-droit, entraînant les pays voisins dans une grave instabilité, avec le risque de développement d’organisations islamistes radicales à la manière de Boko Haram dans le nord du Nigéria. »

Je disais précédemment que, avec les évolutions récentes, nous étions entrés dans une nouvelle phase de gestion de cette crise, sans connaître vraiment les objectifs, les solutions politiques et sécuritaires que vous voulez mettre en œuvre, monsieur le ministre.

En effet, l’opération Sangaris change de nature : alors qu’elle était initialement destinée à faire cesser les massacres, vous demandez maintenant à nos troupes, sur la requête de la présidente Samba-Panza, d’assurer une mission d’accompagnement jusqu’aux prochaines élections.

Ce changement suscite inévitablement des interrogations. Quel est précisément et fondamentalement l’objectif de cette mission ? Quel délai lui fixez-vous et comment pourrions-nous nous en désengager ?

Face à toutes ces difficultés et à ces incertitudes, l’urgence est d’obtenir, dans l’attente du modeste déploiement de l’Eufor-RCA, l’accélération du processus de transformation de Sangaris et de la MISCA en opération onusienne de maintien de la paix, beaucoup plus efficace et légitime pour résoudre cette crise.

Dans ce contexte, qui constitue tout à la fois un drame humanitaire et un défi concret de sécurité régionale, le processus démocratique en Centrafrique piloté par l’ONU avec des autorités politiques et étatiques légitimées par des élections offrira sans doute plus de garanties de réussite. Après le rétablissement de la sécurité, c’est la réponse indispensable pour sortir des crises chroniques et ouvrir enfin à ce pays des perspectives de réconciliation nationale et de développement. C’est le seul objectif qui doit guider notre intervention.

Il faut qu’une telle opération de maintien de la paix soit rapidement mise sur pied afin de prendre le relais de nos troupes. Toutefois, il faut également veiller à ce qu’elle ait une forte composante civile et s’accompagne des financements propres et pérennes que lui garantira le statut d’OMP, c’est-à-dire d’opération de maintien de la paix.

Dans ce pays, comme sur d’autres théâtres d’opérations, tout le monde s’accorde à reconnaître, et les militaires sans doute les premiers, que le « tout militaire » n’apporte pas la solution.

Il faut une approche globale pour agir sur plusieurs leviers, et il est heureux que vous nous ayez apporté un peu plus de précisions sur ce point, monsieur le ministre. En effet, au-delà des solutions d’urgence, il est grand temps de s’attaquer aux causes profondes qui déstabilisent ce pays depuis si longtemps.

Il faut rompre définitivement avec les politiques et les mauvaises pratiques qui ont cours depuis la décolonisation et qui ont entraîné ce continent dans le sous-développement et la misère, alors même qu’il regorge de richesses.

Nous l’avions déjà dit, avec d’autres, ici même, il faut sans tarder procéder à une véritable refonte de l’ensemble de notre politique d’aide publique au développement, afin de redéfinir ses objectifs, ses enjeux et ses moyens. Cette politique doit être enfin fondée sur de véritables partenariats, qui permettent d’entretenir des rapports débarrassés des arrière-pensées de simple préservation des intérêts stratégiques et économiques de la France.

Par exemple, en Centrafrique, de façon très concrète et significative, une fois rétablie une autorité étatique souveraine, l’une des premières mesures de transparence d’ordre économique devrait être de rendre publics tous les contrats dans le secteur minier et dans celui de l’extraction du pétrole et de l’uranium.

De ce point de vue, nous estimons que les efforts et les engagements de votre gouvernement et de sa majorité en matière d’aide publique au développement ne sont pas véritablement à la hauteur des enjeux. À cet égard, le projet de loi sur le développement et la notion d’action extérieure des collectivités territoriales qui vient d’être adopté par l’Assemblée nationale ne concrétise pas suffisamment les espoirs qu’il a pu susciter. En particulier, nous constatons un désengagement de l’État qui ne dit pas son nom dans le domaine des collectivités territoriales et des ONG.

M. Roger Karoutchi. Vous avez épuisé votre temps de parole !

Mme Michelle Demessine. En conclusion (Ah ! sur les travées de l’UMP.), pour répondre à la question qui nous est posée, il est d’abord nécessaire d’affirmer haut et fort qu’il faut résolument changer de politique à l’égard du continent africain,…

M. Pierre Charon. Non, il faut d’abord voter !

Mme Michelle Demessine. … en particulier de la Centrafrique, qui nous préoccupe ce soir. Car « s’il faut que tout change pour que rien ne change », nous vivrons des crises à répétition, avec des conséquences de plus en plus graves et de moins en moins de moyens pour y faire face. (Marques d’impatience sur les travées de l’UMP.)

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Michelle Demessine. Compte tenu des dangers non écartés d’accélération des massacres de populations civiles, la sécurité est encore loin d’être établie. Nous sommes d’accord pour dire que l’annonce d’un retrait serait un mauvais signal envoyé à tous les belligérants et milices de toute sorte. Nous appelons de nos vœux la mise en place rapide de l’opération de maintien de la paix.

Après en avoir beaucoup discuté au sein de notre groupe, qui partage de manière unanime l’appréciation de fond que je viens de développer dans mon propos,…

M. Roger Karoutchi. Oui, et cela suffit !

Mme Michelle Demessine. … nous sommes convenus de laisser à chacun la liberté de vote. Toutefois, je précise qu’il se dégage majoritairement au sein de notre groupe un vote positif.

Les dernieres interventions

Affaires étrangères et défense Aide publique au développement : un appel au sursaut international

Proposition de loi relative à la mise en place et au fonctionnement de la commission d’évaluation de l’aide publique au développement - Par / 26 mars 2024

Affaires étrangères et défense Ukraine : sortir de l’escalade guerrière

Débat et vote sur l’accord de sécurité franco-ukrainien et la situation en Ukraine - Par / 13 mars 2024

Affaires étrangères et défense L’armée ne connaît pas la crise

Débat sur les crédits 2025 pour la Défense - Par / 14 décembre 2023

Affaires étrangères et défense L’aide publique au développement perd son cap

Vote sur le budget de l’Aide publique au développement (ADP) - Par / 11 décembre 2023

Affaires étrangères et défense Le rêve éveillé d’une République à défendre

Proposition de loi du groupe RDSE tendant à renforcer la culture citoyenne - Par / 22 novembre 2023

Affaires étrangères et défense Afrique : changer du tout au tout la forme de notre présence

Débat sur les partenariats renouvelés entre la France et les pays africains - Par / 21 novembre 2023

Affaires étrangères et défense Un réseau de plus en plus externalisé

Gouvernance de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger - Par / 27 janvier 2022

Affaires étrangères et défense Une paix juste et durable reste le seul chemin d’avenir

Reconnaissance, aux côtés d’Israël, d’un État palestinien par la communauté internationale - Par / 9 décembre 2021

Affaires étrangères et défense Nous défendons une aspiration à la coexistence pacifique de deux Etats et de deux peuples

Reconnaissance, aux côtés d’Israël, d’un État palestinien par la communauté internationale - Par / 9 décembre 2021

Affaires étrangères et défense Nous partageons les objectifs affichés, mais dans les faits tout, ou presque, reste à faire

Loi de programmation relatif au développement solidaire : conclusions de la CMP - Par / 20 juillet 2021

Affaires étrangères et défense Nous nourrissons de sérieuses inquiétudes sur le maintien d’une trajectoire budgétaire ambitieuse

Projet de loi de programmation relatif au développement solidaire : explication de vote - Par / 17 mai 2021

Affaires étrangères et défense La multiplication des zones franches a freiné le développement des entreprises locales

Projet de loi de programmation relatif au développement solidaire : article 1er A - Par / 11 mai 2021

Affaires étrangères et défense Nous devons placer les Kurdes sous protection

Offensive militaire menée par la Turquie au nord-est de la Syrie - Par / 22 octobre 2019

Administration