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Affaires étrangères et défense

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Pourquoi affirmer une interdiction sans se donner tous les moyens de la faire respecter ?

Elimination des armes à sous-munitions -

Par / 6 mai 2010

Monsieur le Président,
Monsieur le ministre,
Mes chers collègues,

Avec le projet de loi sur l’élimination des armes à sous-munitions que nous examinons ce matin, nous arrivons au terme d’un long processus qui marque une importante avancée du droit humanitaire international, concernant en particulier la protection des populations civiles qui sont les principales victimes de ces armes.

Nous devons maintenant adapter dans notre droit national les dispositions de la Convention dite d’Oslo.

Lors de la discussion du projet de loi de ratification, ici même en septembre de l’année dernière, j’avais eu l’occasion d’évoquer le lent cheminement de plusieurs années qui avait été nécessaire pour aboutir à cette étape significative sur la voie du désarmement.

J’avais aussi souligné le rôle déterminant joué par les organisations non-gouvernementales, au plan national et international, pour sensibiliser les opinions publiques à cette cause et peser sur les décisions des gouvernements.

Je n’y reviendrai pas, car il ne s’agit pas ce matin de rappeler des choses reconnues de tous.

Mais il faut en revanche apprécier à sa juste valeur le résultat de tous ces efforts.

Je voudrais notamment relever le rôle très positif joué par notre pays tout au long de ce processus. Ceci bien qu’il ait fallu qu’il soit souvent aiguillonné par les ONG que sont Handicap international, La Croix rouge ou bien encore Amnesty international., comme c’est d’ailleurs leur rôle,
Pour ne prendre que la dernière période, nos armées ont retiré du service les armes interdites par la convention bien avant sa signature.

La France a très rapidement ratifié cette convention, et enfin, nous examinons les mesures législatives nécessaires à son application avant même la date de son entrée en vigueur au plan international.
Je reconnais volontiers que cela témoigne concrètement de la volonté, conforme à nos valeurs républicaines, de parvenir à l’élimination totale de ces armes tellement contraires au droit humanitaire.

L’affirmation de cette volonté pèse d’un grand poids à travers le monde quand on sait le rôle que joue notre pays au plan international en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l’Onu, mais aussi la place qu’il tient parmi les grandes puissances militaires.

Globalement, ce projet de loi d’adaptation dans notre droit national traduit fidèlement l’ensemble des avancées positives contenues dans la Convention d’Oslo.

Que ce soit à propos de mesures précises de transparence sur la destruction des stocks et la rétention de ce type d’armes, de sanctions pénales fortes, ou bien encore de l’établissement d’une juridiction extraterritoriale permettant de sanctionner ces activités commises à l’étranger par des ressortissants français.

Le projet de loi va même dans certains cas un peu plus loin, en élargissant par exemple la notion d’assistance aux activités illégales définies par la Convention.

Notre commission a en outre utilement précisé et complété quelques aspects qui portent sur les définitions, la destruction des stocks, et surtout l’élargissement du champ d’intervention de la Commission nationale pour l’élimination des mines antipersonnel.

Tout ceci étant dit, je regrette pourtant que sur certains aspects, et non des moindres, le projet de loi qui nous est présenté ne soit pas plus précis et plus contraignant par rapport à certaines obligations contenues dans la Convention.

Je comprends tout à fait que l’urgence soit aujourd’hui de convaincre les nombreux pays n’ayant pas encore signé ou ratifié cette Convention, qui est une base minimum, de le faire.

Mais j’estime pourtant que notre pays pourrait, avec d’autres, créer un effet d’entrainement en prenant quelques mesures importantes précisant certaines obligations.

Je vise là très concrètement la question de l’interdiction des investissements et des financements, par les Etats signataires, des activités qui ont trait aux armes à sous-munition.

En effet, la Convention d’Oslo, dans son article 1(c), permet, implicitement, d’interdire aux Etats signataires de financer ou d’investir dans des entreprises fabriquant ou commercialisant ces armes.

Implicitement, car ceci est évoqué de façon détournée par l’obligation faite aux Etats de ne pas de encourager ou assister une activité interdite par la convention.

Ces formulations très générales entraînent une incertitude juridique qui permet de nombreuses interprétations de nature à échapper aux interdictions.

Je regrette donc, monsieur le ministre, qu’en considérant que l’interprétation de ces notions est assez large elle peut suffire à interdire partiellement ces financements.

Il me semble qu’il y a pourtant là une ambiguïté qu’il faudrait lever.
Ce serait un acte très concret marquant davantage encore notre engagement dans le combat contre les armes à sous-munitions.
Il y a bien une ambiguïté dans cette position, car pourquoi affirmer une interdiction sans se donner tous les moyens de la faire respecter ?
Par parenthèse, cette réflexion est également valable pour d’autres domaines de l’action gouvernementale.

Il est évident, que le financement ou l’investissement dans ce type d’activités est une des conditions de leur existence.
Dès lors, il faut que les choses soient clairement dites dans la loi.
Monsieur le ministre, écoutez ce que vous disent sur cette question les associations qui s’en préoccupent.

Mais prenez aussi en compte l’une des recommandations formulée par cette Haute autorité administrative indépendante qu’est la Commission nationale consultative des Droits de l’Homme.

Je cite volontiers ce point précis : « …afin de lever toute ambiguïté juridique sur le principe comme sur l’interprétation, inscrire de manière explicite dans la loi l’interdiction des investissements et des financements, tant directs qu’indirects, dans des entreprises menant, même partiellement, des activités prohibées et liées aux armes à sous-munitions. ».

Ce serait une mesure qui traduirait concrètement la ferme volonté de notre pays d’éliminer ces armes et qui se mettrait en conformité avec des réalités existant déjà dans notre pays et à l’étranger.

En France, par exemple, à la suite d’une action conjointe menée depuis 2006 par les branches françaises d’Amnesty international et Handicap international, de grands groupes financiers et d’ assurances se sont ainsi publiquement dotés de Codes de bonne conduite excluant toute forme d’investissement ou de financement dans ce secteur.
Adopter une telle disposition législative ne pourrait que les conforter dans leur action.

Parallèlement, d’un strict point de vue économique et non plus simplement éthique, la position de pays comme le Luxembourg et la Nouvelle Zélande, qui ont interdit ces financements, ou bien la Suisse, l’Allemagne et les Pays-Bas, qui prévoient de le faire, devrait lever la crainte qu’ a votre gouvernement de porter atteinte à la compétitivité de nos entreprises.
Enfin, je pense qu’il faudrait également compléter cette mesure par l’élargissement de la compétence extraterritoriale de nos juridictions à la possibilité de poursuivre aussi des personnes morales pour ces délits.

C’est le sens des amendements que nous avons déposés sur ce texte.
En conclusion, monsieur le ministre, le groupe Communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche souhaite que vous preniez en compte nos remarques.

Nous voterons ce projet de loi sur l’élimination des armes à sous-munitions.

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