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Affaires étrangères et défense

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Présidence française de l’Union européenne

Par / 17 juin 2008

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à la veille de la présidence française de l’Union européenne, le « non » cinglant du peuple irlandais au traité de Lisbonne, qui rend ce texte caduc, constitue un cuisant revers pour le Président de la République, lequel se targuait d’être à l’origine de ce traité et de la prétendue relance européenne.

En ce sens, le résultat du référendum irlandais met fin à l’opération médiatico-politique orchestrée avec beaucoup d’emphase - on s’en souvient ! - par l’Élysée.

Il s’agit également d’une réponse cinglante à tous les tenants de la ratification par voie parlementaire d’un traité qui n’est que la copie de la défunte constitution européenne, fermement rejetée par les peuples français et néerlandais en 2005.

Rappelons-nous : après deux ans de cogitation, un avatar de l’ex-traité constitutionnel, nommé « mini-traité », « traité simplifié », puis « traité modificatif », avait été élaboré.

Cette élaboration, organisée par les États membres sans consulter ni informer les citoyens européens, avait été particulièrement rapide, puisqu’elle s’était échelonnée entre le mois de mai 2007et la mi-octobre de la même année.

Ensuite, la signature du traité de Lisbonne, le 13 décembre 2007, avait marqué le « top » du départ de la course à la ratification. Les chefs d’État et de gouvernement s’étaient alors entendus pour contourner les peuples, en s’assurant que les ratifications parlementaires soient préférées aux consultations populaires.

Or, chacun doit bien comprendre que l’utilisation de la démocratie représentative pour échapper à l’expression directe du peuple dénature le rôle du Parlement, qui se trouve alors instrumentalisé par l’exécutif.

Toutefois, les dirigeants européens ne s’en sont pas souciés : le traité de Lisbonne devait passer coûte que coûte, et à n’importe quel prix... démocratique !

Aussi vingt-six États membres sur vingt-sept ont-ils décidé de ratifier le traité de Lisbonne par la voie parlementaire. Seul le gouvernement irlandais a dû recourir au référendum, puisque la constitution de la République d’Irlande lui en faisait obligation. On en connaît le résultat : les Irlandais ont rejeté ce texte par 53,4 % des suffrages, avec un taux de participation qui s’est élevé à 53,1 %. C’est sûrement ce que M. de Rohan appelle une « péripétie » ; pour moi, c’est un résultat sans appel !

Depuis, la cacophonie règne au sein de l’Union européenne. Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a estimé malgré tout que « les ratifications qui restent à faire devraient continuer à suivre leur cours ».

Or, mes chers collègues, le vote n’a pas une signification purement nationale. Les citoyens irlandais se sont aussi exprimés au nom des autres peuples européens, privés de leur droit à l’expression directe de leur volonté. (M. le président de la commission des affaires économiques fait un signe de dénégation.) En effet, contrairement à ce que nous avons pu entendre et lire ces derniers jours dans les médias nationaux, les Irlandais ne sont pas des ingrats, et encore moins des ignares. Ils ont, en toute connaissance de cause, repoussé une Europe dévouée aux lois du marché, au patronat et à la finance. (M. Aymeri de Montesquiou exprime son scepticisme.)

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. À quoi faites-vous allusion ?

M. Robert Bret. En témoigne l’accord trouvé entre les dirigeants européens à la veille du référendum irlandais - faut-il y voir un lien ? - sur la durée maximale hebdomadaire de travail pour les salariés. Si la durée légale hebdomadaire restera de 48 heures au maximum, on pourra travailler jusqu’à 60 ou 65 heures par semaine. (M. le président de la délégation pour l’Union européenne s’exclame.)

La durée du travail pourra donc continuer à s’allonger partout en Europe, jusqu’à ce que l’on atteigne la limite de la résistance des travailleurs.

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l’Union européenne. Non !

M. Robert Bret. L’argument du mépris, selon lequel 3 millions d’électeurs ne sauraient entraver la marche de 450 millions d’Européens, ne résiste pas non plus à l’analyse. La vérité, c’est que si des consultations populaires étaient organisées dans d’autres pays de l’Union européenne, le « non » l’emporterait quasiment partout.

En France, le déni de démocratie dont Nicolas Sarkozy s’est rendu coupable lui revient aujourd’hui en pleine face, comme un boomerang. Le ciel irlandais lui tombe sur la tête au moment où la France doit assurer la présidence tournante de l’Union, jusqu’à la fin de l’année 2008.

Si le « non » irlandais constitue un camouflet pour Nicolas Sarkozy, il est également un sérieux désaveu pour la direction du parti socialiste, qui, en prônant l’abstention au congrès de Versailles, le 4 février dernier, a facilité la tâche du Gouvernement (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.), alors qu’il était possible à la gauche unie de contraindre le Président de la République à consulter notre peuple.

Aujourd’hui, force est de constater que l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, escomptée au 1er janvier 2009, ne peut intervenir. En effet, il convient de rappeler que, sur le plan juridique, l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne est subordonnée à sa ratification unanime par les vingt-sept États membres de l’Union. Chacun d’entre eux détient un droit de veto ; en votant « non », les Irlandais ont clairement exprimé leur refus.

Le traité de Lisbonne est donc caduc. Alors que nous allons commencer à débattre, cet après-midi, de la réforme constitutionnelle, il convient dès à présent d’abroger l’article 88-1 de la Constitution et la loi constitutionnelle du 4 février 2008.

Par ailleurs, les dirigeants européens sont bien obligés d’admettre que la crise démocratique que traverse l’Union européenne n’est pas résolue. Au contraire, la crise de légitimité du modèle actuel de construction européenne ne cesse de s’étendre et de s’exacerber.

Monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, mesurez-vous qu’il n’y aura pas d’avenir pour l’Union européenne si vous continuez de rester sourds aux exigences des peuples européens ? Vous persistez dans une voie que les citoyens européens ne veulent pas emprunter. C’est le moment d’en changer.

Aussi la présidence française qui s’ouvrira dans quelques jours ne peut-elle se limiter à « prendre acte de la décision démocratique des citoyens irlandais », et encore moins à « poursuivre le processus de ratification », comme Nicolas Sarkozy et la Chancelière allemande Angela Merkel l’ont déclaré dans un communiqué commun.

La juste réponse à apporter lors du prochain Conseil européen de Bruxelles ne consiste certainement pas à décider de faire revoter les Irlandais, comme ce fut le cas en octobre 2002 après qu’ils eurent rejeté, en juin 2001, le traité de Nice.

Non, l’Union européenne n’a surtout pas besoin d’un rafistolage juridique, et encore moins d’une Europe à plusieurs vitesses, comme le propose M. Hubert Haenel.

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l’Union européenne. Je n’ai jamais dit ça !

M. Robert Bret. La prochaine présidence française a le devoir de proposer l’arrêt du processus de ratification et d’engager l’élaboration d’un nouveau traité fondateur de l’Union européenne sur de tout autres bases, rompant avec les logiques libérales qui la conduisent de crise en crise.

Nous suggérons très concrètement que le Président de la République fasse la proposition aux autres chefs d’État et de gouvernement de convoquer l’ensemble des parlements nationaux pour qu’ils organisent le débat en leur sein et avec les populations. Il faut que ce travail permette d’entendre enfin la voix des peuples, qu’il s’ouvre à la vie réelle, à la participation active des citoyens européens. Il faut que le « non » irlandais porte la promesse d’un nouvel avenir pour l’Europe.

Pour ce faire, la présidence française de l’Union doit travailler en étroite collaboration avec ses partenaires, sans arrogance et dans l’intérêt des peuples de l’Europe, qui ne veulent plus être exclus de la construction européenne.

Sur le fond, les thèmes qui seront abordés lors du Conseil européen recoupent les « priorités européennes » fixées par Nicolas Sarkozy : la politique de l’immigration, la politique en matière d’énergie et la lutte contre le changement climatique, l’évaluation de la politique agricole commune, la défense européenne. Chacun de ces thèmes correspond à des politiques mises en œuvre aujourd’hui par l’Union européenne, politiques qui négligent l’intérêt des peuples, suscitant des rejets et de fortes mobilisations des salariés européens : c’est précisément là tout le message du « non » irlandais.

J’évoquerai brièvement chacun de ces thèmes.

Tout d’abord, la France souhaite progresser vers une politique européenne commune en matière d’immigration, la question sensible de l’immigration clandestine constituant sa principale priorité.

Comme l’a souligné un diplomate, depuis le retour au pouvoir de M. Silvio Berlusconi en Italie, M. Sarkozy n’est plus considéré comme un extrémiste essayant de tenir à distance les immigrants. Dès lors, le couple Sarkozy-Berlusconi, qui prône la mise en place de systèmes sophistiqués de contrôle policier, ainsi que le recul de la politique d’asile et d’immigration, pour « protéger », affirme-t-il, l’Europe contre les immigrés, semble succéder au couple franco-allemand. Cela témoigne de l’état de la construction européenne et de la vision de celle-ci par le Président de la République !

À cet égard, nous souhaitons réaffirmer notre opposition à toute tentative visant à créer une « Europe forteresse » en mobilisant tout un arsenal juridique, policier, militaire et technologique contre les immigrés, au mépris des droits et libertés fondamentaux.

À ce titre, la proposition de directive relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, déposée le 1er septembre 2005 par la Commission européenne, nous paraît particulièrement préoccupante. Ce texte, fondé sur la volonté de mettre en place « une politique efficace d’éloignement », relègue au second plan les droits humains des personnes en instance d’éloignement. L’esprit répressif qui le sous-tend est très inquiétant, à l’heure où de graves atteintes aux droits de l’homme sont commises lors de la mise en œuvre de processus de rétention et d’expulsion. Comme pour de nombreux autres textes relatifs à l’harmonisation des politiques en matière d’immigration et d’asile, l’Union européenne opte, une fois de plus, pour une harmonisation « par le bas », qui ne retient que le plus petit dénominateur commun.

Notre groupe a déposé, le 11 juillet 2006, une proposition de résolution sur ce projet de directive, mais la procédure décisionnelle communautaire continue de se dérouler sans tenir compte des protestations qui s’élèvent contre le texte.

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l’Union européenne. C’est pour cela qu’il faut le traité de Lisbonne !

M. Robert Bret. Ce traité accentue encore ce travers !

La proposition de directive dite « retour » a été dernièrement modifiée et adoptée par le Comité des représentants permanents le jeudi 22 mai 2008. Cette dernière version, qui sera soumise au vote du Parlement européen le 18 juin prochain, est extrêmement alarmante.

En effet, alors que demeurent les trois points majeurs qui posaient problème, à savoir la durée de détention pouvant atteindre dix-huit mois, la détention des mineurs accompagnés et l’interdiction de revenir sur le territoire de l’Union européenne pendant cinq ans, des dispositions nouvelles apparaissent dans le texte, qui prévoit désormais la détention et l’éloignement des mineurs isolés, le renvoi des migrants illégaux dans leur pays d’origine, mais aussi vers un pays de transit, même s’ils n’ont aucun lien avec ce dernier, une réduction drastique des possibilités de départ volontaire, le délai précédant un départ volontaire pouvant être réduit à sept jours, ainsi que l’absence d’obligation, pour les États membres, de fournir une aide juridique gratuite.

S’agissant de la mise en œuvre d’un partenariat avec les pays du Sud, la présidence française souhaite mener un processus de rapprochement entre l’Union européenne et ses voisins méditerranéens avec le lancement, le 13 juillet prochain, d’une Union pour la Méditerranée.

Nicolas Sarkozy, initiateur de ce projet, a été contraint de réviser à la baisse son ambition initiale, à la suite de la fronde de certains de ses partenaires européens. Ce projet consistera essentiellement à redynamiser un processus de Barcelone amorphe. Les vingt-sept États membres seront parties prenantes de ce partenariat, que le budget communautaire ne financera pas et qui, sur le fond, ne semble pas à la mesure des enjeux régionaux.

Ainsi, le conflit israélo-palestinien est crucial en Méditerranée et fragilise toute la région. Comment mettre en œuvre des projets ambitieux dans une zone aussi profondément déstabilisée ? Mon sentiment est que la résolution du conflit israélo-palestinien est un préalable à la réalisation des projets de coopération envisagés, qu’il s’agisse de la dépollution de la Méditerranée, du plan solaire ou de l’accès à l’eau...

La question du positionnement de l’Union européenne par rapport au conflit israélo-palestinien est centrale. Sans un engagement européen résolu sur le terrain politique, rien ne se résoudra sur le fond. L’attitude européenne sur cette question est peut-être le critère décisif du succès ou de l’échec de toute tentative de relance du partenariat euro-méditerranéen.

Or le projet de renforcement des liens entre l’Union européenne et Israël, tendant à conférer à Israël un statut de quasi-membre de l’Union européenne, ne peut que susciter notre vive réprobation.

Lancé en mars 2007, à la demande de la ministre des affaires étrangères israélienne Tzipi Livni, ce projet vise à aboutir à une révision à la hausse de l’accord d’association signé en 2000 qui définit le cadre de la coopération entre les deux partenaires. Israël ne demande rien de moins qu’une intégration renforcée dans le marché unique et les institutions européennes, avec la présence des ministres israéliens lors des Conseils européens, la participation d’experts israéliens à l’ensemble des programmes et des groupes de travail européens, qu’ils portent sur des questions de sécurité et de dialogue stratégique ou sur des questions relatives à l’économie, aux finances, à la jeunesse. Cela équivaudrait bien, monsieur le secrétaire d’État, à conférer à Israël un statut de quasi-membre de l’Union européenne.

Pour faire aboutir ce projet, des négociations se déroulent dans le plus grand secret, depuis maintenant un an, sans consultation ni information du Parlement européen et des parlements nationaux. Si ce projet se concrétisait, alors même qu’Israël continue de mener sa politique en toute impunité, au mépris des droits de l’homme et du droit international, cela remettrait gravement en cause la crédibilité de l’Union européenne et sa capacité à jouer un rôle politique actif dans la région. Cette politique du « deux poids, deux mesures » à laquelle est en train de céder l’Union européenne est inacceptable !

Quant au lancement de l’Union pour la Méditerranée, prévu le 13 juillet à Paris, il s’annonce des plus incertains. Plusieurs dirigeants arabes sont encore indécis et demandent des clarifications s’agissant de l’entrée d’Israël dans la future instance.

En ce qui concerne maintenant la consommation d’énergie, on estime qu’elle devrait croître de près de 52 %, à l’horizon de 2030, par rapport à ce qu’elle était en 2003. Selon les prévisions de l’Agence internationale de l’énergie, les importations devront couvrir près de 70 % des besoins en énergie de l’Europe en 2030, contre 50 % actuellement. Cela pose notamment la question du développement de la production énergétique, ainsi que celle de la sécurité d’approvisionnement.

En ce domaine, la priorité a été donnée à l’ouverture à la concurrence, ainsi qu’au démantèlement des opérateurs historiques. Où en est-on ? Jusqu’à présent, la libéralisation des secteurs du gaz et de l’électricité par les directives européennes successives a surtout accéléré leur concentration entre les mains de quelques grands groupes et favorisé le remplacement des monopoles publics par des monopoles privés.

S’agissant des tarifs, le recours accru au marché spot ainsi que l’interdiction faite aux États membres de garantir des tarifs réglementés, considérés comme des barrières inadmissibles à l’accès aux marchés, ont engagé le cycle d’une hausse généralisée du coût de ce bien de première nécessité.

Nous voyons donc bien que les vertus conférées au marché libre ne sont pas réelles. Bien au contraire, la sécurité d’approvisionnement est menacée et le droit d’accès pour tous à l’énergie n’est pas garanti. Les auteurs du rapport de la mission commune d’information sénatoriale sur la sécurité d’approvisionnement électrique de la France et les moyens de la préserver ont ainsi estimé que cette sécurité ne pouvait être obtenue sans maîtrise publique, notamment au regard de la situation géopolitique internationale et du contexte d’épuisement des ressources.

À cet égard, si nous sommes satisfaits de la décision de l’Union d’engager des négociations avec Moscou sur un nouvel accord de partenariat stratégique entre l’Union européenne et la Russie, nous pensons malgré tout qu’il ne s’agit pas d’une solution suffisante pour garantir la sécurité d’approvisionnement.

Sur le fond, nous souhaitons la mise en œuvre d’une politique européenne de l’énergie, fondée sur la coopération entre États membres et la reconnaissance d’un véritable service public assurant sécurité d’approvisionnement, égalité d’accès pour tous à l’énergie et respect des engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre. L’augmentation de la demande d’énergie, l’envol des prix pétroliers et le réchauffement planétaire confirment également l’urgence de développer les énergies renouvelables et de respecter les engagements que nous avons pris au travers du protocole de Kyoto.

Si nous approuvons les objectifs ambitieux inscrits dans le nouveau paquet « énergie-climat », à savoir une réduction de 20 % des émissions de CO2 d’ici à 2020 par rapport à leur niveau de 1990 et la production d’un minimum de 20 % de notre énergie à partir de sources renouvelables, les biocarburants devant représenter au moins 10 % du total, nous estimons que la question fondamentale est celle du système de production et de son organisation. Le développement du recours à des sources d’énergie propres permettant de répondre aux besoins et la reconnaissance de la place spécifique du nucléaire dans notre bouquet énergétique nous paraissent primordiaux.

Cela étant, le recours massif aux biocarburants, bien qu’il ait indéniablement des effets positifs, notamment au regard du réchauffement climatique, est de plus en plus fortement contesté. En effet, plus les surfaces cultivées sont réaffectées à des cultures vouées à la production de bioéthanol ou de carburant pour voitures propres, plus les récoltes de plantes nourricières se trouvent réduites et plus les prix des denrées augmentent, du fait de leur rareté.

Aussi me paraît-il opportun, comme l’a préconisé Jean Ziegler, ancien rapporteur spécial de l’ONU pour le droit à l’alimentation du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, d’imposer un moratoire, c’est-à-dire une suspension pendant cinq ans de toutes les opérations destinées à produire du biocarburant à partir de denrées alimentaires, afin d’évaluer les conséquences de cette production sur l’exercice du droit à l’alimentation ainsi que sur les autres droits sociaux et environnementaux.

En ce qui concerne la PAC, si nous reconnaissons l’importance de cette politique, nous savons également qu’elle engendre des effets pervers, comme en témoigne la situation française : les grandes exploitations sont favorisées, au détriment des petites et moyennes. Quant à l’agriculture des pays du tiers monde, elle est affectée par le maintien des aides à l’exportation.

L’actualité dramatique nous rappelle toutefois que l’alimentation reste un enjeu vital, un secteur que l’on ne peut abandonner aux lois du marché. Alors que le sommet mondial sur la sécurité alimentaire de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture s’est achevé le 5 juin dernier à Rome, aucun consensus n’a émergé à propos des mesures à prendre pour compenser l’effet de la flambée des prix du maïs, du riz et du blé, dont personne n’avait prévu la pénurie.

Ce fut, il est vrai, l’occasion de beaux discours. Les pays se sont entendus sur des promesses de dons pour plus de 6 milliards de dollars, mais n’ont pris aucune résolution sur le plan structurel. Rien n’a été décidé, monsieur le secrétaire d’État, car il n’y a aucune coordination à l’échelle mondiale. Seulement 4 % de l’aide publique mondiale et 1 % des prêts de la Banque mondiale sont affectés à la sécurité alimentaire !

Aussi sommes-nous favorables à la mise en place d’une organisation mondiale de l’agriculture. Il est, en effet, impérieux de répartir la production agricole et de lutter contre la pauvreté dans les pays en développement. Une organisation mondiale de l’agriculture pourrait réguler les prix agricoles, extrêmement volatils d’une année à l’autre, et éviter la spéculation qui affecte déjà les prix de l’énergie. L’agriculture doit réellement être gérée à l’échelon mondial. Les États doivent cesser de mener des politiques égoïstes dans ce domaine.

S’agissant de la défense européenne, à la veille de la présidence française de l’Union européenne, la réintégration annoncée de notre pays dans les structures de commandement militaire de l’OTAN laisse peu de crédibilité à l’idée d’une Europe de la défense réellement autonome.

Cela éclaire les positions que nous avions déjà défendues lors de la ratification du traité de Lisbonne, quand nous vous avions interpellés ici même, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, sur le risque de subordination de la politique européenne de défense à l’OTAN. Nous l’avions dit alors, pour définir une politique de sécurité et de défense commune digne de ce nom, il serait grand temps de lever toute ambiguïté concernant la position de l’Union européenne à l’égard de l’OTAN.

Or le traité de Lisbonne, comme les textes précédents, dit une chose et son contraire au travers de formules alambiquées, met en avant la défense européenne tout en proclamant une nécessaire compatibilité avec l’OTAN. On ne peut que déplorer le manque d’ambition de l’Europe en matière d’autonomie politique et craindre la perte de notre image d’indépendance dans le monde.

Ces orientations sont malheureusement confirmées par les conclusions du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale qui sont présentées aujourd’hui même par le Président de la République aux cadres militaires.

Il faudrait donc concevoir autrement la sécurité, en s’attaquant, par exemple, aux causes des tensions et des conflits.

Ainsi, le pillage des ressources naturelles, qui a pris une dimension systématique dans le cadre de la mondialisation, s’est fortement accéléré lors de cette dernière décennie. Les conflits pour leur appropriation s’exacerbent. Contrairement aux apparences, ils ne constituent pas des conflits locaux entre pays du Sud, mais sont souvent étroitement liés aux pays du Nord ou encore à des pays émergents, comme la Chine. L’Europe, directement concernée, se doit d’agir, monsieur le secrétaire d’État. Il y a urgence à mettre en place d’autres rapports avec les pays du Sud pour aller dans le sens d’un développement qui soit durable, renouvelable sur le plan écologique, générateur de progrès social et de développement humain.

En conclusion, le résultat du référendum irlandais atteste, une nouvelle fois, que lorsque les peuples en ont la possibilité, ils refusent l’actuelle construction européenne, celle que l’on veut leur imposer.

L’Europe, monsieur le secrétaire d’État, sera celle des peuples ou ne sera pas. Le message adressé par les Irlandais, après celui des Français et des Néerlandais en 2005, doit être pris en considération de manière urgente. C’est un appel pressant pour que l’Europe devienne enfin un espace de progrès social et de solidarité, un espace promoteur de paix et de sécurité.

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