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Affaires étrangères et défense

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la république de l’Inde pour le développement des utilisations pacifiques de l’énergie nucléaire

Par / 15 octobre 2009

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce texte tendant à autoriser la ratification d’un accord de coopération nucléaire civile signé entre la France et l’Inde le 30 septembre 2008 s’inscrit effectivement dans le cadre général de la politique extérieure française dans le domaine nucléaire civil.

Cependant, en permettant à l’Inde, pays non-signataire du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, de bénéficier de l’exportation de technologies en matière d’énergie nucléaire, cet accord déroge aux règles internationales dans ce domaine. En effet, les quarante-cinq pays du Groupe des fournisseurs nucléaires avaient adopté un mois auparavant, par consensus, une décision exemptant l’Inde de la clause « des garanties généralisées » édictée par l’Agence internationale de l’énergie atomique et interdisant l’exportation de ces technologies vers les États qui n’acceptent pas ses contrôles.

Cette décision a ainsi rendu possible la concrétisation d’accords avec trois grands pays : les États-Unis, la Russie et la France.

Il faut aussi noter que cet accord précise qu’il n’est pas envisagé pour l’instant de transférer des technologies liées à l’enrichissement ou au retraitement du combustible nucléaire.

Cette décision prend donc en compte la situation particulière de l’Inde, qui est une démocratie, mais aussi l’une des trois grandes puissances dites « émergentes » et le sixième consommateur mondial d’énergie, aux besoins énormes du fait d’une forte croissance économique et d’une croissance démographique exponentielle.

Mais elle a surtout pu être prise grâce à l’attitude très positive de l’Inde dans plusieurs domaines. Celle-ci a en effet accepté les contrôles de l’AIEA sur ses activités nucléaires civiles et pris plusieurs engagements concrets en matière de non-prolifération, notamment celui de contribuer à la conclusion d’un traité multilatéral d’interdiction de la production de matières fissiles pour les armes nucléaires. Cette attitude tranche, effectivement, avec celle de son voisin, le Pakistan.

Cependant, comment apprécier alors le lancement expérimental, très récent, de missiles de moyenne portée pouvant être équipés de têtes nucléaires ?

Comment apprécier la volonté réaffirmée des dirigeants indiens de se doter de missiles nucléaires pouvant frapper à 5 000 kilomètres de distance ?

L’Inde s’inscrit-elle alors dans le contexte de la récente assemblée générale de l’ONU, et tout particulièrement de la réunion exceptionnelle du Conseil de sécurité consacrée à la non-prolifération et présidée par le Président Obama ?

À l’unanimité de ses quinze membres, le Conseil a adopté une résolution appelant à l’instauration d’un monde dénucléarisé sous la houlette du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. Rédigé par les États-Unis, le texte enjoint aux 189 États signataires du TNP de respecter leurs obligations, et aux non-signataires, dont l’Inde et le Pakistan, de le rejoindre pour le rendre universel. Il me semble qu’il reste encore beaucoup à faire pour que ces deux pays – et je pourrais ajouter Israël – décident, dans leurs discours et dans leurs actes, d’aller en ce sens. C’est pourquoi la décision du Groupe des fournisseurs nucléaires qui a permis la signature de ces accords, tout particulièrement de celui qui nous occupe aujourd’hui, soulève un certain nombre de questions.

Je m’inquiète tout d’abord du risque de fragilisation du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. Il ne faudrait pas en effet que cette décision apparaisse comme une prime accordée aux pays non signataires, qui pourraient de la sorte bénéficier d’une coopération nucléaire civile bien qu’ils développent parallèlement un programme nucléaire militaire.

Je crains également que, si l’on n’y prenait garde, ce type d’accord de coopération nucléaire n’exacerbe les tensions et ne fragilise un peu plus encore la situation dans cette région du monde.

L’Inde apparaît en effet progressivement comme l’interlocuteur privilégié des grandes puissances, au détriment d’un Pakistan de plus en plus instable et inquiet de l’accroissement de l’influence de son voisin en Afghanistan. Le second attentat meurtrier contre l’ambassade indienne à Kaboul, jeudi dernier, en est une nouvelle illustration.

Comment, par ailleurs, justifier cet accord dérogatoire face à l’Iran, où le lien entre nucléaire civil et arme nucléaire est constamment posé ?

Ainsi, sur le fond, cet accord pose le problème de la difficulté à évaluer les risques du passage de certains pays du nucléaire civil au nucléaire militaire sans que la communauté internationale puisse intervenir efficacement.

Le développement du nucléaire civil doit donc s’accompagner d’un effort sans précédent pour que la communauté internationale renonce définitivement au développement de l’arme nucléaire en définissant un plan d’éradication totale de l’arsenal nucléaire existant.

Toutefois, nous pensons qu’il faut tenir compte favorablement des engagements pris par l’Inde en matière de contrôles, notamment par l’AIEA, et du fait que cet accord, bien encadré, ne concerne que le nucléaire civil.

Nous le pensons d’autant que cet accord, qui marque une nouvelle étape de notre partenariat stratégique avec ce pays, servira efficacement le développement de l’Inde et, espérons-le, le bien-être de ses populations.

Il est aussi un signe de reconnaissance de la qualité de notre technologie dans le domaine de l’énergie nucléaire, de la compétitivité de nos entreprises et du savoir-faire des salariés qui la mettent en œuvre. Il est donc également profitable à l’économie et aux emplois dans notre pays.

Pour cet ensemble de raisons, le groupe CRC-SPG votera en faveur du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de coopération nucléaire civile avec l’Inde. Mais vous avez compris, mes chers collègues, que ce n’est pas sans réticence : nous considérons que la sagesse devrait conduire à l’avenir le gouvernement français et le Groupe des fournisseurs nucléaires à ce que tout nouvel accord dans ce domaine avec l’Inde soit subordonné à sa signature du traité sur la non-prolifération.

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