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Affaires étrangères et défense

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Réforme du statut des militaires

Par / 1er février 2005

par Hélène Luc

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

A l’image de la société dans laquelle nous vivons, le visage de l’Armée française a subi des mutations profondes. La France et le monde des années 1972 ne sont plus, et de ce fait, l’actuel statut des militaires est devenu obsolète sur de nombreux points. Evolution des temps, évolution du cadre de vie, voilà autant d’aspects qui rendaient nécessaire une refonte de ce statut.

Il faut dire que l’armée a changé sur au moins trois plans dont le plus important est la professionnalisation et la suspension du service national.

Ces changements concernent, tout d’abord, la détermination de notre politique de défense avec la mise en œuvre d’une défense européenne et le recours aux OPEX généralement menées sous mandat international. Missionnaires de la paix au Kosovo ou en Afghanistan, les militaires ont parfois été obligés de se servir de leurs armes, ce qui souligne la complexité de leur mission.

Ensuite, dans la personnalité même des hommes et des femmes - de plus en plus présentes (18%), il faut le souligner - qui la composent aujourd’hui. Les mentalités changent, les militaires en plus de servir un pays n’en sont pas moins des êtres humains et tendent de plus en plus à affirmer cette dimension tout en gardant bien à l’esprit la spécificité de la mission qui leur incombe.

Enfin, c’est la structuration propre à l’Armée avec la professionnalisation et la suspension de la conscription qui pose les jalons d’une nouvelle approche des militaires avec des notions de recrutement et de fidélisation nouvelles.

A l’occasion des discussions sur la professionnalisation des Armées et la suspension du service militaire, le groupe communiste républicain et citoyen mettait en garde sur les conséquences de tels bouleversements qui privait la France de la participation des jeunes à sa défense. Bien sûr, il fallait transformer le service militaire. Bien sûr, il fallait le transformer en optant pour une durée plus courte. Bien sûr, il fallait former en plus grand nombre des spécialistes dans nos armées. Mais, il ne fallait pas suspendre la conscription.

De plus, avec la mise en œuvre effective de la LOLF en 2006, la nouvelle structure budgétaire se fera sur la base d’un calcul en termes de masse salariale globale et non plus, comme c’est le cas actuellement, en terme de postes budgétaires. Or, il est à craindre, à juste titre, de voir s’opérer une diminution d’emplois au sein des armées à masse salariale constante.

Pour autant, il est essentiel à mes yeux, et aux yeux de l’ensemble des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen d’opérer à la fois une amélioration des conditions du statut des militaires d’un côté, mais parallèlement de se prémunir de réductions drastiques des effectifs humains. Protéger les personnels doit s’entendre, en effet, par une protection de tous et de les conforter dans leur emploi.

Or, avec la volonté que vous affichez de recentrer l’armée sur son cœur de métier cela a - et aura - pour conséquence de confronter de plus en plus ce secteur à une logique managériale. C’est la raison pour laquelle nous avons pu voir en 2004 une intégration croissante du secteur privé - que nous désapprouvons - au sein de nos armées à divers niveaux.
Pour mémoire, à l’occasion de la discussion sur la professionnalisation des Armées et la suspension du service militaire, le groupe communiste républicain et citoyen mettait en garde sur leurs conséquences notamment en matière de réduction des effectifs. Je constate qu’aujourd’hui nous somme en plein cœur du sujet.

Pour ce qui concerne l’architecture globale de nos Armées, nous assistons désormais à une poussée du recours à des sous-traitances privées alors même que le renouvellement des fonctionnaires a été largement réduit. On a pu ainsi parler du non renouvellement d’un fonctionnaire sur deux !

Ainsi, Madame la Ministre, même si notre propos se concentre aujourd’hui essentiellement sur les militaires, il convient de ne pas oublier tous les emplois des armées comme il convient d’engager une véritable réflexion sur le statut des personnels civils pour que ces derniers ne soient pas lésés dans l’exercice de leur travail.

En la matière, ce sont les américains et les britanniques qui font figure d’exemple dans la gestion des armées professionnelles. J’ose espérer que notre pays ne suivra pas ces derniers sur le chemin de dérives gestionnaires excessives ! Nous savons tous combien le rôle des hommes est décisif même avec du matériel moderne.

Pour en revenir au présent projet de loi, je reconnais qu’il s’inscrit dans le sens d’une évolution positive de la perception des militaires et de leur place dans notre société. Ils se prononcent eux-mêmes pour une politique de défense en faveur du maintien de la paix et j’ai le sentiment que la politique française en Irak a bien été comprise. C’est pour ces raisons que nous nous prononçons dans le sens d’une refonte du statut depuis de nombreuses années.

Je rappellerai ainsi, qu’en 1996, lorsque nous débattions de la professionnalisation des Armées mon collègue Jean-Luc Bécart s’exprimait ici même et jugeait plus opportun d’en engager une réforme, je le cite : « pour la mettre à l’heure de cette fin de siècle et de l’évolution de notre société ».
Ainsi, je ne peux que regretter que l’élan réformateur du statut présenté ce jour ne soit pas davantage novateur et ambitieux comme le proposait la commission Denoix de Saint Marc sur de nombreux points. Je le regrette d’autant plus qu’elles avaient l’approbation de nombreux militaires.

En réformant un statut vieux de plus de 30 ans, nous avons vocation à inscrire un nouveau texte dans la durée. Or, je constate que certaines mesures restent empreintes de timidité. Il ne faut pas que la loi votée soit déjà dépassée.

C’est pourquoi, dans un objectif de durée et de mise en phase de l’armée avec ses hommes et ses femmes, nous proposerons un certain nombre d’amendements.

Bien évidemment, il faut le reconnaître des avancées existent et l’Assemblée Nationale a également permis d’intégrer certaines mesures positives. Ainsi, je ne peux qu’approuver le renforcement des garanties en matière de couverture juridique et sociale comme par exemple l’institution du principe d’imputabilité au service des accidents pendant toute la période des opérations, la prise en compte de l’environnement familial, la suppression de la demande d’autorisation préalable du Ministre pour les mariages avec des personnes de nationalité étrangères, l’inscription dans le statut des droits de la défense en matière disciplinaire ou encore du rapprochement des droits et protection des personnels sous contrat de ceux reconnus aux militaires de carrière.

Mais le texte contient encore trop d’imperfections sur un certains nombre de points et notamment en ce qui concerne l’expression citoyenne des militaires qu’il s’agisse d’une part de leur participation civile et politique et d’autre part de la modernisation des instances de concertation.

Bien entendu, j’ai pris acte de la suppression de l’autorisation préalable du Ministre pour s’exprimer sur sujets politiques ou des questions internationales. J’ai également pris acte de l’abrogation de l’interdiction de l’introduction de publications susceptibles de nuire au moral ou à la discipline dans les enceintes militaires. J’ai enfin pris acte de la suppression de l’obligation de déclaration avant l’adhésion et l’exercice de responsabilités des militaires au sein des associations non professionnelles tout comme la possibilité de leur démission forcée.

Il s’agit ici de mesures de bon sens notamment lorsqu’il est de notoriété publique que les militaires contournaient régulièrement ces restrictions.

Cependant, alors même qu’il est également de notoriété publique que des militaires militent au sein de formations politiques sous couvert de l’anonymat et de pseudonymes, je déplore que l’interdiction qui leur est faite d’adhérer à ces derniers reste en l’état. Ne pensez-vous pas, Madame la Ministre, qu’il aurait été préférable de les laisser agir en toute légalité et de leur faire confiance, à l’image de la confiance que nous portons aux Hauts fonctionnaires qui ont également une obligation de neutralité et un droit de réserve ?

Qui plus est, je constate l’existence d’un véritable paradoxe dans la possibilité qu’ils ont d’être candidats à une fonction élective et la possibilité qui leur est alors offerte d’adhérer à un parti politique pendant la durée de la campagne et la durée de l’exercice du mandat.

Que faut-il en déduire ? Les militaires seraient-ils des citoyens particuliers dont la conscience politique s’éveillerait un soir, avec l’envie de se porter candidat à une élection et donc d’adhérer à un parti et disparaîtrait un matin purement et simplement une fois la campagne électorale ou le mandat terminés ?

Je m’interroge également fortement sur l’opportunité de maintenir une incompatibilité entre l’exercice du mandat électoral, surtout municipal, et l’activité du militaire. Dans ces conditions, quelles alternatives s’offrent à ces derniers à l’issu de la campagne électorale et de leur mandat ?

Je m’inquiète des conditions de leur réintégration si ces derniers en exprimaient le souhait. S’ils veulent continuer à adhérer à un parti, il leur faudra inévitablement démissionner ou partir en retraite anticipée. De telles solutions seront douleureuses et soulèveront de véritables cas de conscience pour des hommes et des femmes engagées à la fois civiquement et militairement.

Lors de votre audition à la commission des affaires étrangères, de la Défense et des forces armées, vous nous avez indiqué, Madame la Ministre, que le droit d’adhérer à un parti politique ne correspondait pas à une attente forte au sein de la communauté militaire. Pourtant, je sais pour l’avoir entendu moi-même que cette attente correspond à un vœu d’un grand nombre d’entre eux.

Il est à mon sens primordial de laisser une liberté de choix aux militaires dans ce domaine. Or, c’est un choix imposé qui leur est fait. Il faut se rendre à l’évidence, la neutralité imposée à tout militaire n’est pas incompatible avec une adhésion à un parti politique, le loyalisme et la discipline non plus.

L’expression et la participation civique et politique en France est du ressort d’une longue histoire, d’avancées souvent décriées mais qu’aujourd’hui personne n’oserait remettre en cause. Nous avons l’opportunité de faire encore un pas en avant et nous vous proposerons des amendements dans ce sens, tout comme nous le ferons en ce qui concerne le droit de se syndiquer.

En matière syndicale, nous constatons que certains de nos pays voisins et alliés permettent à leurs militaires de se syndiquer. Pourtant l’ordre dans ces armées n’en est pas pour autant troublé. Ces observations sont d’autant plus nourries qu’elles se font au regard du dispositif de concertation tel qu’il est envisagé par le présent texte. Vous avez voulu, Madame la Ministre, y apporter quelques ajustements que nous approuvons mais ceux-ci restent encore bien trop timides et en deçà de la nécessité sur le terrain.

A ce jour, les critiques vis-à-vis des instances nationales se font au grand jour à tel point que la Commission chargée de la révision du statut a elle-même reconnu des dysfonctionnements dus essentiellement à la faiblesse de la représentativité de ces dernières. Cet état de fait, laisse dire à la commission, que les attentes des militaires sont dans ces conditions bien peu prises en compte. Le fort mécontentement qui s’est exprimé à l’occasion de la manifestation des pompiers départementaux auxquels se sont joints les gendarmes aurait dû servir d’exemple pour améliorer la situation.

Parce que les organismes de concertation sont censés constituer une contrepartie à l’absence de droit syndical et d’organisation collective, le fait de conserver le maintien du tirage au sort pour partie de leur composition ne garantie pas à mes yeux leur crédibilité. Leur représentation et leur autonomie ne sont pas réelles. Il faut que le processus soit totalement démocratique et dépende, de ce fait, du seul système électif.

D’autres points, motiveront également des amendements de mon groupe. Il s’agit notamment des restrictions relatives à la liberté de circulation et à la résidence des militaires, la reconversion du personnel navigant, ou encore les volontaires dans les DOM et les TOM…. En ce qui concerne la position « en retraite » parmi les positions statutaires du militaire, vous savez, Madame la Ministre, le mécontentement - pour ne pas dire l’indignation - soulevée par le retrait de cette dernière qui était partie intégrante du statut. J’aurais l’occasion de revenir sur tous ces points pendant la discussion des articles.

Un mot également sur la rémunération au mérite. L’Assemblée Nationale a supprimé cette possibilité et je regrette que notre commission ait décidé de déposer un amendement pour le réintégrer au projet de loi. Le groupe communiste républicain et citoyen ne peut s’associer à un tel retour en arrière. Nous nous sommes déjà opposé à cette idée pour la fonction publique, nous ne pouvons pas l’accepter pour les militaires.

Je regrette enfin, que le gouvernement n’ait pas suivi les recommandations du rapport Denoîx de Saint Marc en matière de congés d’éducation permettant d’aménager le temps d’activité des militaires et offrant les mêmes facilités d’organisation de la vie familiale qu’un travail à 80 %. Mais vous aurez la possibilité de combler ce vide en adoptant nos amendements. Pourtant, la féminisation des Armée pose ce problème avec acuité. J’ai discuté avec des femmes qui s’inquiètent de ne pas voir cette mesure dans le projet de loi. A mon sens, les dispositifs relevant actuellement de textes réglementaires sont insuffisants. Il fallait conforter de façon législative, les femmes - mais également les hommes - qui désirent prendre un tel congé à l’image de ce qui existe dans le civil. Si cette mesure n’est pas adoptée, des femmes pourraient décider de ne pas s’engager et d’autres pourraient penser à démissionner.

En définitive, être militaire au 21e siècle doit comporter des avancées en matière sociale, juridique, disciplinaires et civiques évidentes.

Mais surtout, Madame la Ministre, il est primordial de s’engager dans un rapprochement étroit des droits et acquis des militaires avec ceux de l’ensemble des personnels de la fonction publique. Eu égard à la spécificité même de la condition de militaires, qui par certains aspects reste dérogatoire aux droits de tout citoyen, nous estimons que ces dérogations doivent être réduites au maximum pour garantir le lien indéfectible entre la Nation et ses Armées. Cet alignement sur la fonction publique est une revendication majeure de nos militaires et constitue un préalable essentiel au devenir de notre Armée devenue professionnelle, le tout dans une pure logique d’équité. En matière de reconversion, par exemple, des passerelles existent mais les moyens concrets manquent pour concrétiser le passage dans la fonction publique.

C’est en ce sens que nous devons penser le présent projet de loi. Or, en l’état actuel du texte, Madame la Ministre, mes chers collègues, de nombreuses imperfections demeurent. Par conséquent, le groupe communiste républicain et citoyen conditionnera son vote à l’évolution que notre Haute Assemblée réservera au texte. En l’état actuel, nous nous abstiendrons.

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