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Affaires étrangères et défense

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Retour de la France au sein du commandement militaire de l’Otan

Par / 25 mars 2009

Monsieur le Président,
Monsieur le ministre,
Mes chers collègues,

Cette déclaration de politique étrangère qui ne leurre personne, car tout le monde a bien compris que le seul sujet en était la pleine réintégration de notre pays dans le commandement militaire de l’Otan, a le goût amer du réchauffé.

Nous participons donc aujourd’hui à une médiocre session de rattrapage qui est également révélatrice du mépris dans lequel le gouvernement tient le Sénat, l’opposition et quelques membres de sa majorité.

Nous assistons depuis quinze jours à la démonstration que la révision constitutionnelle de juillet dernier, indûment présentée par le Président de la République et son Premier ministre comme devant donner plus de pouvoirs au Parlement, n’était en fait qu’un faux-semblant qui masquait mal une pratique présidentielle omniprésente et omnipotente.
En effet, depuis plus d’un an Nicolas Sarkozy annonce urbi et orbi, de préférence à l’étranger, son intention, puis sa décision, de réintégrer pleinement notre pays dans le commandement militaire de l’Alliance atlantique.
D’abord devant le Congrès des Etats-Unis, puis en 2008 lors d’un sommet de l’Otan à Bucarest, ou encore lundi dernier en concluant un colloque à l’Ecole militaire, et enfin jeudi dans une notification officielle au secrétaire général de cette organisation.

Mais face aux interrogations, aux réticences et à l’opposition grandissante qu’a pu susciter cette décision, le Président et son gouvernement ont refusé un véritable débat et préféré la contrainte.

En choisissant mardi dernier à l’Assemblée nationale d’engager la responsabilité du gouvernement -au titre de l’article 49-1 de la Constitution- sur une déclaration de politique étrangère, le Premier ministre a ainsi privé la représentation nationale d’un vote sur le problème en discussion.

Ce procédé, comme le refus de faire voter aujourd’hui le Sénat suivant les nouvelles dispositions constitutionnelles, est déloyal. C’est l’aveu que vous redoutez les voix discordantes dans votre majorité en les obligeant à rentrer dans le rang.
Il démontre tout simplement votre crainte du débat démocratique sur une décision aussi importante, et aussi lourde de conséquences, puisqu’elle touche à l’un des fondements de notre politique étrangère et de défense.
Nous allons donc tranquillement débattre, sans enjeu et dans l’indifférence générale, d’une décision déjà prise par le Président de la République et sur laquelle nous n’auront a pas à nous prononcer puisque nous ne voterons pas.

Nous avons donc maintenant compris que si le Président de la République, et vous-même chers collègues de la majorité qui le soutenez parfois tant bien que mal, adoptez cette attitude craintive c’est bien parce que cette décision est difficile à justifier.

Cela pour deux raisons principales :
La première, bien que vous vous en défendiez, est qu’aux yeux de nos concitoyens le Président de la République s’en prend avant tout à l’un des symboles forts de l’indépendance nationale.
Le contexte a certes changé, mais les motivations de la décision du Général de Gaulle en 1966 restent d’actualité. Il estimait, à juste titre, que le commandement militaire intégré était trop soumis aux seuls intérêts stratégiques américains.

Est-ce tellement différent aujourd’hui ? Il serait naïf de croire que le nouveau concept stratégique de l’Alliance, actuellement en cours d’élaboration pour prendre en compte les nouveaux risques et les nouvelles menaces de notre époque, ne réponde pas aux visées des Etats-Unis. Le président Obama, tout sympathique qu’il soit, défend avant tout les intérêts de son pays.

L’objectif reste de transformer cette organisation en une « alliance globale » tous azimuts, élargissant progressivement son périmètre et sa zone d’intervention, se substituant à l’ONU lorsque celle-ci est défaillante.
Constituée autour d’un bloc occidental dans lequel les Etats-Unis conserveraient leur influence prépondérante, elle apparaîtra toujours aux yeux de nombreux pays et de nombreux peuples comme leur bras armé au service de leur interventionnisme hégémonique.

Le mode de décision n’ayant pas changé au sein de l’organisation, et le nouveau concept stratégique n’étant pas encore défini, la décision de réintégrer totalement le commandement militaire de l’Alliance ne peut donc trouver de justification.
Certes, depuis les années 1990 nous avons progressivement réintégré la quasi-totalité des comités militaires. Mais cela ne nous a pas donné pour autant une plus grande influence au sein de l’Alliance.

Ne prétendez donc pas que si nous obtenions le commandement de Norfolk chargé de l’évolution de la doctrine de l’Otan et le commandement opérationnel de Lisbonne chargé de la zone atlantique, de l’Afrique et de la Force de réaction rapide, nos généraux puissent faire autre chose que d’appliquer des concepts stratégiques toujours définis à Washington.

Ces exemples montrent que le problème n’est pas là où le Président de la République le place en tentant de rendre sa décision anodine pour mieux la faire apparaître comme l’aboutissement logique d’un processus.
Ainsi notre influence au sein de l’organisation ne sera pas plus grande, mais en revanche nous perdrons à coup sûr dans le monde notre position originale et singulière d’indépendance et d’autonomie de décision qui nous permet par exemple de contribuer à apaiser les tensions sur le continent africain ou dans l’Est européen, de garder le contact avec l’Iran ou de dialoguer avec toutes les parties en conflit au Proche Orient.

En s’attaquant à l’un des symboles de l’indépendance nationale, cette décision aura pour effet de banaliser la voix de la France dans le monde et de briser le consensus national qui existait depuis quarante ans sur l’autonomie de notre défense.

La seconde raison avancée par le Président de la République, qui est d’abandonner la spécificité de notre statut au sein de l’Otan pour faire progresser la défense européenne, ne se justifie pas plus.
Dans ce domaine, les six mois de présidence française n’ont pas tenu leurs promesses : aucune avancée décisive n’a eu lieu sur les questions fondamentales que sont la création d’un état-major permanent de planification des opérations, ou bien une Agence européenne d’armement dotée d’une réelle autorité.
Vouloir ainsi réintégrer toutes les structures militaires sans avoir obtenu grand-chose c’est torpiller gravement la possibilité de concrétiser à l’avenir l’Europe de la défense.
C’est aussi donner un signal négatif à ceux des pays européens qui se satisfont d’une défense à moindre coût sous le parapluie de l’Otan et qui ne veulent pas d’une politique autonome de sécurité en Europe.

Pour notre part, nous sommes favorable à une organisation européenne de sécurité collective émancipée de l’Otan, fondée tout à la fois sur la prévention des crises, la résolution multilatérale et politique des conflits, le respect du droit international et des résolutions de l’ONU : tout le contraire de la décision du Président de la République et de la construction européenne proposée par le traité de Lisbonne !

Nous aurions souhaité que notre pays prenne des initiatives fortes en faveur de la sécurité internationale pour éliminer les armes nucléaires et toutes les armes de destruction massive, qu’il respecte et fasse respecter le traité de non-prolifération, qu’il crée une dynamique de désarmement général, qu’il contribue à instaurer un contrôle public national et international sur le commerce des armes.

C’est ce débat que nous aurions voulu avoir, c’est sur ces questions qui traitent des intérêts fondamentaux de notre pays, de sa sécurité et de l’équilibre du monde que le Sénat aurait du se prononcer.

Monsieur le président,
Monsieur le ministre,
Chers collègues de la majorité,
Votre soumission au Président de la République vous a fait manquer cette occasion !

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