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Affaires étrangères et défense

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Un accord de libre-échange dont le moteur est la transformation d’une économie selon les critères de l’économie libérale

Accord d’association entre l’Union européenne et la Moldavie -

Par / 3 mars 2015

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le vice-président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, la ratification parlementaire de cet accord d’association entre l’Union européenne et la Moldavie s’inscrit dans une actualité et un contexte géopolitique tout à fait particuliers.

On ne peut en effet examiner cet accord sans avoir présent à l’esprit le long processus ayant abouti à la guerre qui se déroule actuellement en Ukraine.

Au mois de juin 2014, l’Union européenne avait prévu de signer avec trois des États du « Partenariat oriental » – l’Ukraine, la Géorgie et la Moldavie – des accords d’association dits « de nouvelle génération », qui comprenaient pour l’essentiel des dispositions de coopération politique et économique.

Le « Partenariat oriental » concerne six anciennes républiques soviétiques ; vous les avez énumérées, monsieur le secrétaire d’État. Or, pour certains États membres de l’Union européenne, cette politique de « voisinage » a ouvertement comme objectif de soustraire ces pays à la zone d’influence russe.

Pour s’en défendre, mais après avoir longtemps essayé de se rapprocher de l’Union européenne, le gouvernement russe tente de mettre sur pied une union économique eurasienne, qui a du mal à séduire les anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale, aujourd’hui indépendantes.

Il faut se souvenir que c’est le revirement du président ukrainien Viktor Ianoukovitch, lequel, une semaine avant le sommet de Vilnius, à la fin de novembre 2013, avait renoncé à signer un accord du même type, qui avait ouvert une longue période de troubles politiques débouchant sur la guerre civile et la crise internationale que l’on connaît aujourd’hui.

C’est sur fond de cette crise ukrainienne que l’Union européenne a souhaité accélérer l’an dernier le processus des accords avec la Géorgie, l’Ukraine et la Moldavie : ils ont été signés le 27 juin 2014 à Bruxelles.

Ce détour historico-stratégique était nécessaire pour comprendre toutes les implications de cet accord d’association avec la Moldavie.

C’est dans ce cadre complexe que nous sommes appelés à autoriser sa ratification en procédure normale et – fait assez rare – huit mois à peine après sa signature.

Cet accord soulève de grandes questions qui touchent aux modalités de la politique d’élargissement à long terme de l’Union européenne, aux rancœurs vis-à-vis des Russes qui animent certains nouveaux États membres, ou bien encore au statut des importantes minorités russes et russophones dans ces pays.

Pour ce qui est de son contenu, il s’agit d’abord d’un accord de coopération dans les domaines politique, économique et sectoriel.

Comme pour tous les autres pays avec lesquels l’Union européenne a signé ce type d’accord, il est prévu un programme complet de rapprochement progressif de la législation moldave et des acquis de l’Union.

Il s’agit essentiellement d’un accord de libre-échange, dit « approfondi et complet ». Contrairement à un accord de libre-échange classique, cela signifie qu’il prévoit non seulement une libéralisation commerciale quasi totale, mais aussi une harmonisation réglementaire par alignement sur les normes de l’Union.

Cet accord d’association étant avant tout un accord de libre-échange tel que le conçoivent les dirigeants européens, son principal moteur est la transformation d’une économie selon les critères de l’économie libérale.

Or, pour prendre des exemples récents et géographiquement proches, nous considérons que le prix économique et social à payer par les Roumains et, plus récemment, par les Croates pour rejoindre l’Union européenne a été très lourd.

Cela étant, il faut aussi noter que les Moldaves commencent à prendre un certain nombre de mesures importantes sur la voie d’un État de droit, avec en particulier une réforme du système judiciaire et la mise en place de dispositions de lutte contre la corruption et la criminalité.

Ces réformes méritent d’être poursuivies et rendues effectives.

Cependant, une vision optimiste et un peu naïve des choses pourrait laisser croire qu’une mise en œuvre rapide de l’accord d’association serait bénéfique et que le dialogue politique prévu avec l’Union européenne dans le cadre de l’accord serait efficace.

Malheureusement, un certain nombre d’éléments n’en facilitent pas l’application.

Ainsi en va-t-il de l’histoire, de la culture, de la situation politique actuelle de ce petit pays enclavé entre la Roumanie et l’Ukraine, dont les quatre millions d’habitants hésitent entre ce qu’ils espèrent des bienfaits démocratiques et économiques de l’Union européenne et le maintien dans la sphère d’influence russe.

Sa population est majoritairement d’origine roumaine, mais elle comprend aussi de très fortes minorités russes et ukrainiennes en Transnistrie.

Rappelons que cette région industrielle, qui a fait sécession voilà maintenant vingt-trois ans, compte une centrale hydroélectrique représentant à elle seule 40 % du PNB de la Moldavie. La Transnistrie fait aussi partie de ce que l’on appelle « les conflits gelés » et la XIVe armée russe stationne sur son territoire.

Pour couronner le tout, la situation politique récente n’est pas moins compliquée.

Ce pays, qui est certainement le plus avancé sur la voie des réformes du Partenariat oriental, vient récemment de connaître un coup d’arrêt dans son mouvement vers l’Union européenne et est en passe de revenir dans le giron de la Russie.

En effet, malgré des élections qui, en novembre 2014, avaient donné une majorité à trois partis pro-européens, ceux-ci ont tout d’abord été incapables de s’entendre pour former un gouvernement.

Leur désaccord portait précisément sur la réforme de la justice exigée de façon insistante par la Commission européenne afin d’éradiquer la corruption qui gangrène ce pays.

En définitive, c’est un gouvernement minoritaire constitué de partis libéraux pro-européens qui a été formé le 18 février, avec le soutien du parti communiste pro-russe.

En contrepartie de ce soutien, les pro-russes demandent de ralentir les réformes convenues avec l’Union européenne et ainsi de freiner l’avancée de la Moldavie vers l’Union.

On le voit, la situation est complexe et il n’est pas inutile de connaître ces éléments pour apprécier correctement les effets de cette ratification.

Cette ratification aidera-t-elle le peuple moldave ? N’y a-t-il pas, en perspective, un nouveau foyer de déstabilisation aux marches de l’Union européenne ?

Les initiatives pressantes – et souvent maladroites – de la Commission européenne ces derniers temps sont à l’évidence souvent mal perçues par une large partie de la population et des forces politiques en Moldavie.

Les principaux ingrédients d’une nouvelle crise géopolitique dans cette région se retrouvent, avec le risque de nouvelles tensions et d’un nouveau conflit avec la Russie.

Les événements récents nous ont montré que, dans cette région, un rapprochement avec l’Europe proposé avec une certaine insistance n’était pas toujours le meilleur moyen de stabiliser un pays.

Dans ces conditions, et face à de telles incertitudes, le groupe communiste, républicain et citoyen s’abstiendra sur ce projet de loi autorisant la ratification de l’accord d’association avec la Moldavie.

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