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Affaires étrangères et défense

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Ces opérations militaires n’ont de sens que si elles sont au service d’objectifs et de solutions politiques

Prolongation de l’engagement des forces aériennes au-dessus du territoire syrien -

Par / 25 novembre 2015
Ces opérations militaires n’ont de sens que si elles sont au service d’objectifs et de solutions politiques
Ces opérations militaires n’ont de sens que si elles sont au service d’objectifs et de solutions politiques

Madame la présidente, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, alors que notre pays est encore sous le choc des attentats du 13 novembre dernier, notre débat de ce jour a pour objet de permettre au Parlement d’autoriser le Gouvernement à prolonger de quelques mois l’engagement de nos forces aériennes au-dessus du territoire syrien.

Malgré les apparences, puisque la décision d’intensifier ces opérations a été prise depuis quelque temps et que les interventions ont commencé depuis quelques jours, ce débat n’est pas une formalité juridique.

La principale raison invoquée par le Gouvernement pour légitimer ces opérations militaires menées à l’étranger, c’est qu’il convient de répondre à des menaces directes exercées contre notre pays et sa population. Bien sûr, en prenant la parole, nous avons sur le cœur un poids, celui des cent trente victimes et des blessés, à qui nous pensons très fort en cet instant.

La situation est grave. Elle est complexe, comme le sont les analyses et les solutions à mettre en œuvre pour travailler à la construction d’une paix durable.

C’est la raison pour laquelle mon groupe se félicite tout d’abord, que, conformément à nos institutions, ce débat démocratique au sein des assemblées parlementaires puisse avoir lieu, pour que nous puissions examiner en toute connaissance de cause une décision impliquant aussi lourdement notre pays.

Le 15 septembre dernier, nous avions eu un premier débat sur cette problématique, à la suite de l’annonce par le Président de la République, lors de sa conférence de presse biannuelle, de procéder à des vols de reconnaissance au-dessus du territoire syrien en vue de bombardements. Nous avions alors fait part d’un certain nombre de réserves sur l’efficacité même de ces bombardements et sur la stratégie mise en œuvre pour aboutir à une solution politique de ce conflit régional.

À nos yeux, ces questions se posent toujours
– et il est légitime de les poser –, mais, selon nous, dans un contexte profondément bouleversé.

Ainsi, les attentats meurtriers à Paris du 13 novembre donnent une dimension totalement nouvelle, dramatique, aux menaces contre notre pays et sa population.

Les opérations aériennes de la Russie en Syrie, les initiatives diplomatiques en faveur de la formation d’une coalition unique pour lutter contre Daech, les propositions de solutions politiques pour une transition qui ont permis la reprise des négociations à Vienne sur l’avenir de la Syrie, ainsi que le changement d’attitude des Américains par rapport à l’Iran sont autant d’éléments qui ont contribué à modifier les données de la situation.

Les objectifs de nos frappes aériennes se sont diversifiés. Au début du mois, celles-ci visaient des camps d’entraînement abritant des ressortissants français et des centres de commandement. Elles s’étendent maintenant aux forces de Daech et à ses infrastructures pétrolières.

Nous avons, également, engagé un appui aérien aux forces kurdes, qui le réclamaient avec force.

Je constate ainsi qu’une analyse lucide et pragmatique, dont je me félicite, a conduit le Président de la République à procéder à des changements significatifs dans la posture stratégique et diplomatique de notre pays. Dans le cadre de notre responsabilité, nous y sommes très attentifs.

Je relève l’affirmation plus nette que cette guerre contre Daech ne peut, à court terme, être gagnée militairement et que les possibilités de règlements des conflits dans la région ne peuvent être, in fine, que globales, diplomatiques et politiques. Ce n’est que dans ce cadre que la force militaire doit être utilisée.

Nous apprécions une telle feuille de route et soutiendrons les initiatives qui contribueront à apporter des solutions durables au conflit syrien.

C’est sans doute en fonction de ce nouveau contexte que la France a finalement considéré que l’élimination de Daech était la priorité, sans évacuer pour l’avenir l’objectif d’une transition politique et diplomatique.

Ce changement de stratégie a trouvé une traduction positive dans la résolution que notre pays a fait adopter à l’unanimité du Conseil de sécurité le vendredi 20 novembre dernier.

Notre groupe reconnaît toute la portée de cette initiative. Il apprécie à sa juste mesure cette résolution 2249 qui replace, comme nous le demandions depuis le début de ce conflit, l’ONU au centre du dispositif international.

Certes, au regard du droit international, cette résolution ne donne pas formellement l’autorisation d’agir militairement, puisqu’elle n’est pas placée sous le titre VII de la Charte des Nations unies, qui prévoit l’usage de la force. Elle a toutefois le grand mérite d’exister et de conférer une légitimité internationale à la mise sur pied d’une large coalition.

C’est par rapport à ces évolutions globales que nous nous situons pour apprécier la nécessité de poursuivre le volet militaire de la lutte contre Daech que constituent les frappes aériennes.

Nous considérons que ces opérations sont nécessaires et qu’elles peuvent être efficaces. Cela étant dit, elles n’ont de sens, et vous le savez, mes chers collègues, que si elles s’inscrivent clairement au service d’objectifs et de solutions politiques que devra définir la nouvelle coalition. En effet, pour neutraliser efficacement et durablement Daech et les organisations terroristes, l’action militaire doit être articulée à des objectifs politiques.

Désormais, le centre de gravité des problèmes à résoudre se déplace au niveau diplomatique, pour mettre sur pied cette grande coalition, mais surtout en définir les objectifs et les contours.

Dans ce cadre multilatéral, l’urgence est maintenant de parvenir impérativement à un accord sur les objectifs politiques et les moyens à mettre en œuvre, afin d’appuyer les forces régionales unies dans l’objectif commun de vaincre Daech.

C’est la raison pour laquelle nous soutenons les efforts et les initiatives que prend le chef de l’État, qui rencontre cette semaine les dirigeants britannique, américain, russe et allemand pour élargir la nouvelle coalition.

Les questions sensibles ne manquent pas, qu’il s’agisse du calendrier et des modalités de la transition en Syrie, ou encore des positions ambiguës de l’Arabie saoudite, du Qatar ou de la Turquie vis-à-vis de l’actuelle coalition.

Le dernier épisode de tension grave entre la Turquie et la Russie, et qui pourrait être de nature à troubler la mise sur pied de la coalition, nous montre combien est difficile et fragile le processus d’entente diplomatique et politique qu’il faut mettre en œuvre.

Malgré toutes ces difficultés, nous restons convaincus de l’impérieuse nécessité de ce processus. Il peut et doit aboutir, à condition que les objectifs à atteindre soient définis sans ambiguïté.

Il s’agit d’être efficace contre Daech. Il faut assécher ses sources de financement qui lui permettent d’acheter des armes et de payer ses combattants. Il faut s’attaquer à ses circuits financiers et à ses trafics, notamment celui du pétrole qui lui rapporte des sommes astronomiques.

Il faut également soutenir et fournir un appui aux forces syriennes et irakiennes démocratiques, parmi lesquelles les Kurdes, qui combattent sur le terrain.

La résistance de terrain à l’État islamique doit donc être pleinement soutenue. Dans ce cadre, la France doit peser de tout son poids contre la répression turque envers les Kurdes, qui se battent pour leur liberté et notre liberté. Laisser les Kurdes se faire assassiner, c’est perdre la bataille contre Daech !

La France doit répondre favorablement aux demandes des Kurdes syriens luttant contre Daech, en matière de livraisons d’armes, de médicaments, de soins aux blessés, et exiger de la Turquie la levée du blocus qui sépare le Kurdistan syrien du Kurdistan irakien.

C’est pourquoi l’engagement de toute la communauté internationale doit aussi s’appuyer sur les forces régionales, qui sont en mesure d’œuvrer à des solutions politiques viables et à la reconstruction des États détruits.

Dans ce contexte nouveau, nous devons mettre fin à ce conflit régional, qui tourne au chaos. Notre pays devrait maintenant jouer un rôle plus actif dans les discussions en cours à Vienne, pour faire des propositions concrètes sur la nécessaire reconstruction des États de la région lorsque celle-ci sera stabilisée.

Enfin, si l’urgence appelle des réponses immédiates, on ne pourra s’exonérer d’une analyse des responsabilités historiques des puissances occidentales, notamment des conséquences désastreuses des interventions militaires dans la région, tout particulièrement celle des États-Unis en Irak en 2003. C’est une condition essentielle pour ne pas commettre les mêmes erreurs et mettre en place une stratégie véritablement efficace.

Messieurs les secrétaires d’État, après la déclaration liminaire du Gouvernement nous exposant les raisons justifiant le prolongement de l’engagement de nos frappes aériennes en Syrie, mon groupe veut porter avec responsabilité le message suivant : l’usage de la force militaire ne peut se faire qu’en dernier recours. Il est soumis aux règles de la légalité internationale, et toujours au service d’une solution politique, avec pour objectif l’établissement d’une paix durable, pour toute la région.

Dire cela, ce n’est pas faire preuve d’angélisme. C’est tirer les leçons de l’expérience, être fidèle à nos valeurs et répondre efficacement à l’exigence de sécurité de nos concitoyens.

Dans ces circonstances, le groupe communiste, républicain et citoyen s’abstiendra.

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