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Affaires étrangères et défense

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Daesh est né du chaos provoqué par l’intervention anglo-américaine en Irak

Prolongation de l’intervention des forces armées en Irak -

Par / 13 janvier 2015

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les secrétaires d’État, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mes chers collègues, l’effroyable attentat commis mercredi dernier contre le journal Charlie Hebdo, suivi de l’assassinat de la policière municipale, et le massacre commis dans une épicerie juive vendredi donnent une dimension toute particulière à notre débat de cet après-midi.

Les dix-sept morts de ce carnage – journalistes, policiers, citoyens – ont été les cibles choisies d’individus fanatisés qui combattent les principes démocratiques et les valeurs républicaines fondements de notre société. Comme cela a été proclamé dès mercredi après-midi par les plus hautes autorités de l’État, par les présidents des assemblées parlementaires et par l’ensemble des forces politiques, comme cela a été réaffirmé dimanche par l’exceptionnelle manifestation citoyenne et internationale, l’heure est, dans la clarté, au rassemblement et à l’unité de la Nation pour défendre ses valeurs et ses principes.

Car nos valeurs et nos principes sont menacés, en particulier la liberté sous toutes ses formes, mais aussi l’égalité et la fraternité. La décision que nous devons prendre ce soir a donc un rapport direct avec les drames des 7, 8 et 9 janvier.

Il est légitime, dans une démocratie comme la nôtre, qu’il puisse éventuellement y avoir des divergences d’appréciation sur l’opportunité ou sur la forme de telle ou telle intervention militaire dans un pays étranger. La démocratie, ce n’est pas le consensus mou, c’est la confrontation des idées, le débat permanent !

La question qui nous est posée est donc de savoir s’il est nécessaire de prolonger notre participation à des opérations aériennes en Irak.

Le bilan macabre des victimes irakiennes pour l’année 2014 vient d’être publié. Les violences en Irak ont coûté la vie à plus de 15 000 personnes en 2014 – l’année la plus sanglante depuis 2007 –, soit deux fois plus qu’en 2013. Le bilan est encore plus lourd en Syrie, où la guerre civile, d’abord autonome, se trouve désormais imbriquée dans la situation irakienne. Avec plus de 76 000 morts, la guerre civile a connu en 2014 son année la plus meurtrière.

Derrière ces chiffres, il y a des drames humains, des vies brisées, une société meurtrie, un État défaillant et un peuple fragmenté par les luttes intercommunautaires et interconfessionnelles.

Il faut réfléchir au sens et à l’efficacité de l’intervention militaire de la France, conduite sous l’égide des États-Unis.

D’un côté, l’avancée de l’État islamique en Irak a été freinée par les frappes aériennes de la coalition, par l’action des forces kurdes et irakiennes, elles-mêmes soutenues par la coalition, et par des milices chiites et les pasdarans iraniens. De l’autre côté, la coalition démontre son impuissance sur le front diplomatique.

L’action militaire n’a pas permis d’éliminer les capacités offensives de l’État islamique. Cette nébuleuse terroriste reconstitue régulièrement ses troupes et voit sans cesse grossir ses rangs. Depuis des décennies, nous assistons à ce sinistre scénario de l’intervention occidentale sous égide américaine, qui suscite toujours plus de vocations djihadistes. Il faut sortir de cet engrenage mortifère !

Face à ces forces fanatiques, le silence et l’inaction ne peuvent être de mise, et tel n’est pas notre propos. Notre conviction est la suivante : toute opération de contre-offensive qui permettrait à l’Irak de retrouver son intégrité territoriale revient aux forces de résistances, nationales et locales.

Or l’armée irakienne ne semble toujours pas prête à lancer une telle contre-offensive générale. Alors que l’État islamique a conquis environ 30 % du territoire, les Américains n’ont pas d’alliés au sol, leurs raids aériens limités n’ont pas fait reculer l’État islamique, sauf à Kobané, à la frontière turque, défendue par les Kurdes syriens et irakiens.

Comment ne pas ouvrir ici, après certains de mes collègues, une parenthèse sur le rôle ambigu de la Turquie au sein de la coalition ? Son attitude vis-à-vis des Kurdes de la ville syrienne de Kobané est inacceptable ! Le gouvernement turc a trop longtemps fermé sa frontière aux réfugiés, aux combattants kurdes, ainsi qu’à l’aide humanitaire. Dans le même temps, il a laissé passer des djihadistes et leur a apporté un soutien logistique parce qu’ils combattent Bachar al-Assad. Cette attitude est incompréhensible vis-à-vis des Kurdes syriens, qui sont nos alliés contre l’État islamique !

Savez-vous que les autorités turques vont rechercher jusque sur leur lit d’hôpital les combattants blessés kurdes, syriens et turcs, pour les mettre en garde à vue au nom de la lutte contre le PKK ? C’est incompréhensible, et nous ne pouvons pas l’accepter !

Face aux avancées des forces fanatiques et à leur folie meurtrière, il est de notre responsabilité de répondre à l’appel à l’aide du peuple irakien. Toutefois, en tant que démocrates, il est aussi de notre responsabilité de réaffirmer nos principes face à la décision de l’exécutif d’engager la France sous un commandement américain et sous la tutelle de l’OTAN.

La France doit retrouver une voix indépendante, comme ce fut le cas durant des décennies, notamment en 2003.

Cette question du leadership américain, lequel privilégie ses intérêts liés aux pétromonarchies, se pose avec une acuité d’autant plus particulière en Irak que la coalition est menée par le pays à l’origine du chaos irakien. Car – faut-il le rappeler ? – Daech n’est pas un phénomène spontané.

Sa genèse se situe dans la situation de chaos provoquée par l’intervention militaire américaine de 2003, consécutive à l’intervention internationale, d’ores et déjà contestable, de 1991. Une décennie s’est écoulée depuis l’opération « Liberté pour l’Irak ».

Ainsi les États-Unis, à la tête de la coalition internationale contre Daech, sont-ils les principaux responsables de la montée en puissance de cette organisation.

Le peuple irakien, et plus largement les peuples de cette région du monde, n’ont pas cessé de payer le prix de cette folle idée de refaçonner le Proche-Orient en imposant le modèle démocratique occidental par la force et la violence. Cette expédition, comme celle d’hier, nourrit le fantasme du « choc des civilisations » lancé par Georges Bush et aujourd’hui toujours en vogue, y compris en France.

Il faut sortir de cette spirale infernale de la « guerre contre le terrorisme » qui, finalement, n’a fait qu’alimenter le terrorisme au fil des années.

L’occupation américaine a tout simplement démantelé l’État irakien en privilégiant notamment les chiites. La division de facto de l’Irak en entités ethniques ou confessionnelles ne date évidemment pas de l’avancée de Daech.

Cette guerre, justifiée par la « guerre globale contre le terrorisme », a finalement fait naître un nouveau foyer du terrorisme international dont se réclament les assassins qui ont sévi sur notre territoire.

Pour remédier à cette situation, et pour aider efficacement et durablement le peuple irakien, une seule voie existe, telle est notre conviction : la résolution du conflit sera politique ou ne sera pas !

On assiste aujourd’hui à une énième intervention, à de nouveaux bombardements, succédant à des opérations militaires qui n’ont fait qu’empirer la situation dans la région. Cette intervention suscite la mobilisation, marginale mais inquiétante, d’une certaine jeunesse, au sein même des pays occidentaux, et multiplie les foyers de tensions dans le monde.

Nous considérons encore et toujours que la réponse au défi lancé par Daech est d’abord politique, avant d’être militaire.

La communauté internationale doit, pour élaborer cette réponse, exiger une stratégie globale de la part de tous ses membres et des pays de la région, notamment ceux du Golfe et la Turquie, pour priver Daech de ses moyens militaires et financiers. Très concrètement, il convient de lutter contre le trafic de pétrole, d’armes et d’argent qui l’alimente.

La vente de pétrole par Daech lui rapporte pas moins de 2 millions de dollars par jour, sans compter le milliard de dollars de subventions annuelles versé par des milliardaires du Golfe : autant d’argent qui permet à cette organisation de se fournir en armes les plus sophistiquées, d’entretenir et de former des terroristes à travers le monde.

Il faut, enfin, sortir de l’ambiguïté vis-à-vis de l’Arabie saoudite, du Qatar et des Émirats. Il faut sortir du chantage mené par ces énormes puissances financières qui monnaient le silence sur leur relation coupable avec l’islamisme radical par l’injection massive de pétrodollars dans nos économies.

Notre diplomatie doit rompre avec la tolérance actuelle à l’égard de ces régimes autocratiques dictatoriaux qui ignorent les droits de l’homme et placent la femme en état de soumission permanente. Ces pays jouent un rôle important dans la montée de l’islam fondamentaliste et intolérant. Il faut enfin le dénoncer.

Plus généralement, monsieur le ministre, madame, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, les drames vécus par notre pays ces derniers jours, le choc qui a frappé notre peuple, doivent, de l’avis de tous, susciter des réponses novatrices importantes et particulièrement urgentes.

C’est vrai dans le domaine de la politique étrangère. Je le disais, il faut sortir des ambiguïtés et des hypocrisies, et retrouver la voie de la recherche du développement et de la paix. Il faut redonner sa puissance à l’ONU et renoncer à cette funeste idée du « choc des civilisations ».

Il faut mener la guerre à l’ignorance, à l’obscurantisme et au fanatisme avec les meilleures armes, les seules armes, que sont le développement, l’éducation, la culture et la négociation.

Le message de notre groupe n’est pas celui du laxisme, il est celui de la raison.

La paix est un immense chantier et notre pays, la France, doit mettre toute son énergie, comme elle a su le faire au cours de son histoire, au service de ce grand dessein.

Les sénatrices et sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen considèrent que la voie de l’intervention militaire sous tutelle américaine est sans issue. Ils s’abstiendront donc sur l’idée de sa continuation.

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