Affaires étrangères et défense
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
Guerre au Yemen : le pari de la force démocratique
PPR visant à condamner les actions des rebelles houthis en mer Rouge -
Par Fabien Gay / 14 novembre 2024Le 8 octobre 2023, au lendemain des attaques terroristes du Hamas contre l’état Israélien, que nous condamnons fermement, Washington a déployé en Méditerranée orientale un groupe aéronavale visant à dissuader l’Iran de toute intervention directe.
Les attaques de piraterie des Houthis contre les navires commerciaux en mer rouge ont commencé le même jour, ciblant particulièrement les navires israéliens.
Les Etats-Unis ont alors pris l’initiative de créer une coalition internationale afin de bombarder, sans mandat, les positions Houthis et protéger les navires commerciaux passant par la mer Rouge.
L’Union européenne lancera une opération similaire, sous mandat onusien, à l’exception près que cette intervention n’aura pas vocation à bombarder le Yémen.
Après environ 190 attaques depuis fin 2023, les Houthis restent aujourd’hui en capacité de lancer de nouveaux assauts.
Nous aurions pu, fort de l’apprentissage de la sale guerre menée par l’Arabie Saoudite qui, armée par la France en violation totale
des traités d’exportation d’armement, s’est cassée les dents depuis une décennie contre les rebelles houthis, prévoir sans grande difficulté l’échec d’une approche militaire au Yémen.
Nous avons une première réserve : d’une main, ce texte invite notre pays à contribuer à la désescalade, mais de l’autre, il encourage une approche belliciste via le soutien à une coalition militaire vouée à l’échec, qui déstabilisera encore davantage la zone.
Nous plaidons plutôt pour faire parler la force de la diplomatie et nous pensons au trop grand nombre de victimes qu’a engendré cette sale guerre au Yémen.
Comme les auteurs de cette résolution, nous savons que cette mer voit transiter 12% du trafic mondial dont 75% des exportations européennes.
Cela allonge le temps d’acheminement de nos containers de quelques jours et rogne les marges de nos grands industriels européens. C’est vrai et c’est une question.
Comme les auteurs de cette résolution, nous partageons que chaque conflit armé est un désastre d’abord humain, mais aussi écologique. Les armes tuent directement, mais aussi indirectement en empoisonnant pour des dizaines, voire des centaines d’année, l’environnement.
Par exemple, la sale guerre que mène Poutine en Ukraine a déjà fait plus de 300.000 morts des deux côtés, mais a aussi rayé de la carte plus de 100.000 mètres carrés de forêt ravagés par des incendie, et enfouis dans les sols des milliers de mines remplies de métaux lourds qui contamineront, pour des décennies, les nappes phréatiques.
Mais nous avons un grave désaccord sur cette résolution.
Elle fait totalement l’impasse sur la question qui déstabilise actuellement la région et perturbe grandement cette route commerciale.
Les crimes de guerre et le risque plausible de génocide commis en ce moment même à Gaza par Netanyahou et son gouvernement d’extrême droite.
C’est un véritable massacre, des dizaines de milliers de morts, de blessés, de destructions totales de tout bâtiments…dans un territoire qui vit déjà un triple blocus depuis 20 ans, contraire au droit international.
Si nous souhaitons, comme vous, que la paix triomphe au Yémen, et partout dans le monde, nous la voulons aussi pour la Palestine, et qu’enfin s’y applique le droit international, ce qui passe également par l’arrêt de la colonisation.
Et nous ne sommes pas naïfs de l’utilisation par le régime théocratique iranien du soutien à des groupes terroristes partout dans la région.
Seule une solution politique permettra de faire reculer la logique de la force, de restaurer la confiance entre Etats et marginaliser les groupes paramilitaires qui gangrènent la région.
Là aussi la France doit œuvrer à faire entendre sa voix, pour un cessez le feu immédiat, l’ouverture d’un couloir humanitaire, la libération des otages et des prisonniers politiques palestiniens et le respect du droit international en reconnaissant enfin l’état de Palestine.
Nous pensons donc que cette résolution rate sa cible.
On ne peut s’émouvoir qu’une route commerciale soit perturbée en lien avec les tensions dans la zone, sans vouloir régler l’ensemble des problématiques qui déchirent cette région.
Nous nous abstiendrons donc sur cette résolution.