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Affaires étrangères et défense

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Les garanties obtenues sont insuffisantes

Accord France–États-Unis relatif à la lutte contre la criminalité grave et le terrorisme -

Par / 4 juin 2015

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’accord entre la France et les États-Unis que nous sommes amenés à ratifier ce matin, est essentiellement consacré au sujet sensible et délicat de la coopération judiciaire en matière de lutte contre le terrorisme, mais aussi contre la criminalité grave.

Comme l’a rappelé Mme la rapporteur, la coopération en matière d’entraide pénale entre nos deux pays est ancienne, puisqu’elle date de la fin des années quatre-vingt-dix.

Par la suite, en 2008, nous avons été sollicités par les États-Unis pour négocier un accord de coopération policière sur l’échange de données génétiques et d’empreintes digitales, afin de lutter contre la criminalité organisée.

Les finalités de cet échange d’informations ont d’ailleurs été rapidement étendues à la lutte contre le terrorisme, ce qui est tout à fait compréhensible, au vu de l’évolution inquiétante de ce phénomène à travers le monde.

Le texte soumis à ratification aujourd’hui seulement a été finalement signé, après de longues négociations, en mai 2012. Il prévoit une coopération judiciaire pénale reposant essentiellement sur l’accès automatisé d’un pays aux bases de données d’empreintes génétiques et dactyloscopiques de l’autre.

En France, les fichiers automatisés susceptibles d’être consultés à la demande des États-Unis sont le fichier national automatisé des empreintes génétiques pour les profils ADN, le FNAEG, et le fichier automatisé des empreintes digitales, le FAED.

Il faut relever qu’il est prévu de rendre possible cet accès réciproque automatisé aux fichiers avant même que nos législations aient été harmonisées. L’accord tient ainsi compte de l’organisation fédérale des États-Unis, chaque État possédant son propre fichier automatisé d’empreintes génétiques sans qu’un fichier fédéral existe encore.

En nous présentant cet accord, le Gouvernement a insisté sur le fait que la longueur des négociations s’expliquait par les exigences dont nous avions fait preuve en matière de garantie des droits fondamentaux et des libertés individuelles.

Cet argument me laisse perplexe, étant entendu, par exemple, que le gardien du respect de la vie privée en matière de fichiers, la CNIL, n’a pas été associée au travail d’élaboration de l’accord.

De la même façon je suis sceptique au sujet du mécanisme de contrôle par une autorité indépendante, dans la mesure où il n’existe pas, aux États-Unis, d’autorité administrative dans ce domaine.

Enfin, d’autres éléments m’incitent également à la prudence à l’égard de cet accord. C’est le cas, par exemple, de cette remarque de Mme la rapporteur insistant sur « la nécessité d’un travail scrupuleux de vérification de l’application de cet accord par chacune des parties ».

Au-delà de la formulation, sans doute valable pour tous les types d’accords, cette phrase me semble bien exprimer le sentiment que certaines questions restent en suspens et n’ont pas été véritablement réglées.

Enfin, l’argument de Mme la rapporteur selon lequel il serait nécessaire de ratifier cet accord pour maintenir le bénéfice de l’exemption de visa, par les États-Unis, pour des séjours de moins de trois mois pour nos compatriotes, me laisse dubitatif. La France ne sollicite aucune faveur dans le domaine de la liberté de circulation de nos compatriotes. Elle ne marchande pas non plus.

Toutes ces réserves me conduisent à penser que les garanties obtenues sont insuffisantes, particulièrement sur plusieurs points : l’effectivité du droit de recours accordé par les États-Unis aux ressortissants français ; l’accès réciproque automatisé aux fichiers ; la possibilité d’une transmission spontanée de données personnelles à titre préventif ; ou bien encore, l’instauration d’un mécanisme de contrôle par une autorité indépendante.

Dans ces conditions, bien que l’accord ne porte que sur la coopération en matière d’enquêtes judiciaires, il faut s’interroger sur les effets négatifs d’une conception et d’une législation différentes dans nos deux pays en matière de protection des données personnelles.

La ratification intervient aussi dans le contexte particulier de la discussion actuelle du projet de loi relatif au renseignement, dans lequel la question de la protection des données personnelles fait précisément débat.

De même, le débat parlementaire aux États-Unis s’attache aujourd’hui à la question d’une éventuelle réduction des capacités de la NSA à collecter un très large champ de données personnelles indifférenciées.

Ainsi, notre appréciation de cet accord ne peut éluder la question de la conception particulière qu’ont les États-Unis de la collecte massive de renseignements à partir de données personnelles. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, ils pratiquent une politique de surveillance mondiale – en particulier à travers internet – laquelle passe notamment par des partenariats avec certains services de renseignement européens.

Souvenons-nous qu’un scandale a tout récemment éclaté en Allemagne, qui a révélé que le partenariat germano-américain de coopération sur la collecte de métadonnées indifférenciées et sur l’interception des flux internet avait servi à la surveillance d’hommes politiques et de responsables industriels européens, parmi lesquels des Français.

Je refuse les amalgames, mais je ne souhaite pas non plus que la coopération avec les États-Unis en matière de lutte contre le terrorisme s’effectue de façon déséquilibrée, en fonction des exigences propres de ce pays.

Entendons-nous bien : il est à mon sens impératif de nous donner des moyens efficaces de coopération internationale pour lutter contre le terrorisme. Au vu, toutefois, des réserves sérieuses que suscite à mon avis cet accord, je refuse d’oublier les exigences de notre État de droit au prétexte de la lutte contre le terrorisme.

Pour cet ensemble de raisons, le groupe communiste républicain et citoyen votera contre ce projet de loi de ratification.

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