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Affaires étrangères et défense

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Les raisons qui ont motivé cet accord, et les modalités de son application, créent un réel malaise

Accord franco-américain sur l’indemnisation de victimes de la Shoah -

Par / 9 juillet 2015

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’accord entre la France et les États-Unis sur lequel nous sommes amenés à nous prononcer cet après-midi porte sur un sujet très sensible et éminemment tragique, puisqu’il traite des conséquences de l’extermination d’hommes et de femmes par l’Allemagne hitlérienne.

Malheureusement, je le dis d’emblée, les raisons qui ont motivé la négociation de cet accord et les modalités de son application nous inspirent un réel sentiment de malaise.

Vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État, il s’agit d’indemniser les ayants droit de déportés juifs depuis la France vers les camps d’extermination nazis.

Cet accord, signé l’an dernier à Washington après une année de négociations, prévoit essentiellement la mise en place d’un fonds ad hoc doté de 60 millions de dollars, alimenté par la France et dont la particularité est d’être administré par le département d’État américain.

Ce fonds, qui est pour nous Français une véritable curiosité, est destiné à indemniser des personnes qui n’ont pu l’être au titre du droit français, qu’elles soient de nationalité américaine ou de toute autre nationalité.

Pour comprendre le processus qui a abouti à cet accord, il est nécessaire de le resituer dans son contexte, bien particulier.

Malgré les mesures de réparation mises en place depuis de longues années par les autorités françaises, certains déportés survivants ou, plus souvent, des ayants droit de déportés n’ont pas eu accès, du fait de leur nationalité, au régime de pensions d’invalidité ou à des compensations versées par d’autres États ou institutions.

On peut comprendre que cette situation ait suscité une grande amertume. C’est ce qui explique sans doute que, à partir des années 2000, un certain nombre de personnes, notamment par l’entremise de class actions, aient tenté d’obtenir des réparations devant les juridictions américaines. C’est là qu’a interféré un élément douteux : plusieurs projets de loi ont été déposés devant le Congrès en vue de permettre aux juridictions américaines de poursuivre des entreprises ayant joué un rôle actif dans le transport des victimes de la déportation, à défaut de pouvoir poursuivre l’État français.

Disons-le très franchement, c’est dans ce contexte créé de toutes pièces que la SNCF a, de fait, été empêchée de soumissionner à plusieurs appels d’offres de transport ferroviaire aux États-Unis.

C’est pour régler ce problème et mettre fin à une situation malsaine qui parasitait les relations bilatérales qu’une solution a été trouvée sous la forme d’un accord intergouvernemental, c’est-à-dire dans un cadre négocié et non contentieux.

J’ai voulu préciser cette situation particulière pour souligner l’ambiguïté de certaines questions liées à la signature de cet accord.

Ainsi, soixante-dix ans après les événements, il est tout à fait contestable de reprendre la question de l’indemnisation des déportés par le biais de l’invocation de prétendues responsabilités de la SNCF dans leur transport, en occultant d’ailleurs au passage le rôle déterminant joué par de nombreux cheminots dans la Résistance.

Par ailleurs, en instaurant un traitement différencié des déportés, on les catégorise, voire on les hiérarchise : comment interpréter ce refus d’une application universelle de l’indemnisation ? Pour quelles raisons souligne-t-on ainsi les différences entre les déportés juifs, les déportés politiques, les déportés à raison de leur religion ou de leur orientation sexuelle, ou bien encore d’autres déportés raciaux, comme les Tziganes ?

En outre, compte tenu du penchant connu de la société américaine à « judiciariser » tous les sujets, ce mode de traitement, loin de régler véritablement un problème, risque au contraire d’ouvrir la voie à d’autres contentieux.

La lucidité ne peut que nous inciter à estimer que cette marchandisation, par le biais de la justice, repose sur l’instrumentalisation d’un tragique moment de notre histoire, avec, en arrière-plan, l’intention avérée de protéger des intérêts économiques sur le territoire des États-Unis.

Enfin, comment ne pas considérer qu’il y a là l’exercice d’une forme de chantage pour faire approuver un accord tendant à mettre un terme aux procédures contre la SNCF ?

Que l’on comprenne bien la position de notre groupe : il n’est bien entendu aucunement question pour nous de remettre en cause des indemnisations légitimes.

Néanmoins, les ambiguïtés de certains points de l’accord et le malaise que nous éprouvons eu égard aux diverses motivations qui ont conduit à sa signature ont amené le groupe CRC à décider de ne pas prendre part au vote.

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