Affaires étrangères et défense
Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.
Ukraine : sortir de l’escalade guerrière
Débat et vote sur l’accord de sécurité franco-ukrainien et la situation en Ukraine -
Par Cécile Cukierman / 13 mars 2024Le 24 février 2024 marque la deuxième année d’une guerre d’agression de la Fédération de Russie contre l’Etat Ukrainien que nous avons condamné dès les premières heures.
L’agression militaire déclenchée par Vladimir Poutine en Ukraine est injustifiable et constitue un crime contre le droit international, un crime contre la Paix. Des crimes de guerre déjà avérés ont été commis.
Dès lors, nous exprimons notre profonde solidarité au peuple ukrainien qui résiste et se défend pour préserver la souveraineté de son pays.
Après des dizaines de milliers de soldats ukrainiens et russes aux corps mutilés et aux esprits traumatisés à vie, après d’immenses territoires défigurés et des villes marquées des stigmates de la guerre, parfois rasées, aucune perspective de paix ne se profile.
Malgré 200 milliards d’euros, dont la moitié en aide militaire, versés à l’Ukraine, malgré en face, un Etat russe qui affiche un taux de croissance insolent de 2,6% cette année et qui a multiplié par trois son budget militaire, la ligne de front est globalement figée depuis des mois.
Pour autant la guerre ne s’apaise pas. Tandis que Poutine n’hésite pas à envoyer sa jeunesse à la boucherie et enrôle de force y compris dans les prisons ; l’Ukraine peine à recruter.
Aujourd’hui votre gouvernement, nous invite à souscrire à l’intensive propagande belliciste.
Aujourd’hui, et en dépit du constat dressé par l’ancien chef d’état-major des armées des Etats-Unis dès la fin 2022, selon lequel « la victoire militaire n’est probablement pas réalisable par des moyens militaires et qu’il faut donc se tourner vers d’autres moyens ». Votre gouvernement nous invite à souscrire à l’intensive propagande belliciste.
S’il était question pour le Président, il y a de ça moins de 13 mois, qu’un accord entre ukrainiens et russes était possible selon, je le cite, « 10 000 formules différentes » ; aujourd’hui celui-ci envisage une escalade guerrière qui hypothèque toute perspective de paix et n’« exclut rien » face à la seconde puissance nucléaire mondiale.
Cette fuite en avant vous a conduit à signer un traité de défense avec l’Ukraine qui est marqué par l’absence préoccupante de limites claires sur le volet « coopération militaire de défense » dont la liste est qualifiée de « non exhaustive ». Oui ou non, des militaires seront-ils envoyés en Ukraine ? Devra-t-on attendre la parole d’E. Macron demain soir pour être informé ?
De même, l’accord prévoit le soutien à l’intégration de l’Ukraine dans l’Otan ce qui relève d’un casus belli pour la Russie.
E. Macron assumerait « l’ambiguité stratégique » en évoquant la possibilité d’envoi de troupes occidentales en Ukraine. Les réactions des chancelleries européennes sont tombées avec fracas : les Etats-Unis, l’Allemagne et la majorité des Etats membres de l’OTAN ont tous catégoriquement rejeté cette approche.
Nous alertons sur l’affirmation qu’une « partie de nos intérêts vitaux ont une dimension européenne » bousculant de fait notre doctrine de dissuasion nucléaire au profit d’un nouveau parapluie nucléaire français au-dessus de l’Union européenne.
Quelle irresponsabilité de croire que l’arme nucléaire existe pour autre chose que pour un Etat Nation ; quelle ineptie de penser que nous partagerions les mêmes intérêts vitaux que ceux de la Pologne ou de Chypre…
« L’ambiguité stratégique » de l’OTAN est ainsi définitivement annihilée, tandis que la France sort, quant à elle, un peu plus affaiblie, raillée, ridiculisée par l’énième position changeante du Président sur cette guerre.
M. le Premier Ministre, mesurez-vous l’effroi de ces millions de nos concitoyens qui assistent impuissants à la mise en œuvre de l’engrenage guerrier ? Comprenez-vous ces jeunes qui ne peuvent accepter d’être un jour impliqués dans leur esprit et leur chair, dans un conflit que personne ne cherche à régler par la négociation ?
Les Français attendent que le chemin de la paix soit ouvert. Trop de monde, trop de souffrance. Ça suffit !
Malgré tout, quelques jours plus tard, à Prague, le Président persiste et signe. Face aux aveux du chancellier allemand sur son refus de livrer des missiles de longue portée à l’Ukraine du fait des problématiques de ciblage que cela impliquerait, le Président rétorque qu’il ne faut « pas être lâche ». Que signifie ce terme ? À qui s’adresse-t-il, M. le Premier Ministre ?
Cette dérive de l’exécutif, plaçant la France à la limite de la co-belligérance, s’inscrit dans une stratégie globale et mortifére de surarmement.
Les budgets de défense des Etats membres de l’Union Européenne atteindrait près de 236 milliards d’euros en 2022, 11% de plus par rapport à 2021 et atteindraient 284 milliards d’euros en 2025.
Cette guerre a ainsi fait décoller les cotations boursières de l’industrie d’armement tandis que les dividendes de la guerre engraissent les oligarques de part et d’autre.
Nombreux d’ailleurs sont américains car, comme le montre une récente étude de l’Institut des Relations Internationales et Stratégiques, depuis l’invasion en Ukraine, 63% des commandes d’armement de l’Union Européenne ont été passées aux Etats Unis.
Cette guerre c’est aussi une opportunité pour les financiers de Bruxelles. En effet, deux tiers des 50 milliards d’euros d’aide à destination de l’Ukraine récemment débloqués seront versés sous forme de prêts à rembourser intégralement et avec intérêts !
Non chers collègues, la guerre ne libère pas, elle asservit les peuples.
Selon la communication publique des états-majors allemands, suédois et désormais français, un conflit n’est plus à exclure contre la Russie. Si celui-ci venait à advenir, mon groupe est convaincu d’une chose, contrairement à vous Monsieur le Premier Ministre, qui plus est face à une puissance nucléaire, nous pensons que certaines stratégies sont à exclure et notamment celle de l’escalade. Dans un conflit nucléaire, il n’y a ni gagnant, ni perdant, seulement le risque réel de la destruction du continent européen.
Dès lors, il s’agit de défendre dès maintenant, de manière inlassable l’élaboration d’une solution globale de sécurité en Europe.
Les déclarations de Trump sur la conditionnalité de l’assistance américaine dans la défense des pays membres de l’OTAN et sur son encouragement à « la Russie à faire ce que bon lui semble » ; doit conduire à un sursaut de l’Union européenne.
L’alignement atlantiste n’est plus possible, et la négociation d’un cadre de sécurité commune et de paix pour l’ensemble des pays de la grande Europe constitue l’unique stratégie pour éviter à nos peuples de nouveaux sacrifices insupportables.
Une fois les premiers principes de sécurité commune établis par la communauté internationale, un accord et un compromis mutuellement acceptable devra être trouvé entre les belligérants. Ce projet doit s’articuler autour de deux principes : le droit à la souveraineté à l’Ukraine et des garanties de sécurité pour la Russie.
Par conséquent et parce que selon nous, c’est davantage le projet de paix qu’il s’agit aujourd’hui d’armer de garanties solides, nous voterons contre la déclaration du gouvernement.
Les communistes n’ont pas à recevoir de leçons sur l’engagement patriotique. Mais quand la recherche de la paix est possible, et tout le monde sait que les négociations s’ouvriront tôt ou tard, ils feront tout pour que cesse la boucherie, l’inhumanité profonde que porte la guerre.