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Affaires étrangères et défense

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Une reconnaissance indispensable à une paix durable

République du Haut-Karabagh -

Par / 25 novembre 2020

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a un siècle, le 10 août 1920, les puissances victorieuses du premier conflit mondial et l’Empire ottoman signaient le traité de Sèvres. Ce traité prévoyait la création d’un territoire autonome pour les Kurdes et celle d’une République indépendante d’Arménie. Ce nouvel État devait être le refuge d’un peuple qui avait perdu un million cinq cent mille des siens dans le premier génocide du XXe siècle, ce meurtre d’une nation, ce crime contre l’humanité erga omnes, à l’égard de tous.

Pourtant, au traité de Sèvres succéda le traité de Lausanne, par lequel fut ratifiée l’annexion par la nouvelle Turquie de la partie occidentale de cette République mort-née et l’incorporation du reliquat dans l’ensemble soviétique. Plus tard, Staline rattacha les régions autonomes du Haut-Karabagh et du Nakhitchevan, peuplées majoritairement par des Arméniens, à la nouvelle république d’Azerbaïdjan.

C’est l’une des causes, un siècle plus tard, de l’embrasement meurtrier actuel.

En 1991, le parlement de la région autonome du Haut-Karabagh proclama son indépendance, qui fut ratifiée par un référendum. Cette proclamation fut prise à l’issue d’un processus démocratique parfaitement respectueux des conditions législatives de l’époque. Cette indépendance ne fut pas moins légitime que celle prononcée par l’Azerbaïdjan, la même année. Par la présente résolution, c’est cette affirmation légale du droit d’un peuple à disposer de lui-même que le Sénat demande au gouvernement de la France de reconnaître.

Cette exigence, le parti communiste français et notre groupe, dont certains élus sont très impliqués sur ce sujet, l’ont portée, il y a plus d’un an. Aujourd’hui, animés par cette même volonté, nous voterons cette proposition de résolution, et avec elle la demande de reconnaissance de la République d’Artsakh, parce que nous pensons qu’elle est un signe plus que jamais nécessaire à un règlement pacifique et politique des conflits dans le Caucase du Sud.

Comme le précise l’exposé des motifs de cette proposition de résolution, nous pensons que le peuple arménien continue d’être la victime expiatoire du nationalisme néo-ottoman de la Turquie.

Malheureusement, il ne fait aucun doute que la dérive dictatoriale du pouvoir de Recep Tayyip Erdogan, qui emprisonne l’opposition, musèle les journalistes ou fait assassiner jusqu’en France les militants kurdes, se projette aujourd’hui en dehors des frontières de la Turquie par un projet agressif qui se donne pour nouvelles frontières les Balkans, le Proche-Orient et l’Asie centrale.

À la fiction d’une homogénéité culturelle par l’exaltation du nationalisme turc, la Turquie de Turgut Özal et de Recep Tayyip Erdogan ajoute une dimension expansionniste qui profite des déséquilibres géostratégiques de la fin de la guerre froide, de la connivence coupable de l’OTAN et de l’incapacité désespérante de l’Europe à s’impliquer dans la résolution des conflits armés qui se déroulent à ses portes.

Pour ne pas avoir joué le rôle moteur qu’on attendait d’elle dans le groupe de Minsk, la France a été mise sur le côté par le cessez-le-feu signé sous l’égide de la Russie. La résolution du Sénat redonne de la voix à la France. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et Les Républicains.)

Mme Valérie Boyer. Bravo !

Mme Éliane Assassi. En 1992, Turgut Özal, alors président de la République de Turquie, avait déclaré qu’il était nécessaire, de temps en temps, « de faire un peu peur aux Arméniens ». Aujourd’hui, Recep Tayyip Erdogan déclare, lui, vouloir « finir le travail commencé il y a plus d’un siècle par les grands-parents ». Cette rhétorique guerrière et criminelle, qui a l’amer goût du sang et qui ne renonce pas à l’objectif génocidaire, considère la République d’Artsakh comme un îlot de résistance au sein de la grande nation turque et azérie et l’Arménie comme un obstacle à l’unité territoriale d’un nouvel empire ottoman étendu au-delà de la mer Caspienne.

Par cette résolution, mes chers collègues, nous devons exprimer notre condamnation vigoureuse de ce projet expansionniste, de toutes les formes de nationalisme mortifère et des risques qu’ils font courir à toute la région. De la même façon, il nous faut manifester avec force notre totale solidarité avec l’Arménie devant les menaces terribles proférées contre son existence.

Dans cet hémicycle et dans celui de l’Assemblée nationale, à la suite de Marcel Cachin, de Guy Ducoloné, d’Hélène Luc et de Guy Fischer, les parlementaires communistes n’ont cessé de demander la reconnaissance du génocide arménien pour rendre justice à toutes ses victimes et montrer à quelle horreur aboutissent les nationalismes dressés contre un peuple.

Cette résolution sera une bien faible consolation pour toutes les familles endeuillées, pour celles qui ont fui sans espoir de retour et pour cette jeune génération élevée dans le Haut-Karabagh et broyée par la machine de guerre colossale déployée contre elle.

Néanmoins, elle est pour notre groupe le moyen de rappeler notre attachement au règlement pacifique de ce conflit millénaire. Dans le Caucase du Sud, comme dans tout le Proche-Orient, seules des solutions politiques permettront d’apporter aux peuples et aux minorités la paix et les garanties de leur existence dans la libre administration de leurs destinées.

Les mots prononcés par Jean Jaurès à la Chambre des députés en 1896 résonnent encore et, à notre tour, il nous revient « d’accomplir notre devoir d’élémentaire humanité […] qui conciliera l’œuvre de paix et l’œuvre de justice ».

Monsieur le ministre, nous espérons vivement que le Gouvernement fera sienne la démarche du Sénat, qui tire sa force de sa grande solennité.

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