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Affaires européennes

Nous, nous voulons une Europe solidaire, une Europe des peuples

Débat préalable au Conseil européen des 28 et 29 octobre 2010 -

Par / 26 octobre 2010
Nous, nous voulons une Europe solidaire, une Europe des peuples
Nous, nous voulons une Europe solidaire, une Europe des peuples

Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez présenté les grandes lignes des positions que la France défendra par la voix du Président de la République lors du prochain Conseil européen, et vous souhaitez recueillir, ce soir, l’avis des groupes de notre assemblée.

Je regrette, encore une fois, monsieur le président Bizet, que nous ne soyons pas plus nombreux.

M. Jacques Blanc. Ce n’est pas la faute du président Bizet !

M. Pierre Fauchon. Les meilleurs sont là !

Mme Annie David. Nous avons pourtant changé l’heure du débat… (Sourires.)
Cet exercice tout à fait formel, puisque vous ne tenez, en général, aucun compte de nos remarques, nous donne malgré tout l’occasion de nous exprimer. C’est non pas une critique, mais un simple constat, monsieur le secrétaire d’État.

Une nouvelle fois, l’ordre du jour du Conseil européen sera composé de sujets d’importance variable. En effet, il doit en priorité examiner les conclusions du rapport sur le renforcement de la gouvernance économique pour préserver la stabilité de la zone euro. Ce rapport a été commandé au président permanent de l’Europe, M. Herman Van Rompuy, à la suite de la crise financière et économique qui, comme chacun le sait, après avoir touché la Grèce, a affecté l’ensemble de la zone euro.

Cette réunion devrait également permettre de déterminer une position européenne en vue du prochain sommet du G20, que présidera la France. Elle devra également élaborer des propositions à présenter au sommet de Cancún sur le changement climatique, ou bien encore réfléchir à la relation transatlantique.

Mais, comme à l’accoutumée, une seule grande question retiendra vraisemblablement l’attention des médias, et peut-être des opinions publiques – l’ensemble des intervenants se sont d’ailleurs principalement exprimés sur ce sujet, tout comme vous, monsieur le secrétaire d’État –, il s’agit de ce qu’il est convenu d’appeler « la gouvernance économique », dans le langage politiquement correct européen.

Les débats entre les représentants des pays européens qui auront lieu à la fin de la semaine seront dominés par la proposition, issue d’un compromis entre notre pays et l’Allemagne, de réformer le pacte de stabilité et de croissance et de réviser le traité de Lisbonne d’ici à 2013, en instaurant un régime de sanctions politiques à l’égard des États membres dont les finances publiques s’écarteraient de l’orthodoxie budgétaire communautaire européenne.
À nos yeux, l’idée même de cette révision du traité est bien le signe que celui-ci fonctionne mal, sur ce point comme sur d’autres.

Vous avez dit tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, que cette révision se fera dans l’intérêt de l’Europe. J’ajouterai qu’elle se fera dans l’intérêt de l’Europe libérale que vous souhaitez. Or, nous, nous voulons une Europe solidaire, une Europe des peuples.
C’est pourquoi notre groupe est en totale opposition avec le Président de la République sur son analyse des raisons de ce dysfonctionnement et sur les solutions qu’il proposera à Bruxelles.

Cette surveillance économique renforcée, avec la mise sous tutelle des budgets nationaux par la Commission, et la coordination des politiques économiques, nous est présentée comme la seule réponse aux effets dévastateurs de la crise financière.
De la même manière, votre collègue M. Éric Woerth nous a présenté sa réforme comme la seule possible. Mais là n’est pas le sujet…

Certes, la France a évité que les sanctions ne soient automatiques. Mais en préconisant de créer un mécanisme permanent de gestion des crises et d’adopter le principe de sanctions politiques, qui iraient jusqu’à la suspension des droits de vote des pays ne contrôlant pas leurs déficits et à l’introduction de nouvelles règles, en l’occurrence la majorité inversée, les propositions du Président de la République et de la Chancelière allemande franchissent, selon nous, une nouvelle et dangereuse étape.

En prévoyant de remplacer en 2013 le fonds européen de stabilité financière par un tel régime de sanctions, vous faites un pas supplémentaire dans l’abandon de compétences nationales au profit de la Commission.
La mise en œuvre de sanctions à l’égard d’un pays qui serait en déficit excessif pendant six mois est donc devenue un véritable dogme qui ne souffrirait pas de contestation.

Ainsi, la France et l’Allemagne, à quelques nuances près sur les modalités d’application, persistent sur la dangereuse voie de la réduction à tout prix des déficits publics.
Vous avez d’ailleurs insisté, monsieur le secrétaire d’État, sur cette réduction des déficits publics en France mais sans la mettre en rapport avec les suppressions d’emplois qu’elle a impliqué dans la fonction publique. On peut le regretter.

Pourtant, la douloureuse expérience du plan de sauvetage de la Grèce, les risques de débâcle économique qui menacent toujours l’Espagne, le Portugal et l’Irlande, malgré les mesures drastiques prises par ces pays, auraient dû vous servir de leçon !

D’autant que ces mesures – nous ne le répéterons jamais assez – ne s’attaquent pas à la racine du mal. Elles sont inadaptées à la gravité de la situation et sont contre-productives. Elles ne sont que l’émanation de votre idéologie libérale, conforme à l’orthodoxie budgétaire économique incarnée par le pacte de stabilité que vous souhaitez voir appliqué tant en France qu’en Europe !

Cette politique est appliquée de manière uniforme pour séduire les marchés financiers et conserver coûte que coûte les « 3 A » des agences de notation.
Partout en Europe, ce sont les mêmes recettes néfastes pour les salariés qui sont appliquées afin de faire des économies et de réduire les déficits publics.
Mais ce sont toujours les budgets sociaux, les aides aux plus démunis, aux chômeurs, les aides au logement, mais aussi les investissements publics, l’éducation, la santé, la recherche, qui sont les premiers sacrifiés, jamais le capital ou les revenus financiers !

Le dernier exemple en date, peut-être le plus brutal et le plus caricatural, est celui du Royaume-Uni.
On trouve là tous les ingrédients des vieilles recettes, pourtant éculées, de l’ultra-libéralisme.

Tous les budgets sociaux y passent : les allocations chômage, les allocations logement ou les aides aux personnes handicapées seront sérieusement réduites. Les allocations familiales seront gelées pendant trois ans et soumises à conditions de ressources. Quant aux impôts locaux, ils seront fortement augmentés et la TVA passera de 17,5 % à 20 %.

Bien évidemment, la fonction publique est sévèrement touchée, avec la suppression de près de 500 000 emplois ! (M. Gérard Bailly s’exclame.)
Enfin, l’âge de la retraite, déjà tardif, puisqu’il est fixé à 65 ans, sera différé d’un an.

S’il est vrai, monsieur le secrétaire d’État, que le tableau que vous nous avez présenté tout à l’heure est tout à fait exact, il n’en est pas moins vrai que pour présenter toute la vérité, il faut parler également du nombre d’années de cotisation, du taux de remplacement, de la décote et, surtout, de la possibilité, pour les salariés, de partir malgré tout avant 65 ans, avec l’ensemble de ces autres mesures, et de conserver une pension de retraite digne.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État. Avec une énorme décote mensuelle !
Mme Annie David. Cet exemple britannique montre d’ailleurs indirectement le manque de crédibilité de votre argumentation sur la nécessité de relever, en France, l’âge légal de la retraite pour être dans la norme européenne.
À ce compte-là, nous serons perpétuellement en course pour rattraper nos voisins !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État. Oui !

Mme Annie David. Décidemment, tous ces plans d’austérité budgétaire, loin de ramener l’endettement public à un niveau estimé acceptable par les marchés, risquent, au contraire, d’asphyxier les économies, en appauvrissant le plus grand nombre de nos concitoyennes et concitoyens.
De fait, le risque d’entrer dans une période de grave récession et de chômage massif se fait de plus en plus pesant, avec, en prime, moins de recettes fiscales et plus d’endettement public.

C’est à cette situation que mènera inéluctablement l’obstination du Président de la République et de la Chancelière allemande, mais aussi de l’ensemble des dirigeants européens, à vouloir coûte que coûte lutter contre les déficits en renforçant la discipline budgétaire des États membres.

Je vous rappellerai, à ce sujet, les propos tenus par l’économiste Michel Aglietta, qu’on soupçonnerait difficilement de gauchisme : dans la zone euro, « la nécessaire solidarité » est remplacée par « une règle uniforme de restriction budgétaire, le fameux pacte de stabilité, qui est arbitraire et insensible au contexte économique », a-t-il déclaré dans un entretien paru dans le journal Le Monde du 18 mai 2010.

En outre, la position tenue en matière de gouvernance économique nous confirme que les objectifs de la stratégie de l’Union européenne pour 2020 resteront lettre morte. Le Parlement européen ne s’y est pas trompé puisque, face à une proposition de budget sous-financée et médiocre au regard des enjeux à venir, il a menacé de ne pas voter le budget 2011 !

Enfin, l’autre grand point de l’ordre du jour consistera à arrêter la position de l’Union européenne à la veille du sommet du G20 que présidera notre pays. Ne serait-ce pas là l’occasion pour le Président de la République de faire valoir d’autres orientations ?

Pour notre part, nous ne nous satisfaisons pas de l’accord conclu en cette fin de semaine par les ministres des finances du G20 sur une réforme de la gouvernance du Fonds monétaire international, ou FMI, qui augmente le capital de l’institution et le nombre de sièges de grands pays émergents dans son conseil d’administration.

C’est une étape qu’il ne faut pas sous-estimer. Cependant, ces mesures s’accompagnent, là aussi, d’un dangereux élargissement des attributions du FMI en matière de surveillance des politiques économiques des États.
Comme il sait si bien le faire dans les instances internationales, le Président de la République serait bien inspiré – et je vous invite à lui communiquer cette inspiration, monsieur le secrétaire d’État – de saisir, jeudi et vendredi prochains à Bruxelles, l’occasion offerte par sa future présidence du G20 pour inciter dès maintenant l’Union européenne à poser la question de la nécessité d’un nouvel ordre économique et monétaire international.

Appuyons-nous, par exemple, sur la proposition de la Chine visant à créer une monnaie commune internationale pour les échanges afin d’apaiser la guerre des monnaies. Par ailleurs, pourquoi n’instaurerions-nous pas en Europe, à l’instar du Brésil, une taxation limitée des devises afin de commencer à réduire les tensions monétaires ?

Telles sont, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les remarques et les suggestions dont nous souhaitions vous faire part à la veille de la réunion de cet important Conseil européen.

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