L’objectif unique est, comme toujours avec ce gouvernement, de limiter les obligations pesant sur les entreprises
Suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français -
Par Guillaume Gontard / 6 novembre 2018Monsieur le président, madame la ministre, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, la question de la surtransposition des directives européennes est un sujet récurrent. Il s’agit presque toujours de dénoncer des distorsions de concurrence liées à des transpositions zélées de directives qui seraient défavorables à la compétitivité de nos entreprises.
L’objectif unique est, comme toujours avec ce gouvernement, de limiter les obligations pesant sur les entreprises, particulièrement, avec ce texte, dans les secteurs de l’économie, du développement durable, de l’agriculture et de la culture.
Ce projet de loi est également la traduction législative de la circulaire du Premier ministre du 26 juillet 2017 qui prévoit, pour l’avenir, de ne retenir qu’une exigence minimale dans le cadre des transpositions, c’est-à-dire d’organiser une harmonisation européenne toujours vers le bas et le moins-disant social, économique et environnemental.
Corollaire de cette volonté minimaliste, un travail d’inspection a été lancé auprès de différents organismes pour dénicher les cas de surtranspositions. Selon le rapport remis par cette mission en avril 2018, 137 directives auraient fait l’objet de surtranspositions. Ce projet de loi ne traite donc que d’une partie du travail…
Nous en revenons ainsi toujours à la question des normes, de leur nombre et de leur complexité. Nous ne pouvons que contester une telle approche. À nos yeux, il s’agit non pas de surtranspositions, c’est-à-dire d’erreurs d’analyse, mais de la liberté pleine et entière du législateur de définir des règles sur son territoire et un niveau d’exigence, notamment en matière environnementale. L’étude d’impact nous conforte en ce sens, rappelant ainsi que « la surtransposition ne constitue pas, la plupart du temps, une méconnaissance du droit de l’Union, les écarts maintenus en droit interne étant souvent permis par une directive ».
Le Conseil d’État a d’ailleurs regretté la faiblesse de l’étude d’impact de ce texte, laquelle n’indique pas « les motifs notamment d’opportunité pour lesquels les dispositions dont la suppression est envisagée aujourd’hui au nom de la lutte contre les surtranspositions avaient été en leur temps introduites en droit interne ».
Le Conseil ajoute : « Toutes ces précisions seraient de nature à éclairer utilement le Parlement dans des domaines où, par-delà l’apparente technicité des dispositions supprimées, des choix politiques précédents sont remis en cause. » Autrement dit, il s’interroge sur l’opportunité de ce texte.
Constatons que les mesures de ce projet de loi sont plutôt cosmétiques, voire anecdotiques et sans lien aucun les unes avec les autres. On est plus dans un toilettage qu’autre chose. Celui-ci a cependant des conséquences qui ne sont pas toujours anodines. On se demande néanmoins quelle était l’urgence.
Non seulement nous partageons pleinement l’interrogation du Conseil d’État, mais nous nous inquiétons des conséquences du volet environnemental du texte.
Revenir en arrière sur des normes de protection de l’environnement est aberrant et à rebours de l’histoire. En matière environnementale, le concept de surtransposition n’existe pas. L’article 193 du traité de fonctionnement de l’Union européenne précise ainsi que « les mesures de protections arrêtées en vertu de l’article 192 ne font pas obstacle au maintien et à l’établissement, par chaque État membre, de mesures de protections renforcées ».
Avant de revenir en arrière et de régresser en matière de normes environnementales, le Gouvernement ferait mieux de s’employer à combler les manquements français relatifs à la transposition ou au respect des normes européennes. Si nous pensons aux règles relatives à la qualité de l’air, nous pourrions également évoquer la directive-cadre sur l’eau ou encore la planification des déchets, autant de secteurs où la France accuse un retard important par rapport aux objectifs définis par l’Union.
Que dire encore de l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre, en dépit des engagements liés à l’accord de Paris ? Loin de nos engagements, loin de notre devoir d’exemplarité... Où est passé le champion de la Terre ? L’urgence est non pas à la simplification et à la course à la compétitivité, mais à l’élaboration d’outils et de politiques publiques, pour mener la bataille contre le réchauffement climatique.
Manifestement, ce n’est pas votre sujet, Nicolas Hulot l’avait bien compris…
Par ailleurs, certains cas manifestes de surtranspositions ne figurent pas dans ce texte en tant que mesures à supprimer. Je pense ici à la transformation de la SNCF en société anonyme, qu’aucun texte européen n’exigeait ou encore à la loi sur le secret des affaires. Nous surtransposons quand cela nous arrange.
Nous défendrons donc des amendements de suppression de certaines mesures nous paraissant inacceptables. Il s’agit en particulier des incompréhensibles dérogations concernant la chasse de certaines espèces d’oiseaux migrateurs.
Il s’agit encore de la fin du statut de déchet, sans passer par des installations classées, et du report de l’obligation d’un bon état des eaux.
Nous proposerons également la suppression de l’article sur les licences ferroviaires, qui nous semble poser une vraie question de sécurité, malgré les explications de Mme la rapporteur en commission.
Vous l’aurez compris, le prisme de ce projet de loi est donc non pas celui de l’intérêt général, mais uniquement celui des intérêts privés. Alors que le modèle néolibéral fait preuve chaque jour de son inefficacité et de sa dangerosité pour l’avenir de la planète, le Gouvernement, ancré dans l’ancien monde, poursuit bille en tête.
À l’Europe des peuples, il continue d’opposer l’Europe des capitaux et des marchés, l’Europe de la finance, qui maltraite les femmes, les hommes et la planète.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce projet de loi, inutile, inefficace, voire dangereux. Considérant les urgences sociales et écologiques qui se rappellent chaque jour à nous, le temps du Parlement pourrait être mieux employé.