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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament (deuxième lecture)

Par / 3 avril 2008

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, n’ayant pas de critiques majeures à formuler à l’encontre de ce texte,...

M. Jean-Pierre Michel. C’est dommage !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous attendons la fin ! (Sourires.)

M. François Autain. ... que l’Assemblée nationale a plutôt amélioré, je centrerai mon propos sur les études postérieures à l’autorisation de mise sur le marché, abordées à travers l’article 8. De fait, mon collègue Jean-Pierre Michel l’indiquait à l’instant, elles appellent un certain nombre de réflexions.

Depuis 2005, avec l’instauration des plans de gestion des risques en application de la directive européenne de 2004, ces études ont eu tendance à se multiplier. Elles deviennent même systématiques pour les nouvelles molécules innovantes et coûteuses. Les crises sanitaires comme celles que l’on a connues avec la cérivastatine et le Vioxx ne sont pas étrangères à ce renforcement des évaluations en situation réelle des médicaments, évolution dont on ne peut que se féliciter.

Néanmoins, s’il est incontestable que ces études sont absolument nécessaires, il n’en reste pas moins vrai qu’elles ne sauraient pallier les insuffisances d’une évaluation en amont, c’est-à-dire avant la délivrance de l’autorisation de mise sur le marché. Or il semble que les AMM soient octroyées de plus en plus facilement et de plus en plus précocement (Mme la ministre proteste), comme si la prescription d’études post-AMM pouvait constituer une alternative crédible et fiable à l’évaluation avant l’AMM, comme si les agences avaient de plus en plus de mal à résister aux pressions de l’industrie pharmaceutique.

Cette dérive est d’autant plus inquiétante que l’on sait que ces études ont très peu de chances d’être réalisées dans des délais raisonnables et que l’on continue néanmoins à les prescrire, et à les prescrire de plus en plus. Les chiffres dont on dispose sont éloquents à cet égard. Les plus récents, qui remontent à mai 2007 et ne prennent pas en compte les études demandées par l’AFSSAPS, montrent que, de 1997 jusqu’à mai 2007, seulement 12 % des 131 demandes ont été menées à leur terme et que pour 43 % d’entre elles le protocole était en cours de mise en oeuvre. En d’autres termes, la moitié d’entre elles n’avait pas reçu de commencement d’exécution.

L’application du principe de précaution aurait dû conduire les agences à ne plus prescrire d’études post-AMM sans être au préalable assurées que celles-ci pourraient être réalisées et financées, et, par voie de conséquence, à différer la mise sur le marché des nouvelles molécules pour lesquelles cette assurance n’aurait pu être obtenue. Cela n’est malheureusement pas la voie qui a été choisie, et on peut le regretter, au moins pour les patients qui sont amenés à prendre des médicaments pour lesquels les mesures de sécurité indispensables, bien que demandées, n’ont pas été mises en oeuvre.

La mission d’information de la commission des affaires sociales sur les conditions de mise sur le marché et de suivi des médicaments avait pointé en son temps de nombreux dysfonctionnements dans notre système de recours aux études post-AMM.

D’abord, les structures, trop nombreuses, qui constituent autant d’étapes dans le parcours du médicament jusqu’à sa commercialisation et sa prise en charge par l’assurance maladie, peuvent toutes prescrire des études post-AMM : outre l’AFSSAPS, je dois citer la Haute Autorité de santé - la HAS -, le Comité économique des produits de santé - le CEPS -, la direction générale de la santé - la DGS -, et même l’assurance maladie. Il y a manifestement là un problème de cohérence et de coordination que l’on n’est pas parvenu à surmonter en dépit de la création d’un groupe d’intérêt scientifique et, plus récemment, d’un comité de liaison informel.

À tout le moins, et comme c’est d’ailleurs le cas aux États-Unis avec la FDA, la Food and Drug Administration, la HAS devrait être tenue de publier régulièrement, au nom de toutes les autres agences, des informations sur le devenir des études post-AMM que les firmes se sont engagées à réaliser. À l’heure actuelle règne dans ce domaine une véritable confusion, une véritable anarchie, osons le mot, doublée d’une très grande opacité.

En effet, les conventions relatives à ces études passées entre le CEPS et les firmes ne sont pas rendues publiques. Il est donc difficile de savoir précisément quelles études, quels essais ont été demandés ainsi que les détails de leur protocole. On ne sait pas non plus si des délais sont fixés pour la réalisation de ces études, délais pourtant indispensables à la détermination d’un éventuel retard dont l’article 8 prévoit précisément la sanction.

L’unique étude publiée l’a été trois ans après sa réalisation, et trois mois après le retrait du marché du médicament Vioxx sur lequel elle portait. Cela n’a d’ailleurs pas empêché le maintien sur le marché d’un médicament de la même famille, aussi toxique que le précédent, qui est encore prescrit à l’heure actuelle : il s’agit du Célébrex. Cela montre à tout le moins la passivité et la frilosité des agences devant certains impératifs industriels, qui ne coïncident pas toujours avec l’intérêt des patients.

En ce qui concerne, ensuite, les moyens disponibles pour mener les études post-AMM, on relève en France une pénurie d’équipes de recherche spécialisées dans l’évaluation des risques médicamenteux. En 2005, et tout prête à penser que la situation n’a guère évolué depuis, il existait une seule unité INSERM sur plus de cent vingt, et seulement deux équipes universitaires labellisées sur plusieurs centaines qui se consacrent à cette activité pourtant essentielle.

Autre difficulté, l’insuffisance des bases de données, publiques et privées, relatives notamment à la prescription des médicaments. À cet égard, la suppression de l’Observatoire national des prescriptions témoigne du désengagement et du désintérêt manifeste du Gouvernement sur cette question.

Enfin, on peut regretter que les pouvoirs publics ne s’impliquent pas davantage dans le financement de ces études. Je ne sais pas combien le Gouvernement a mobilisé pour la réalisation de telles études dans les années qui viennent ; ce que je sais, en tout cas, et je l’ai appris en prenant connaissance du rapport public annuel 2008 de la Cour des comptes, c’est que, de 1999 à 2004, l’AFSSAPS n’a financé que six études, soit en moyenne une par an. Certes, depuis 2005, elle a mis en place un programme plus ambitieux doté d’un budget d’environ 800 000 euros, permettant de réaliser dix-neuf études. Malheureusement, aucune de ces études n’a été rendue publique.

L’essentiel de l’effort financier, vous l’aurez deviné, repose sur l’industrie pharmaceutique, qui manifestement, et on la comprend, ne se précipite pas pour mettre en oeuvre l’article 6 de l’accord-cadre conclu entre le syndicat de l’industrie pharmaceutique - Les entreprises du Médicament, dit LEEM -, et le CEPS, qui en fixe les conditions. Il est vrai qu’investir dans des études coûteuses qui peuvent aboutir à une remise en cause totale ou partielle de l’AMM du médicament concerné ne va pas de soi pour un laboratoire qui a déjà beaucoup investi pour l’obtenir !

En matière de financement, les pouvoirs publics ont donc un rôle déterminant à jouer, que malheureusement ils n’assument pas.

Devant un tel constat de carence, madame la ministre, on peut légitimement s’interroger sur l’efficacité des dispositions prévues à l’article 8 du projet de loi. Constitueront-elles une base légale suffisante pour contraindre les firmes au respect de leur engagement ? Permettez-moi d’en douter ! En effet, l’article 8 soulève un certain nombre de questions.

Quant à sa date d’entrée en vigueur, d’abord - et M. le rapporteur est intervenu à ce sujet -, dans quelles conditions sera-t-il applicable une fois la loi promulguée ? Faudra-t-il attendre que cette disposition soit intégrée dans un nouvel avenant à l’accord-cadre CEPS-LEEM qui modifierait dans ce sens son article 6 sur le suivi des nouveaux médicaments en pratique médicale réelle ? Cela signifierait qu’elle ne pourrait être opérationnelle avant 2010 ! Ou alors s’impose-t-elle à toute nouvelle convention conclue entre le CEPS et un laboratoire après la date de la promulgation de la loi, malgré l’existence d’un accord entre le CEPS et le LEEM, reconduit pour trois ans par un avenant du 21 janvier 2007, qui en fixe le cadre et ne prévoit pas, j’y insiste, de telles sanctions ?

Quant à son champ d’application, ensuite, l’article 6 de l’avenant à l’accord-cadre CEPS-LEEM prévoit que « l’initiative de ces études peut émaner de la commission de la transparence ou du CEPS ». Cela semble vouloir dire que les études émanant de la commission d’AMM ne sont pas visées par cet article et que, par voie de conséquence, leur non-réalisation ne pourrait donner lieu aux sanctions prévues à l’article 8. Cette discrimination ne semble pas justifiée, d’autant qu’il est prévu dans cet article de l’accord-cadre que, « si l’entreprise démontre que les résultats attendus de l’étude demandée seraient, en tout ou en partie, redondants avec ceux que permettraient d’obtenir dans les mêmes délais des études demandées dans le cadre de l’octroi de l’AMM par la commission d’AMM de l’AFSSAPS et incluses dans le programme de gestion des risques approuvé, l’étude conventionnée est modifiée en conséquence ».

Ainsi, certaines études demandées par la commission de transparence ou par le CEPS ne pourraient pas donner lieu à sanctions au seul motif qu’elles seraient redondantes avec celles qu’aurait demandées la commission d’AMM, qui, elles en sont exemptes !

Il me semble que toutes les études, quel qu’en soit le prescripteur, devraient être traitées de la même façon. Tout retard dans leur réalisation devrait être sanctionné, et a fortiori leur non-réalisation. C’est un impératif de santé publique.

Enfin, en l’absence de délai limite fixé pour la réalisation de ces études, comme c’est le cas actuellement, il apparaît difficile d’appliquer des sanctions pour retard. Aucun délai ne figure ni dans la loi, ni dans la réglementation, ni dans l’accord-cadre. Quant aux conventions CEPS-firmes, où un délai peut éventuellement être fixé, on a vu qu’elles ne sont pas rendues publiques.

C’est pour tenter de combler ces lacunes que je vous proposerai des amendements.

Bien que cet article 8 procède d’une bonne intention, je le reconnais, on est obligé de se montrer très réservé quant à son efficacité, et l’on ne peut que le regretter.

Les sénateurs du groupe CRC et moi-même subordonnerons bien entendu notre vote à l’accueil qui sera réservé à nos amendements.

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