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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Cette réforme est marquée par le même sceau de l’injustice qui à présidé à l’instauration du bouclier fiscal

Réforme des retraites : explication de vote (conclusions de la CMP) -

Par / 26 octobre 2010

Messieurs les ministres, les millions de salariés de notre pays, mobilisés depuis plusieurs mois contre votre réforme des retraites, savent pertinemment qu’ils n’avaient rien à attendre de la réunion de la commission mixte paritaire.

M. René-Pierre Signé. Eh oui !

M. Guy Fischer. La preuve en est apportée.

M. René-Pierre Signé. C’est la démocratie…

M. Nicolas About. Vous avez quitté la CMP dès le début. Il fallait rester !

M. Guy Fischer. À l’issue d’un processus législatif marqué par la volonté gouvernementale d’empêcher tout débat et toute contre-proposition, nos concitoyens mesurent combien ce projet de loi constitue une régression sociale sans précédent puisque vous renvoyez les salariés plus de vingt-huit ans en arrière, en les privant du droit à la retraite à 60 ans.

Nous n’avons eu de cesse de le dire, cette réforme est marquée par le même sceau de l’injustice qui a présidé à l’instauration du bouclier fiscal. Elle satisfait uniquement les agences de notation, le MEDEF et la majorité parlementaire.

Si on devait résumer votre projet de loi en deux chiffres, ceux-ci seraient indéniablement 85 et 15.

En effet, 85, c’est le pourcentage du poids économique de la réforme qui sera supporté par les seuls travailleurs, alors que les revenus du capital et les plus riches de nos concitoyens ne contribueront qu’à hauteur de 15 %. Pour vous, ce partage totalement inéquitable serait justifié du seul fait que ce sont les salariés qui bénéficient du droit à la retraite. Je pourrais naturellement ironiser en vous demandant pour combien de temps encore. Car les articles 5 et 6 auront pour effet d’ôter – il n’y a pas d’autre terme – aux travailleurs deux ans d’espérance de vie en bonne santé. Deux ans qui, au lieu et place d’être dédiés aux proches, à la famille, au temps pour soi, seront consacrés au travail et à l’accumulation de richesses dont seule une minorité de privilégiés profitera.

D’ailleurs, suivant votre démonstration, s’il est logique que les salariés soient les seuls à être mis à contribution puisqu’ils profitent de leurs retraites, il serait également logique qu’ils profitent des richesses qu’ils contribuent très largement à créer. Mais cela reviendrait à mettre un terme à toute une conception politique et économique du travail, qui ne cesse de favoriser les actionnaires au travers de versements de dividendes toujours plus importants, au détriment des salaires toujours plus faibles.

Voilà, messieurs les ministres, mes chers collègues, la réalité ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Au final, c’est bien votre refus de mettre en place une meilleure répartition des richesses, plus égalitaire, de nature à renforcer notre système de retraite par répartition, qui vous conduit à imposer une telle réforme, laquelle, nous l’avons dit, sera injuste, inefficace et brutale.

Elle sera brutale, car, en jouant simultanément sur les trois facteurs – le passage de l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans, à 67 ans pour bénéficier d’une retraite à taux plein et sans décote, et l’augmentation de la durée de cotisation –, vous allez plus loin et plus vite que n’importe lequel des pays d’Europe où a été mise en œuvre une réforme des retraites. Cette réforme brutale s’appliquera dès le 1er juillet 2011.

Elle sera inefficace, car elle n’est pas financée. On sait d’ores et déjà qu’il lui manquera 4 milliards d’euros, dans le meilleur des cas, puisque votre réforme s’appuie sur des hypothèses de non-dégradation de l’économie et de la situation du travail. Ce déficit ne pourra pas être comblé par le Fonds de réserve des retraites, le FRR, puisque vous avez pris la décision de le siphonner pour payer la dette sociale.

Mme Nicole Bricq. C’est une honte !

M. Guy Fischer. C’est une aberration quand on connaît les finalités mêmes du FRR !

Enfin, la réforme sera injuste car ce sont les salariés, les travailleurs qui en supporteront l’essentiel du poids.

Comme toujours, vous n’avez pas hésité, sous prétexte d’équité, à réduire l’ensemble des droits. J’en veux par exemple pour preuve la manière dont vous avez réduit les conditions d’accès au minimum garanti au titre du rapprochement avec le minimum contributif. C’est scandaleux !

Par ailleurs, les salariés qui ont commencé à travailler tôt seront lourdement pénalisés par votre projet de loi. Durant les débats, vous n’avez eu de cesse d’affirmer que la gauche n’avait rien fait pour eux. C’était pour mieux masquer une réalité : vous allez les contraindre à travailler encore plus longtemps que par le passé. Il ne reste décidément plus rien du dispositif « carrières longues » que vous avez progressivement vidé de sa substance.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Mais 700 000 personnes en bénéficient grâce à nous ! Ce n’est pas rien !

M. Guy Fischer. Année après année, les mesures de durcissement se sont multipliées. Il y a eu tout d’abord le durcissement des conditions de rachat de trimestres au titre des années d’études et d’apprentissage, puis le durcissement des conditions d’accès au départ anticipé pour carrière longue et pour les assurés handicapés, la prise en compte des règles en vigueur non pas l’année de la liquidation mais l’année des 60 ans, la tentative d’allongement automatique de la durée de cotisation pour la retraite à taux plein à 60 ans, le passage progressif à 164 trimestres en 2012 avec évolution parallèle de la durée d’assurance requise pour le calcul de la pension, la non-prise en compte pour le départ anticipé pour carrière longue du rachat de trimestres pour études supérieures et années incomplètes et, dernier élément en date, la modification des conditions d’attribution de la majoration de la durée d’assurance pour enfants, la MDA, mesure adoptée en janvier 2010.

Pour les salariés concernés par le dispositif « carrières longues », la décision est des plus injustes car, bien qu’ayant commencé à travailler jeunes, ils devront de toute façon cotiser deux ans de plus. Je pense en particulier aux infirmières et aux travailleurs précaires.

La décision apparaît également injuste pour les jeunes, qui, avec cette mesure, voient les portes de l’emploi se refermer sur eux pour deux années encore, la combinaison des articles 5 et 6 ayant pour effet mécanique de retarder l’accès de près de 1 million de jeunes au premier emploi de qualité. Ainsi les jeunes devront-ils, en raison de l’article 4, réintroduit par la commission mixte paritaire, valider 41,5 annuités pour bénéficier d’une retraite sans décote. Autant dire que c’est quasiment impossible !

La décision est par ailleurs injuste pour les femmes aux carrières morcelées – ma collègue Odette Terrade abordera ce sujet dans quelques instants –, mais aussi pour les personnes en situation de handicap ou les malades atteints d’une affection chronique. Je pense aux victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle. Pour ces dernières, l’idée d’une carrière complète avec la règle des 40 annuités était déjà illusoire ; elle devient irréaliste si on porte la durée de cotisation à 41,5 annuités.

Pourtant, personne ne peut affirmer qu’il soit légitime de sanctionner financièrement des femmes et des hommes qui, en raison de leur état de santé ou parce que leurs employeurs ne respectent pas leurs obligations d’emploi, ne peuvent jamais atteindre dans les faits le nombre d’annuités nécessaires pour justifier d’une carrière complète.

En réalité, le cumul des articles 4, 5 et 6 constitue une machine infernale, une mécanique irrémédiable destinée à réduire à l’avenir le niveau des pensions des salariés et à allonger la durée de vie au travail de manière inexorable.

Comme ce fut le cas en 1993, en 1995, en 2003, en 2007 et en 2008, les retraités de notre pays verront fondre leurs pouvoirs d’achat et se dégrader considérablement leur qualité de vie. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat applaudit.) Cela vous permettra sans doute de justifier une réforme systémique dont la double caractéristique sera la substitution de la capitalisation à la répartition et la suppression totale pour les assurés d’un minimum garanti.

C’est pour toutes ces raisons que le groupe CRC-SPG votera contre ce projet de loi.

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