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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Chaque année, un peu plus de 1 000 enfants deviennent pupilles de l’État

Arrêté d’admission en qualité de pupille de l’Etat -

Par / 18 juillet 2013

Rapporteure de la commission des affaires sociales.

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui, en réponse à une décision du Conseil constitutionnel du 27 juillet 2012, sécurise les modalités d’exercice des recours juridictionnels contre les arrêtés d’admission en qualité de pupille de l’État.

Chaque année, un peu plus de 1 000 enfants deviennent pupilles de l’État en raison de la situation d’abandon dans laquelle les place l’incapacité de leur famille à assumer leur prise en charge. Il s’agit pour beaucoup d’enfants nés sous X ou qui ont fait l’objet d’une déclaration judiciaire d’abandon. Au total, 2 345 enfants, âgés en moyenne d’un peu plus de sept ans et demi, avaient le statut de pupille de l’État en 2011.

Trois acteurs interviennent auprès des pupilles, avec notamment pour mission d’élaborer pour chacun un projet d’adoption dans les meilleurs délais : le préfet, désigné comme tuteur ; le conseil de famille, composé de représentants du conseil général, d’associations et de personnalités qualifiées, qui assiste le préfet dans l’exercice de sa tâche ; le service de l’ASE, qui assure la prise en charge de l’enfant.

Une conséquence essentielle de l’acquisition du statut de pupille de l’État est d’ouvrir la voie au placement en vue de l’adoption. Celui-ci n’intervient pas systématiquement, mais en constitue le prolongement logique et, dans de nombreux cas, souhaitable.

Dès lors, la possibilité pour les parents ou les proches de l’enfant de contester l’arrêté d’admission en qualité de pupille de l’État revêt une importance particulière. Elle est en quelque sorte une dernière chance offerte à ces personnes de renouer avec l’enfant des liens que le placement en vue de l’adoption rompra définitivement.

Depuis la loi du 6 juin 1984, qui a largement modifié le régime juridique applicable aux pupilles de l’État, l’arrêté d’admission est pris par le président du conseil général et peut être contesté devant le tribunal de grande instance.

Soucieux d’éviter une multiplication des recours susceptibles d’empêcher la situation de ces enfants de se stabiliser dans des délais raisonnables, le législateur a fixé une limite de trente jours pour contester l’arrêté et imposé que le requérant demande à assurer la prise en charge de l’enfant. Il a également défini trois catégories de personnes ayant qualité pour agir : les parents, en l’absence de décision judiciaire consacrant l’abandon ou le retrait total de l’autorité parentale ; les alliés de l’enfant ; toute personne justifiant d’un lien avec lui, notamment pour avoir assuré sa garde, de droit ou de fait. Les conditions de publication de l’arrêté d’admission ont été laissées volontairement floues, la loi ne prévoyant ni mesure de publicité générale ni notification individuelle aux personnes ayant qualité pour agir.

Or c’est ce flou qui a été censuré par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 27 juillet 2012, considérant que le législateur « ne pouvait, sans priver de garanties légales le droit d’exercer un recours juridictionnel effectif, s’abstenir de définir les cas et conditions dans lesquels celles des personnes qui présentent un lien plus étroit avec l’enfant sont effectivement mises à même d’exercer ce recours ».

Le texte qu’examine aujourd’hui la Haute assemblée a pour objet de répondre à cette inconstitutionnalité.

L’article 1er de ce projet de loi, qui refond entièrement l’article L. 224-8 du code de l’action sociale et des familles, présente, à mon sens, par rapport au droit existant, quatre améliorations substantielles qui garantissent l’exercice du droit à un recours juridictionnel effectif tout en tenant compte de l’intérêt de l’enfant à voir sa situation stabilisée rapidement.

Premièrement, l’article 1er précise que les arrêtés d’admission, lorsqu’ils n’interviennent pas à la suite d’une décision judiciaire, ne sont pris qu’à l’issue des délais de deux ou six mois prévus par la loi. Cette clarification permettra d’harmoniser les pratiques des conseils généraux qui, souvent dans l’objectif de sécuriser au plus vite la situation de l’enfant, font parfois le choix de prendre l’arrêté dès le recueil par le service de l’ASE, ou deux arrêtés, le premier provisoire et le second définitif à l’issue du délai légal.

Deuxièmement, l’article 1er précise le champ des personnes ayant qualité pour agir. Celui-ci recouvre désormais quatre catégories : les parents de l’enfant, en l’absence de décision judiciaire ; les membres de la famille de l’enfant ; le père de naissance ou les membres de la famille de naissance pour les enfants dont la filiation est inconnue ; toute personne ayant assuré la garde de droit ou de fait de l’enfant.

J’y insiste, l’ouverture du recours à la famille de naissance ne remet pas en cause le droit pour une femme d’accoucher sous X. Elle vient en réalité consacrer une évolution déjà actée par la jurisprudence. En outre, la loi reconnaît déjà au père de naissance le droit d’engager une procédure en reconnaissance de paternité.

Troisièmement, l’article 1er définit, parmi les personnes ayant qualité pour agir, celles qui, en raison du lien plus étroit qu’elles entretiennent avec l’enfant, se verront notifier individuellement l’arrêté d’admission. Il s’agira tout d’abord des parents de l’enfant. Les trois autres catégories de requérants devront avoir manifesté leur intérêt pour l’enfant auprès du service de l’ASE avant la date de l’arrêté d’admission, pour qu’il leur soit notifié.

Quatrièmement, le point de départ du délai de recours, dont la durée demeure fixée à trente jours, est désormais clairement défini à la date de réception de la notification. Celle-ci devra être effectuée par tout moyen permettant d’établir une date certaine de réception et indiquer la règle déjà applicable selon laquelle l’action contre le recours n’est recevable que si le requérant demande à assumer la charge de l’enfant.

La compétence du juge judiciaire est par ailleurs confirmée. Comme cela est déjà prévu, il prendra sa décision au regard de l’intérêt de l’enfant et pourra, s’il rejette le recours, accorder malgré tout un droit de visite au requérant.

En l’état, cette rédaction répond parfaitement à la décision du Conseil constitutionnel. Les solutions visant à donner une publicité générale aux arrêtés d’admission ou consistant à notifier individuellement l’arrêté à chaque requérant ont toutes les deux été écartées en raison des inconvénients qu’elles présentaient.

La voie médiane qu’emprunte le projet de loi conduit par conséquent à définir deux catégories de requérants : ceux qui, outre les parents, auront fait la preuve de leur « lien plus étroit » avec l’enfant en se signalant auprès de l’ASE, à qui s’appliquera le délai de trente jours ; ceux qui, parce qu’ils n’auront pas eu connaissance à temps de la situation de l’enfant, pourront malgré tout effectuer un recours jusqu’au placement de celui-ci en vue de l’adoption.

En vertu de l’article 352 du code civil, le placement en vue de l’adoption continue de constituer une limite absolue à toute possibilité de récupération de l’enfant par sa famille d’origine. Cela signifie que, dans des cas très exceptionnels, il se peut que des personnes ayant qualité pour agir forment leur recours trop tardivement. Faut-il envisager pour autant de faire évoluer l’article 352 ? La question a été soulevée en audition. Y répondre me semble cependant nécessiter une réflexion bien plus approfondie, qui dépasse l’objet du présent projet de loi.

En complément des dispositions contenues dans l’article 1er, l’Assemblée nationale a adopté un article additionnel, devenu l’article 1er bis, qui renforce les informations contenues dans le procès-verbal déclarant l’enfant pupille à titre provisoire.

Enfin, l’article 3 fixe au 1er janvier 2014 l’entrée en vigueur du projet de loi, c’est-à-dire à la date où la censure du Conseil constitutionnel deviendra effective. Ce délai est justifié pour permettre aux conseils généraux de faire évoluer leurs pratiques. L’étude d’impact annexée au texte annonce que des mesures d’accompagnement seront mises en place, en concertation avec l’Assemblée des départements de France, l’ADF, pour informer les conseils généraux des règles qu’ils auront à appliquer, en particulier en matière de notification des arrêtés d’admission. De telles mesures me paraissent utiles et je suis certaine que le Sénat sera particulièrement attentif à leur mise en œuvre.

Ce projet de loi a un objet limité. Il ne prétend pas revoir dans son ensemble le statut des pupilles de l’État, encore moins les règles de l’adoption. Il ne fait qu’apporter une solution claire et sécurisante pour remédier à l’inconstitutionnalité des modalités de recours contre l’arrêté d’admission en qualité de pupille de l’État. C’est déjà beaucoup !

Je profite cependant de l’occasion qui nous est offerte pour souligner la complexité des règles qui entourent leur statut. Dispersées entre le code civil et le code de l’action sociale et des familles, elles sont d’une application malaisée, que ce soit pour les services de l’ASE ou pour les conseils de famille, en particulier dans les départements qui accueillent peu de pupilles.

Dans son rapport du mois d’octobre 2009 sur la protection de l’enfance, la Cour des comptes a d’ailleurs souligné la faible connaissance qu’ont parfois les départements de leurs prérogatives, ainsi que le manque de pilotage au niveau national. Les débats, riches, qui ont eu lieu au cours des auditions ou lors de l’examen du texte en commission ont eux aussi montré combien une remise à plat du statut des pupilles de l’État était aujourd’hui nécessaire.

Madame la ministre, un projet de loi sur la famille devrait voir le jour à la fin de cette année. Je souhaite vivement que ce texte puisse être l’occasion de réfléchir au statut des pupilles de l’État. Une telle réforme serait ambitieuse, certes, mais elle apparaît également urgente, car les premières victimes de l’insécurité qui entoure le statut juridique des pupilles sont les enfants eux-mêmes.

La commission des affaires sociales a adopté le projet de loi à l’unanimité, dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale. J’espère, mes chers collègues, qu’un large consensus pourra également être trouvé aujourd’hui en séance plénière. Je suis convaincue que l’examen de ce texte sera l’occasion de débats riches et prometteurs pour les réformes à venir.

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