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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Couverture des non-salariés agricoles

Par / 20 juin 2001

par Guy Fischer

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi soumise aujourd’hui à l’examen du Sénat vise, comme son intitulé l’indique, à améliorer la couverture des non-salariés agricoles contre les accidents du travail et les maladies professionnelles.

La réforme du régime actuel d’AAEXA, issu de la loi du 22 décembre 1966 et qui ne permet plus de couvrir de manière satisfaisante le risque « accidents du travail » en agriculture, est attendue par le monde rural, voulue par les syndicats, portée par le Gouvernement.

Nous nous accordons tous sur l’objectif, sur la nécessité de faire évoluer un système qualifié à juste titre de déficient par le rapporteur de la commission des affaires sociales, et ce pour trois raisons principales.

Il s’agit, tout d’abord, de la faiblesse des pensions d’invalidité servies, voire de l’absence de prestations - indemnités journalières, rente en cas d’incapacité de travail inférieure aux deux tiers ou en cas de décès, frais funéraires - au regard du niveau relativement élevé des primes acquitées par des exploitants qui sont plus de 42 % à dégager un revenu inférieur au SMIC, le salaire minimum de croissance.

l s’agit, ensuite, du caractère non universel de l’assurance. Faute de contrôle efficace de l’obligation d’adhésion à la couverture contre les accidents du travail, 20 % des exploitants ne seraient pas assurés. Ce chiffre est sujet à caution, mais il semble important, alors même que l’activité agricole est un secteur à risques relativement élevés.

Enfin, à la différence de la politique conduite par la MSA à l’égard des salariés agricoles, aucune politique de prévention des risques professionnels n’est organisée en faveur des exploitants agricoles.

Si un large consensus se dégage sur le constat, il y a débat, pour ne pas dire de fortes divergences, quant aux moyens à mettre en oeuvre pour parvenir à garantir aux exploitants agricoles une meilleure couverture sociale. Le trajet parlementaire de la présente proposition de loi en témoigne.

Dans sa version initiale, telle qu’elle a été déposée par le groupe RCV - Radical, Citoyen et Vert - la proposition de loi avait pour ambition de transformer le régime assuranciel d’AAEXA en une véritable branche de la sécurité sociale.

Cela semblait un choix inconcevable pour certains députés de droite soucieux, semble-t-il, de défendre les intérêts des détenteurs du marché de l’assurance ou du Groupama.

C’est sur la base d’une proposition de loi se contentant de revaloriser les prestations, réécrite a minima après le retrait de la version initiale, menacée par l’article 40, que la discussion s’est ouverte au Palais-Bourbon.

Fort justement, et là je tiens à saluer la volonté du Gouvernement, vous avez permis, monsieur le ministre, en étant à l’initiative d’amendements substantiels qui ont été adoptés, de réécrire le texte en permettant au dispositif d’évoluer vers la constitution d’un véritable régime de base de sécurité sociale, géré tout naturellement par la MSA, dans lequel les cotisations et prestations sont définies, sont identiques pour tous les exploitants, à l’instar des autres catégories socioprofessionnelles, dans lequel les accidents de la vie privée sont différenciés des accidents du travail. C’est un choix opportun au regard de l’incapacité dont a fait preuve le système concurrentiel à proposer aux exploitants agricoles des contrats garantissant des prestations de haut niveau. C’est également un choix opportun au regard de l’incurie, oserais-je dire, du système concurrentiel en matière de prévention, voire au regard du refus de différents groupes d’assurances de rendre publiques les études sur le nombre d’accidents du travail, les causes de ces derniers et le nombre de jours d’arrêt de travail.

Ce choix est légitime, dès lors que l’on recherche davantage de justice sociale dans le financement, afin d’assurer l’égalité de traitement des exploitants.

« Choix incontestablement cohérent avec l’organisation de notre protection sociale ; logique, à partir du moment où l’on considère que la réalisation de profits par les compagnies d’assurances, sur ce type de risques, est contestable. » Je me contente de vous citer, monsieur le rapporteur !

Pour autant, soucieux d’éviter une augmentation des prélèvements obligatoires et d’assurer l’équilibre des finances publiques, vous proposez, messieurs, le maintien d’un régime concurrentiel avec liberté des primes soit disant régulé par l’existence d’un plafond pour les primes correspondant aux garanties minimales. Le dispositif comporte une garantie obligatoire de base, dont vous réduisez au passage le champ, le versement des rentes servies aux ayants droit devenant une simple faculté. Dans ce scénario partenarial, la MSA n’a plus le même rôle pivot, même si elle garde la maîtrise du contrôle de l’obligation d’assurance ainsi que du contrôle médical, et assume l’animation et la coordination de la prévention.

Vous n’allez pas jusqu’à dénoncer ouvertement la « nationalisation » de l’assurance accidents du travail et maladies professionnelles des exploitants agricoles, comme l’ont fait certains de vos collègues à l’Assemblée nationale.

Toutefois, nous ne sommes pas dupes. Votre démarche s’inscrit dans une conception plus générale, mainte fois formulée par les élus de la majorité sénatoriale à l’occasion du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, d’une gestion privée des risques de l’assurance maladie, notamment.

A ce titre, la lecture du rapport de M. Seillier est fort intéresante. En effet, à la page vingt-cinq, les raisons qui motivent la préférence donnée au régime assuranciel apparaissent clairement. Vous les avez en outre rappelées, monsieur le rapporteur.

Vous ne pensez pas « souhaitable, au moment où certains états européens privatisent la gestion de cette branche pour les salariés, d’accomplir une démarche en sens inverse pour les exploitants agricoles ». Surtout, vous rejetez la suppression du régime concurrentiel car vous craignez, qu’à terme, cela ne « conduise à fixer des cotisations proportionnelles en fonction des revenus ».

L’atout majeur du texte que vous vous emploierez, amendement après amendement, à défaire, puisque vous nous proposez un contre-projet complet, réside dans la mutualisation du risque et de son financement.

Pourquoi ne pas rechercher un système qui prenne en compte les disparités de revenus et fasse par conséquent jouer pleinement la solidarité ?

Monsieur le ministre, la proposition de loi retient le principe de cotisation forfaitaire par exploitation. Ne pensez-vous pas qu’il est profondément injuste que cette cotisation soit la même pour une exploitation dégageant un revenu égal à trois fois le SMIC que pour une petite exploitation qui dégage, avec difficulté, l’équivalent d’un SMIC ?

Indiscutablement, le remplacement du régime assurantiel par un dispositif de droit commun, en matière de protection sociale, sa gestion par la MSA, le service de prestations les plus proches possible de celles qui sont en vigueur dans les régimes de sécurité sociale sont autant d’avancées que nous soutenons. En conséquence, nous ne pouvons adhérer aux propositions de M. le rapporteur tendant à construire un dispositif de tout autre nature.

Vote sur l’ensemble

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Mutualité sociale agricole n’aura pas à assumer un rôle de caisse pivot, la gestion décentralisée de l’AAEXA ayant été supprimée par la Haute Assemblée. Cette gestion lui échappera donc. Après avoir vidé de son sens la proposition de loi et retiré le rôle pivot de la MSA, le Sénat, par un véritable contre-projet, crée ce soir - je cite M. le rapporteur - un véritable « service de sécurité sociale privé ».

Au cours de ce débat sans grande surprise, la majorité sénatoriale, suivant les recommandations du rapporteur de la commission des affaires sociales, a tiré les conséquences de son choix de départ de maintenir l’AAEXA dans un cadre assuranciel et concurrentiel. Ainsi, les organismes assureurs pourront continuer à bénéficier d’une liberté tarifaire, de gestion et, par là-même, de fortes marges bénéficiaires.

Pas une disposition ne fait référence à un réel programme de prévention avec obligation pour les assureurs privés de mettre à disposition de la MSA l’ensemble des données statistiques en leur possession.

Les exploitants agricoles en attente d’une couverture de base accidents du travail-maladies professionnelles à parité avec le régime salarié devront se satisfaire non d’une réelle amélioration des prestations, mais d’un régime avec des garanties minimales, les rentes servies aux ayants droit relevant désormais du champ complémentaire.

M. Hilaire Flandre. N’importe quoi !

M. Guy Fischer. Considérant qu’il était nécessaire non pas de retoucher à la marge mais de réformer l’actuel régime de l’AAEXA afin qu’il réponde aux exigences du xxie siècle, nous avons soutenu la nature du choix retenu par la proposition de loi du groupe radical, citoyen et vert, enrichie à la suite de son examen par l’Assemblée nationale, à savoir la constitution d’un véritable régime de sécurité sociale fondé sur la solidarité.

Par conséquent, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront contre le texte tel qu’il a été modifié par le Sénat.

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