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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Dans le secteur culturel, l’absence de visibilité des femmes appelle des réponses fortes

Egalité entre les femmes et les hommes (deuxième lecture) -

Par / 17 avril 2014

Présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, au terme de la première lecture à l’Assemblée nationale, le 28 janvier dernier, du projet de loi que nous examinons aujourd’hui, certaines dispositions du texte modifié par les députés transcrivaient des recommandations formulées, notamment, par notre délégation, et je ne pouvais que m’en réjouir.

Je considérais, alors, que l’examen par l’Assemblée nationale avait permis de faire avancer la place des femmes, en particulier dans le secteur culturel et, également, au regard de l’objectif de représentativité équilibrée dans les conseils d’administration des établissements publics. Ces dispositions, sur lesquelles je vais revenir dans quelques instants, traduisaient des recommandations formulées par la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de notre assemblée et prolongeaient donc le travail engagé par notre délégation.

Le texte résultant des travaux de la commission des lois du Sénat connaît des évolutions notables.

Certaines de ces évolutions sont confortées, et je m’en félicite. En revanche, d’autres ont été supprimées. Aussi, je souhaite revenir sur ces suppressions et poursuivre le dialogue constructif et harmonieux qui a présidé à nos débats depuis le début de l’examen de ce projet de loi.

Je regrette, en premier lieu, que les articles 16 bis, 18 B et 22 quinquies, qui régissent le secteur culturel, aient été supprimés.

Vous le savez, notre délégation a consacré, l’année dernière, une importante part de ses travaux à la place des femmes dans le secteur de la culture.

Les procédés d’invisibilisation des femmes à l’œuvre dans ce secteur hautement symbolique appellent des réponses fermes et des actes concrets.

En prévoyant, à l’article 22 quinquies, la création d’un observatoire de l’égalité entre les hommes et les femmes dans la culture et la communication, placé auprès du ministre chargé de la culture, les députés consacraient dans la loi l’existence de l’état des lieux sur la place des femmes établi annuellement par ce ministère.

Nous le savons bien, ce genre d’initiatives dépend largement de la volonté politique. Nous avons la chance, aujourd’hui, de collaborer avec une ministre particulièrement sensibilisée à la question de la place des femmes à la tête des institutions culturelles. Mais demain ?

La logique de cooptation et le fonctionnement en réseau du secteur culturel constituent véritablement un handicap pour les femmes. Il me semble, tout en entendant l’argumentaire développé par la commission des lois, que la reconnaissance légale du devoir de vigilance sur la question est un minimum que nous pouvons attendre des gouvernements actuel et futurs. Je demanderai donc, par voie d’amendement, le rétablissement de cet observatoire.

Dans le même secteur, l’obligation de dispenser un enseignement sur l’égalité, la lutte contre les stéréotypes, les préjugés sexistes, les images dégradantes et les violences dans les écoles de journalisme et les écoles d’architecture faisait également partie des recommandations de notre délégation.

Les articles 16 bis et 18 B introduits par les députés transcrivaient cette demande dans la loi. La commission des lois les a supprimés.

Pour notre délégation, la sensibilisation des étudiants et étudiantes qui vont construire nos représentations de demain est primordiale.

Je ne pense pas qu’introduire une sensibilisation à la lutte contre les stéréotypes sexués dans les programmes aille à l’encontre de la liberté pédagogique que nous reconnaissons aux établissements qui les forment. Néanmoins, j’entends l’argument selon lequel ces modules de formation devraient être introduits dans toutes les écoles de formation artistique, sans distinction. Cette question s’inscrit donc dans le cadre de nos travaux de suivi des recommandations formulées dans notre rapport de délégation sur les femmes et la culture.

J’entends aussi l’argument de l’autonomie de ces écoles. Cependant, celle-ci ne doit pas les dispenser d’œuvrer, comme établissements de formation, au respect de principes constitutionnels, notamment celui de l’égalité, qui régissent notre République.

Le second volet, qui a été substantiellement révisé par la commission des lois, concerne l’extension des objectifs de représentation équilibrée, en particulier dans les instances dirigeantes des établissements publics.

Lors de l’examen par le Sénat du texte qui est devenu la loi du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle, notre délégation avait appelé à l’exemplarité des établissements publics. Elle avait suggéré que l’objectif soit d’atteindre la parité dans ces derniers.

En introduisant, aux articles 19 ter et 20, une obligation de parité pour les personnalités qualifiées dans les conseils d’administration des établissements et entreprises publics, les députés allaient dans ce sens. L’article 22 ter A étendait ce même objectif aux établissements publics de coopération culturelle, les EPCC.

La délégation a toujours considéré que l’État devait être exemplaire et montrer la voie. La délégation voyait ainsi l’aboutissement d’un travail qui lui tenait particulièrement à cœur.

En supprimant ces dispositions au nom de la rigidité ou de la contrainte qu’elles engendraient pour les entreprises publiques, la commission des lois remet en cause l’argumentation sur laquelle est construite l’obligation légale de représentativité équilibrée des membres des instances dirigeantes des entreprises, et envoie un signe négatif au secteur privé en matière d’exemplarité du secteur public. Je défendrai donc, par voie d’amendement, le rétablissement de ces dispositions.

Parmi les avancées introduites par l’Assemblée nationale et maintenues par la commission des lois, je voudrais, à titre personnel, saluer la suppression à l’article 5 quinquies C de la condition de « situation de détresse » posée par le code de la santé publique pour recourir à l’IVG. Il était temps, me semble-t-il, que la loi reconnaisse aux femmes la libre appréciation de la nécessité dans laquelle elles se trouvent de mettre fin à une grossesse.

Je voudrais aussi commenter deux mesures très importantes du projet de loi concernant les mariages forcés, qui constituent une forme particulière de violence à laquelle la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes est particulièrement sensibilisée.

Il faut rappeler que cette pratique d’un autre âge, qui n’est autre qu’un viol qui dure toute une vie,...

M. Roland Courteau. C’est vrai !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. ... concerne environ 70 000 jeunes femmes en France.

La plupart de ces jeunes filles sont mariées contre leur gré pendant les vacances dans leur pays d’origine, avec la complicité de leur famille. Nos postes diplomatiques et consulaires sont sensibilisés à ce phénomène.

À cet égard, il est heureux que le Sénat ait pris l’initiative de permettre le rapatriement en France, par les autorités consulaires, de femmes étrangères victimes d’un mariage forcé et retenues contre leur gré à l’étranger pendant une période de plus de trois ans, au terme de laquelle leur carte de résident est devenue périmée.

Je me réjouis que les députés aient adopté conforme cet article 15 sexies adopté par le Sénat en première lecture.

Je trouve également opportun le nouvel article 15 septies introduit par l’Assemblée nationale, laquelle a souhaité renforcer l’exigence de consentement des époux, quelle que soit leur loi personnelle. La modification du code civil adoptée par les députés permet de contester un mariage conclu, par exemple, dans un pays où un simple consentement formel au mariage suffit, si la preuve est apportée que le libre consentement des deux époux n’est pas vérifié.

J’en viens aux dispositions supprimées par l’Assemblée nationale et dont la commission des lois a maintenu la suppression.

En première lecture, le Sénat avait introduit un article 15 quater prévoyant qu’un rapport annuel fasse le bilan de l’application de la loi en matière de traitement des violences envers les femmes et qu’un observatoire de ces violences soit créé dans chaque département.

Cet article a été supprimé par l’Assemblée nationale au motif que ce dispositif serait redondant avec la Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains, la MIPROF.

Or, en matière de violences, nous le savons bien, si les faits sont invisibles, cela contribue à maintenir les auteurs dans un sentiment d’impunité. Mesurer régulièrement, au niveau local, l’évolution des faits de violences dénoncés par les victimes et analyser les modalités de leur traitement fait partie, de mon point de vue, du dispositif de prévention et de lutte contre les violences. C’est aussi donner le signe de la mobilisation locale.

Par conséquent, la suppression de cet article par l’Assemblée nationale me semble regrettable. J’en demanderai le rétablissement par voie d’amendement.

Le sort réservé aux dispositions en faveur des femmes étrangères victimes de violences mérite que nous nous y attardions.

En première lecture, l’Assemblée nationale a supprimé le III de l’article 14, qui étendait à Mayotte le dispositif d’exonération de taxes pour la délivrance et le renouvellement des titres de séjour.

Quant à l’article 14 bis, il permettait la délivrance d’une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale », autorisant l’exercice d’une activité professionnelle à l’étranger déposant plainte pour proxénétisme ou traite, ou témoignant dans une procédure concernant ces délits.

Sa suppression a été maintenue par la commission des lois, et je le regrette. Je suggère que la commission spéciale saisie de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel se penche sur ce sujet, crucial pour assurer le parcours de sortie de personnes prostituées.

Enfin, sans revenir sur le fond de l’argumentaire que j’ai déjà largement développé, je reste convaincue du bien-fondé de l’exclusion du recours à la médiation pénale en cas de violences conjugales.

Cette disposition, introduite en première lecture sur l’initiative de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, a été supprimée à l’Assemblée nationale. Conformément à la position que j’ai défendue en première lecture, j’en demanderai le rétablissement par voie d’amendement.

Telles sont les remarques que je souhaitais faire en tant que présidente de la délégation aux droits de femmes. Je ne doute pas que nos échanges permettront d’améliorer encore ce beau texte.

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