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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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De recul en recul, ce texte ne vise plus que quelques rares entreprises

Economie réelle -

Par / 4 février 2014

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, personne ne peut ici, quelles que soient les travées sur lesquelles il siège, se réjouir de la montée persistante du chômage.

Ce constat, loin d’être alarmiste est celui d’un sénateur du Pas-de-Calais qui côtoie au quotidien la misère, celle qui s’installe durablement dans nos communes, où le taux de chômage peut excéder 25 %.

C’est le constat d’un sénateur qui, comme vous, rencontre quotidiennement des jeunes et des moins jeunes, qui, pour certains, n’ont jamais connu autre chose que la privation d’emploi ou les contrats précaires et sous-payés.

C’est également le constat d’un sénateur qui n’en peut plus de voir ses concitoyens penser que plus rien n’est possible pour changer la donne, ce qui les rend plus réceptifs aux discours simplistes qui favorisent la division.

C’est, enfin, le constat d’un homme qui ressent, lui aussi, comme un choc une certaine forme de démission collective face à la désindustrialisation et aux délocalisations dont notre pays est victime.

Voilà un an, quasiment jour pour jour, j’intervenais pour dire que le groupe CRC voterait en faveur du projet de loi portant création des emplois d’avenir.

Pointant les insuffisances de ce texte, nous avions fait des propositions alternatives plus ambitieuses, sans doute trop ambitieuses pour être retenues par le Sénat. Au final, malgré nos réserves, nous avions voté en faveur de ce projet de loi, non sans avoir rappelé que cette mesure ne serait positive qu’à la condition que le Gouvernement « s’attaque au chômage des jeunes dans sa globalité, c’est-à-dire aux pertes d’emplois industriels et tertiaires, en prenant des mesures structurelles. » « Nous devons faire en sorte que la finance, qui domine trop souvent l’économie réelle, cède de son pouvoir, afin que l’emploi soit mieux pris en compte », avions-nous insisté.

Notre démarche, hier comme aujourd’hui, consiste à soutenir les dispositions visant à faciliter le retour à l’emploi et à permettre aux demandeurs d’emploi de retrouver pleinement leur place au travail, ainsi que la satisfaction d’être utiles à la société.

Ce que je viens de dire en rappelant les exigences formulées en 2013 nous conduit à porter un regard réservé, pour ne pas dire critique, sur la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui.

Force est de constater que nous sommes loin de la proposition de loi tendant à interdire les licenciements boursiers que nous avions déposée, et que les groupes socialiste et écologiste avaient votée. En 2011, nous avions fait, ensemble, le constat qu’il n’était plus supportable que les entreprises en bonne santé – qui plus est, celles qui distribuent des dividendes à leurs actionnaires – continuent de briser la vie de centaines de milliers de salariés aux seules fins de rentabilité financière.

Nous avions admis, ensemble, que les intérêts de la société étaient de faire primer l’emploi sur le capital ; le travail sur les actionnaires. En votant en faveur de cette proposition de loi, la gauche avait adressé un signal fort. Il s’agissait non pas, dans notre esprit du moins, d’une posture, mais, bel et bien, d’un choix politique assumé et porteur d’espoirs.

Or force est de constater que cette proposition de loi, qui nous est présentée comme devant reconquérir l’économie réelle, est en très net retrait par rapport à ce que nous avions soutenu ensemble.

Elle est même en retrait par rapport à ce que souhaitait François Hollande, qui, lors d’un déplacement à Florange en février 2012, annonçait légiférer sur l’obligation pour l’employeur de rechercher un repreneur en cas de fermeture d’un site. Cette promesse s’est immédiatement traduite par le dépôt, le 12 février 2012, d’une proposition de loi tendant à garantir la poursuite de l’activité des établissements viables notamment lorsqu’ils sont laissés à l’abandon par leur exploitant. Cette proposition deviendra par la suite la proposition n° 35 de son programme présidentiel, qui prévoyait de donner « aux ouvriers et aux employés victimes de licenciements boursiers, la possibilité de saisir le tribunal de grande instance dans les cas manifestement contraires à l’intérêt de l’entreprise ». Vous avez bien entendu, mes chers collègues, le tribunal de grande instance et non pas le tribunal de commerce !

Cette promesse a été tempérée dès juillet 2012, lors de la première conférence sociale, avec la proposition visant seulement à « encadrer les licenciements manifestement abusifs et les obligations liées à des projets de fermeture de sites rentables ».

Viendra ensuite la transposition de l’ANI du 11 janvier 2013, dont l’article 19 prévoyait une simple obligation d’information et de consultation du comité d’entreprise sur les offres de reprise, une obligation assortie d’ailleurs d’aucune sanction, ce que nous n’avions pas manqué de dénoncer.

Épilogue de ce parcours législatif : le dépôt à l’Assemblée nationale d’une proposition de loi visant à redonner des perspectives à l’économie réelle et à l’emploi industriel. Or celle-ci arrive au Sénat affaiblie – c’est un constat –, avec la réintroduction par la commission des affaires sociales du seuil de cinquante salariés pour ce qui concerne l’établissement concerné par la fermeture. Autant dire que peu d’entreprises seraient concernées par cette proposition de loi, dont le champ serait soumis à trois conditions cumulatives : une entreprise employant plus de mille salariés, un site d’au moins cinquante salariés promis à la fermeture et un PSE, un plan de sauvegarde de l’emploi, c’est-à-dire l’engagement d’une procédure de licenciement concernant au moins dix salariés.

Oui, naturellement, nous nous réjouissons que les salariés via les comités d’entreprise soient informés des projets de fermeture de sites, ainsi que des projets de reprise. La procédure d’information-consultation nous semble effectivement positive. Pour autant, et nous y reviendrons sous forme d’amendements, elle ne doit pas être limitative et priver les représentants des salariés de la capacité d’informer leurs collègues des effets des offres de reprise sur l’emploi.

Chercher à sanctionner les dirigeants et les entreprises qui ne jouent pas le jeu de la recherche d’un repreneur quand le site est rentable constitue, là encore, une mesure salutaire que nous aurions été tout prêts à soutenir si les pénalités prévues n’étaient pas aussi basses. En réalité, le mécanisme choisi permettra aux employeurs qui refusent à tout prix – on connaît de tels cas – de vendre le site à un repreneur concurrent, d’anticiper et d’intégrer le coût de cette pénalité dans le plan social.

Nous nous étonnons également que les aides financières publiques fassent l’objet non pas, comme nous le souhaitons, d’un remboursement obligatoire, mais d’un recours facultatif. Celui-ci pourrait être d’autant plus rare que la proposition de loi ne mentionne pas la manière dont les personnes publiques chargées de cette mission pourront être tenues informées des décisions rendues par les tribunaux de commerce.

Enfin, si nous soutenons l’idée d’un recours en justice en cas de non-respect des obligations patronales quant à la recherche de repreneurs, nous aurions préféré que ce soit le tribunal de grande instance qui soit saisi – cela aurait été fidèle à l’engagement de François Hollande ! –, et non les tribunaux de commerce, dont la composition et le fonctionnement ont d’ailleurs été critiqués par la ministre de la justice elle-même.

Bref, tout cela nous donne l’impression que l’on ne va pas au bout de la logique et encore moins des ambitions initialement posées. Ce texte est à l’image du pacte de responsabilité promis récemment par le Président de la République : tout en donnant quelques illusions, tout y est mis en œuvre pour ne pas brusquer ou contraindre le patronat. Les quelques avancées – trop modestes ! – pourraient bien n’être que des mirages qui se dissiperont quand les salariés voudront mettre en œuvre ces actions.

C’est pourquoi les sénatrices et sénateurs du groupe CRC s’abstiendront sur cette proposition de loi.

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