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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Droits des personnes handicapées : conclusions de la commission mixte paritaire

Par / 27 janvier 2005

par Michelle Demessine

Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Mes chers Collègues,

En nous attelant, il y un an jour pour jour à la réforme de la loi dite fondatrice de 1975, nous savions vous et moi que la tâche serait d’importance. En effet rénover et améliorer la grande loi de 75 qui a marqué un tournant décisif dans la prise en charge du handicap et dans l’intégration sociale et professionnelle des personnes handicapées ne pouvait être anodin et se devait de répondre aux attentes et besoins de celles et ceux qui l’appellent de leurs vœux depuis des décennies.
Evoquer, voire invoquer la citoyenneté des personnes en situation de handicap ne pouvait que susciter un espoir immense et engager en conséquence un chantier réellement refondateur de cette citoyenneté si légitime.

En témoigne la formidable présence des associations et des personnes en situation de handicap et de leur famille. Et je souhaite ici saluer l’extraordinaire travail d’analyse, de proposition, dans le respect des règles de la nation qu’ont accompli ces associations et ces personnes qui sans jamais perdre de vue l’intérêt de notre pays se sont attachées, jour après jour, texte après texte, à améliorer les dispositions de ce projet de loi.
En témoigne également les quelques 1500 amendements déposés et discutés dans nos deux chambres parlementaires.

C’est dire que la proposition initiale ne pouvait convenir aux aspirations et à l’ambition de notre nation. C’est dire également l’espérance et l’enthousiasme déclenchés par cette perspective de pouvoir changer enfin le quotidien de celles et ceux qui aspirent à la dignité et à la citoyenneté ordinaire.

Il est un fait que la réforme de la loi de 75 se devait d’être d’une envergure telle que l’on puisse y puiser toutes les avancées sociales et humaines pour les années à venir. Et en ce sens il devenait absolument nécessaire de lui donner une architecture solide, solidaire et pérenne.

Au final, il faut bien reconnaître que ce chantier présidentiel est en panne d’architecte, ou alors ce sont les fondations qui y font défaut.
J’évoquerai ici bien sûr et en premier lieu, la définition même du handicap.
Je peux témoigner que la dernière version adoptée, même si elle paraît mieux correspondre aux exigences de la citoyenneté que celle à laquelle elle s’est substituée, déçoit fortement celles et ceux, et dont je suis, qui militent pour une approche vraiment renouvelée du handicap.

Caractériser la vie de la personne en situation de handicap, sans lui attribuer un défaut ou une qualité du fait de ce handicap, c’est ce que nous attendions de cette définition. Le handicap n’est pas uniquement une altération subie par la personne mais bien le produit de cette altération dans un environnement qui ne permet pas de la compenser ou qui même l’aggrave.

Il ne nous paraissait pas complètement irréaliste que la France se mette en conformité avec les recommandations de l’OMS et de l’Union européenne, mais il faut croire que les enjeux importants portés par cette définition ne pouvaient convenir à la stratégie en trompe l’œil du gouvernement.
Car il ne s’agit pas là d’un simple renoncement sémantique.

Avec l’adoption d’une définition dynamique du handicap nous attendions une contribution à un modèle de société, à une rénovation de ses fondements qui aurait pu permettre la structuration d’une réforme d’envergure.
En refusant une définition intégrant pleinement l’environnement de l’individu, le gouvernement limite de facto l’ambition de sa proposition, considérant une fois de plus la personne en situation de handicap dans la sphère de l’assistance et non de la citoyenneté.

J’en viens inévitablement à la question des ressources. Après un silence, qui fut qualifié d’assourdissant, du texte et du gouvernement sur la question du montant de l’AAH, les dispositions concédées par le gouvernement ne satisfont pas l’exigence d’un droit à un véritable revenu d’existence. Elles ne permettront pas de porter le montant de l’AAH au niveau du SMIC, comme nous l’appelions de nos vœux en écho aux associations et aux personnes concernées.

J’irai même plus loin, la création des nouvelles prestations que sont la Garantie de ressource pour les personnes handicapées et la Majoration pour la Vie Autonome risquent, par le jeu des conditions supplémentaires d’attribution, de provoquer une perte sèche de 94€ par mois et au mieux ne se traduira que par une augmentation maximum de 47€.

En aucun cas, nous ne saurions accepter, Madame la Ministre, que l’amélioration des ressources de certaines personnes handicapées ne pouvant travailler se fasse au détriment d’une majorité de personnes en situation de handicap du fait de la remise en cause du régime de l’AAH.
Je crains fort que le réveil soit très douloureux pour celles et ceux qui on mis leurs espoirs de vie meilleure dans ce texte et dans les déclarations qui l’ont accompagné.

Je l’avais signalé en son temps, la méthode de morcellement utilisée par le gouvernement pour traiter du handicap n’est pas recevable, elle conduit à des dispositions parcellaires dont les effets, on le voit dans ce cas précis, peuvent être tout à fait insuffisants voire contre productifs.

Dans cette même logique de petits pas, la prestation de compensation, élément pourtant tant attendu, ne permettra pas à toutes les personnes en situation de handicap d’accéder au droit à la prise en charge intégrale de leurs besoins de compensation dans le cadre de prestations légales et universelles. La référence à la liste des prestations et produits remboursables de la sécurité sociale ne couvrira au mieux que 60% des besoins de compensation.

L’instauration d’une allocation compensatrice indépendante de l’origine du handicap, des conditions de ressources, d’âge, de seuil d’invalidité et allouée en fonction des besoins individualisés reste la seule voie de l’universalité et de la rupture avec l’assistance.

De notre point de vue, pour accéder à l’universalité de cette mesure, il fallait entendre la solidarité nationale comme celle de tous pour tous et considérer la prestation de compensation pour toutes les personnes en situation de handicap quelle que soit leur situation financière ou sociale.
Mais vous n’avez pas franchi ce pas et, ce faisant, il ne faudra pas attendre de ce texte qu’il renforce significativement la citoyenneté des personnes en situation de handicap.

L’instauration de la CNSA, voté dans des conditions parlementaires pour le moins acrobatiques, entérine le démantèlement de notre dispositif de sécurité sociale, alors que nous avions là une opportunité historique pour la création d’un cinquième risque de sécurité sociale pour les personnes en situation de handicap quel que soit leur âge.

Cette caisse qui a suscité bien plus de critiques que d’avis favorables, y compris de la part des caisses de sécurité sociale, rejette par ses fondements-mêmes le principe d’universalité et d’égalité de traitement sur le territoire.
En effet, la CNSA n’apportera qu’un financement complémentaire aux départements et si l’évolution des dépenses révèle une insuffisance des ressources, il leur reviendra de financer le différentiel. Et ce n’est pas là le moindre des paradoxes que de proposer une enveloppe fermée pour financer des besoins par nature individualisés et évolutifs ! Et que dire de lundi de Pentecôte dont l’organisation même devient problématique.

Je ne nierai pas, loin sans faut, les multiples améliorations que nos débats, passionnés et souvent passionnants, ont pu apporter au texte. Mais il me semble que, tout de même, les renvois trop nombreux aux décrets, l’imprécision des contours institutionnels, les exonérations et dérogations multiples en matière d’emploi comme d’accessibilité ne permettent en aucun cas un satisfecit de notre part.

Le jeu pour le moins délétère du gouvernement et de la majorité sénatoriale consistant, en deuxième lecture, à détricoter le texte permettant notamment d’assouplir les obligations en matière d’accessibilité, de limiter l’intégration scolaire ou d’étendre les ressources prises en compte pour le calcul de la prestation de compensation, est une méthode que je tiens à dénoncer ici.
Car enfin, au terme de la seconde lecture du projet de loi par les députés, 68 articles restaient en discussion et plus de 100 amendements ont dû être examiner par la commission mixte paritaire.

Un travail d’une telle importance aurait mérité de se poursuivre au parlement par le débat démocratique, afin d’apporter les clarifications et améliorations utiles et tellement nécessaires.
Malgré ce constat, nous avons tenté une dernière avancée en proposant à la CMP des propositions pour :

- Assurer que le droit aux nouvelles prestations, garantie de ressources et majoration pour la vie autonome, se traduise bien par une augmentation du revenu d’existence des personnes handicapées ;

- Pour appliquer pleinement le dispositif de retraite anticipée, y compris aux personnes les plus handicapées ;

- Pour laisser aux parents la décision finale en cas de désaccord avec la commission des droits et de l’autonomie sur la scolarisation de leur enfant ;

- Enfin pour garantir l’indépendance des instances chargées de l’évaluation des situations de handicap et de la commission des droits et de l’autonomie vis à vis des financeurs.

Malheureusement comme nous nous y attendions, la CMP n’aura conduit qu’à un compromis médiocre notamment quant à la décision parentale en cas de désaccord avec la commission des droits et de l’autonomie sur la scolarisation de leur enfant et aucune avancée n’a pu être obtenue sur les dispositions essentielles relatives aux ressources

S’il manque un architecte à cette loi et si ses fondements sont si fragiles c’est bien que la volonté politique n’y est pas. Que le temps de l’expertise et de la concertation n’a pas été évalué à la hauteur des aspirations et des enjeux considérables de notre époque.

Que se passera-t-il demain au sortir de cet espoir de progrès, de transformation du regard, et de notre culture ? Des départements aux prises avec une demande grandissante et des moyens limités ? Une accessibilité remise au lendemain ? Des revenus d’existence équivalents à ceux de subsistance ? Que dirons-nous aux générations de jeunes en situation de handicap ? Que leur destin est à crédit ? Au bon vouloir des conditions budgétaires et de la conjoncture ?

Définitivement non, nous ne pouvons cautionner une loi qui se propose de réglementer pour les trente années à venir le parcours labyrinthique de millions de personnes en situation de handicap, sans réelle perspective et laissant « mis à part » ces citoyens reconnus décidément trop différents.

Nous ne voterons donc pas ce texte qui reste en chantier du fait d’une volonté résolue de ce gouvernement pour la réduction de la dépense publique et le démantèlement de notre protection sociale

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