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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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En vérité, c’est tout le peuple qui travaille qui méritait une augmentation de salaire

Prime aux salariés -

Par / 5 juillet 2011

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, pour la première fois depuis seize ans qu’existent les lois de financement de la sécurité sociale, nous sommes amenés à examiner un projet de loi de financement rectificative.

Cet événement exceptionnel, dont on pourrait croire qu’il résulte d’une situation qui l’est tout autant, n’est en réalité que la conséquence d’une campagne médiatique destinée à permettre à Nicolas Sarkozy d’endosser une nouvelle fois le costume du candidat du pouvoir d’achat, costume qui, il faut le reconnaître, lui allait bien pendant la campagne, mais qu’il avait retiré sitôt élu.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Là, il le reprend !

M. Guy Fischer. Il n’aura d’ailleurs échappé à personne que c’est dans les Ardennes, là même où il avait lancé sa campagne en direction du peuple qui travaille, qu’il a annoncé qu’une prime serait instaurée. Or, j’y reviendrai, cette prime n’a cessé de se réduire comme une peau de chagrin, en ce qui concerne tant son montant que le nombre de ses bénéficiaires.

Or cette prime, que Nicolas Sarkozy présente comme la réponse aux grandes difficultés que rencontrent nos concitoyens, est déjà en elle-même un renoncement. Souvenez-vous du débat télévisé du 5 février 2009, au cours duquel un panel de citoyens, dont un agriculteur, me semble-t-il, l’interrogeaient sur leurs dures conditions de survie.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. En parlant de survie, pour les agriculteurs, vous avez raison.

M. Guy Fischer. Nicolas Sarkozy annonçait, reprenant une idée de Serge Dassault, qui est parmi nous cet après-midi, que la règle des trois tiers est « une bonne règle » : 33 % pour les salariés, 33 % pour les actionnaires, 33 % réservés aux investissements de l’entreprise. Et il ajoutait : « C’est un ordre d’idée, il faut mettre de la souplesse dans tout ça. »

En lieu et place de ce partage, qui n’était pas satisfaisant mais qui était tout de même plus ambitieux que ce que l’on nous propose aujourd’hui, le Gouvernement a, dans la cacophonie la plus totale, annoncé la création d’une prime.

Ainsi, le 13 avril dernier, M. Baroin annonçait, sur Europe 1, la mise en place d’une prime d’au moins 1 000 euros ; le montant de 1 200 euros a même été évoqué. Il semble aujourd’hui que la moyenne des primes versées sera de l’ordre de 700 euros.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est une moyenne, vous le dites vous-même !

M. Guy Fischer. Il n’aura fallu que quelques heures pour que M. Fillon apporte lui-même une modération de taille aux déclarations de son ministre du budget en indiquant que « le Gouvernement n’a pas fixé de montant à cette prime ». Ce qui s’apparentait déjà à une reculade a été fort astucieusement présenté comme devant permettre aux partenaires sociaux de négocier.

Après le montant de la prime, c’est sur les modalités de sa distribution que le Gouvernement a varié, a montré son dysfonctionnement. Alors que le Président de la République annonçait : « Quand il y a la reprise, j’affirme qu’il est normal que les salariés et les ouvriers à qui on a demandé des efforts pendant la crise bénéficient de la reprise, c’est un principe sur lequel je ne céderai pas » et qu’il ajoutait : « Le partage de la valeur, j’y tiens parce que c’est une question de justice »,…

M. Xavier Bertrand, ministre. Tout à fait !

M. Guy Fischer. … il prenait la décision de limiter l’octroi de la prime aux seuls salariés des entreprises employant plus de cinquante salariés et ayant distribué des dividendes en augmentation par rapport aux dividendes versés au cours des deux exercices précédents. Donc, on donne, mais on restreint tout de suite le nombre des bénéficiaires.

Curieuse conception de la justice sociale que celle qui vous conduit à proposer une prime à quelque 4 millions de salariés à peine sur les 24 millions que compte notre pays.

Monsieur le ministre, est-ce à dire que, pour vous, les 20 millions de salariés qui sont écartés de cette mesure ont démérité dans la construction de la richesse française ? Ont-ils produit moins de richesses, vivent-ils mieux que les rares salariés qui auront droit à cette prime ? Nous ne le croyons pas !

Nous sommes également persuadés que c’est bien à tout le peuple qui travaille que vous auriez dû garantir une hausse de son pouvoir d’achat. Contrairement à ce que certains, à droite, voudraient laisser accroire, les salariés privés d’emploi, les allocataires du RSA ou de la prestation de compensation du handicap ne vivent pas dans le luxe. Et il en est de même des bénéficiaires de la couverture maladie universelle ou de la couverture maladie universelle complémentaire. Pour ces 15 millions de Français, les fins de mois difficiles sont devenues la règle, le nombre de cas de surendettement ou de renoncement aux soins explosent. Pour autant, ces Français-là ne bénéficieront d’aucun coup de pouce et ils devront supporter les traditionnelles hausses du mois de juillet : 2,7% pour le passe Navigo en région parisienne,…

Mme Catherine Procaccia. C’est une décision du conseil régional !

M. Guy Fischer. … deux centimes pour les timbres, 2,9 % pour l’électricité et, à la SNCF, une augmentation de l’ordre de 10 centimes à 2,70 euros par billet. (Mlle Sophie Joissains s’exclame.)

Quant aux fonctionnaires, qui réalisent au quotidien un travail exemplaire pour notre pays et nos concitoyens, ils sont soumis à une rigueur financière prenant la forme d’un gel des salaires pendant deux années consécutives, jusqu’en 2014 inclus.

Tenter, comme vous le faites, de rattacher cette prime au principe de versement des dividendes vous permet de donner l’illusion d’une mesure de justice sociale. Mais il ne s’agit en fait que d’une ombre chinoise : plus on s’en approche, plus elle s’efface, s’estompe.

Monsieur le ministre, comment pouvez-vous expliquer qu’avec le dispositif actuel Total, qui est pourtant la plus grosse entreprise du CAC 40, échappera au versement de cette prime ? Et pourtant, comme l’a rappelé Françoise Laborde, le groupe a réalisé un bénéfice net de 10,288 milliards d’euros. Il a déjà prévu d’en affecter la moitié aux actionnaires : le montant du dividende versé par action a été fixé à 2,28 euros, soit un montant identique à celui de 2010. Les salariés de Total seront écartés de ce dispositif…

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous ne dites pas tout sur les salariés de Total !

M. Guy Fischer. … à cause des critères que vous avez vous-même fixés, monsieur le ministre. Est-ce à dire que les salariés de cette entreprise ont démérité ou qu’ils devraient moins que les actionnaires accéder au partage des richesses qu’ils ont pourtant contribué à produire ?

M. Xavier Bertrand, ministre. L’intéressement a augmenté de 15 % !

M. Guy Fischer. La prime que vous proposez aujourd’hui ne peut donc répondre durablement et pour toutes et tous à l’écrasement des salaires et des pensions qui entraîne un recul sans précédent du pouvoir d’achat dans notre pays. Telle est la réalité : nous n’avons jamais vu dans l’Histoire les salaires être écrasés comme ils le sont aujourd’hui, ne pas augmenter.

Contrairement à ce que vous voudriez nous faire croire, cette prime ne permet pas un véritable partage des richesses. Je crains même qu’elle ne vous permette en réalité d’éviter cette question en donnant l’illusion que vous vous en préoccupez.

Les organisations syndicales ne sont d’ailleurs pas dupes et toutes exigent, comme nous, une augmentation notable des salaires. Or, pour ce faire, vous devez rompre avec le programme de stabilité européen qui, au nom de la concurrence et du libéralisme, interdit les augmentations de salaires. Vous devez aussi renoncer à l’ensemble de vos politiques fiscales et sociales qui privilégient toujours les plus riches et les spéculateurs au détriment de l’immense majorité de nos concitoyens. Vous devez enfin privilégier l’emploi rémunérateur et de qualité contre les contrats précaires à temps partiels qui permettent l’accroissement des dividendes.

Bref, vous devez tout simplement rémunérer le travail à sa juste valeur, même si cela suppose de s’attaquer à la financiarisation de notre économie, mortifère pour l’emploi et, par voie de conséquence, pour la croissance et les comptes sociaux.

En 2009, année de crise, 105 milliards d’euros ont été distribués par les entreprises pour rémunérer la propriété, c’est-à-dire les dividendes et les autres revenus du capital. Cela représente un doublement en dix ans et en euros constants.

Ces sommes colossales, que l’on peine à imaginer, et qu’une poignée de privilégiés se partagent, sont sans commune mesure avec les 700 euros que 4 millions de salariés auraient au final à se partager si ce projet de loi de financement est adopté.

C’est la raison pour laquelle nous voterons contre la prime et contre l’ensemble du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Nous le ferons non parce que nous refusons que des salariés puissent bénéficier de cette prime – car dans la situation qui est la leur tout est bon à prendre –, mais parce que nous voulons que vous sachiez et que nos concitoyens prennent pleinement conscience que la création de cette prime ne peut pas s’appeler un « partage des richesses ». Aux salariés, aux ouvriers, aux précaires, vous ne laissez que les miettes d’un gâteau que d’autres, les ultra-riches, les super-riches, s’accaparent.

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