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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Epargne retraite : question préalable

Par / 14 octobre 1999

par Guy Fischer

Monsieur le président, madame la secrétaire d’Etat, mes chers collègues, reprochant au Gouvernement son immobilisme sur le sujet brûlant des retraites, jouant du catastrophisme ambiant concernant les conséquences de la fin de la période d’activité professionnelle des classes d’âge du baby-boom, opposant une fois de plus les salariés du secteur public aux salariés du secteur privé, mais surtout pressée, non sans arrière-pensées, de prétendument réformer le système français de retraite par répartition pour, en fait, justifier la mise en place des fonds de pension, la droite multiplie, c’est le moins que l’on puisse dire, les initiatives parlementaires.

A la fin du mois de janvier dernier, l’Assemblée nationale a examiné un texte, issu de la réflexion de M. Douste-Blazy, tendant à créer des plans de prévoyance retraite.

Au cours du débat sur cette question de fond, la droite est apparue divisée. M. Barrot, rapporteur du texte, qui s’est opposé à la création d’un étage supplémentaire obligatoire de retraite " qui risque d’accroître les prélèvements obligatoires et de limiter le rôle de la négociation collective " - je reprends ses propres termes - s’est empressé de corriger le dispositif pour le rendre " plus souple ", sans pour autant bouleverser l’économie générale de ce texte empreint d’une forte inspiration libérale.

M. Charles Descours, rapporteur de la commission des affaires sociales. Ultra- libérale !

M. Guy Fischer. Sur le même sujet, deux propositions de loi ont été tour à tour déposées sur le bureau de notre Haute Assemblée.

Largement inspirée de la version amendée de M. Douste-Blazy, la proposition de loi de M. Descours tente, mais sans y parvenir, de gommer les griefs invoqués contre la loi Thomas du 25 mars 1997. Les fonds de retraite proposés seraient facultatifs et négociés. Les efforts supplémentaires demandés aux cotisants - salariés et employeurs - seraient soutenus par de fortes incitations fiscales et des dégrèvements de cotisations sociales.

S’agissant des exonérations de cotisations sociales, alors que la proposition de loi de M. Arthuis exonère de cotisations sociales, y compris de cotisations vieillesse, l’abondement des employeurs, le dispositif prévu dans la proposition de loi de
M. Descours circonscrit quelque peu les exonérations de cotisations vieillesse. Pour autant, et cela ne trompe personne, au fond, l’objectif poursuivi est le même : généraliser un étage supplémentaire de retraite par capitalisation en développant, au détriment du système par répartition, l’épargne retraite.

Saisie de ces deux propositions de loi, la commission des affaires sociales, suivant les conclusions de son rapporteur, a " rebâti " - c’est surprenant ! - un texte complet, réaffirmant le mécanisme général défini par la loi Thomas.

Contrairement à vous, messieurs de la majorité sénatoriale, partisans nostalgiques de la loi Thomas - M. Marini nous en a apporté la preuve - nous sommes satisfaits qu’aujourd’hui cette dernière n’ait pu être appliquée et que le Gouvernement se soit engagé en faveur de son abrogation.

Je partage pleinement les arguments développés par le Gouvernement par la voix de Mme la ministre de l’emploi et de la solidarité pour justifier cette décision.

En détournant des ressources complémentaires pour la sécurité sociale, l’épargne retraite est une véritable menace pour la répartition.

Inégalitaire, injuste, elle accorderait des avantages à certains seulement.

Enfin, " solution individuelle, non collective et négociée ", la capitalisation telle qu’elle est envisagée par la loi du 25 mars 1997 fait fi des droits collectifs des salariés.

Vous entendez donc à nouveau initier un débat sur cette base, débat biaisé qui s’appuie sur le diagnostic et les conclusions, à notre sens alarmistes, développés par M. Jean-Michel Charpin.

Simple prétexte politicien pour, d’une part, tenter de prendre de vitesse le Gouvernement, qui, sur le fond, a engagé avec l’ensemble des forces sociales une concertation sur les réponses à apporter au problème de la répartition - M. le ministre nous l’a rappelé ce matin - et, d’autre part, donner l’écho aux propos tenus par Jacques Chirac lors de son allocution du 14 juillet ou, plus récemment, devant la Fédération internationale des personnes âgées, exhortant le Gouvernement à faire des choix de société concernant les retraites.

Si, aujourd’hui, les trois quarts des salariés s’inquiètent quant à l’avenir de nos régimes de retraite, c’est que tous sont très légitimement et profondément attachés au système de la répartition, système solidaire, juste, instauré en 1945 à la suite de la faillite - je vous le rappelle - mes chers collègues - des systèmes de capitalisation et qui, depuis, a largement fait les preuves de son efficacité et de ses vertus en termes de solidarité.

Même si de profondes inégalités perdurent, le revenu moyen des retraités est à peu près égal à celui des salariés. Pour autant, les retraités ne sont pas des nantis ! N’oublions pas qu’à plusieurs reprises ces derniers ont fait les frais de votre politique, messieurs de la droite sénatoriale !

Dois-je rappeler ici la nocivité des décisions prises depuis 1987 : la désindexation du calcul des retraites, l’allongement de 150 à 160 trimestres de la durée de cotisation ouvrant droit à une retraite à taux plein, la référence aux vingt-cinq dernières années et non plus aux dix meilleures comme base de calcul, ou les accords ARRCO-AGIRC ?

Vous avez beau jeu de constater qu’une partie des Français sont tentés de rechercher individuellement des réponses dans les produits financiers !

N’êtes-vous pas responsables de la situation actuelle, des problèmes conjoncturels de financement de la protection sociale ?

Votre logique de réduction du coût du travail, d’amenuisement continu de la contribution des entreprises n’a-t-elle pas fragilisé les comptes sociaux, le régime vieillesse notamment ?

A dessein, vous mettez en exergue le problème de la démographie. S’il est exact qu’en 2015 deux actifs cotiseront pour un retraité, alors qu’en 1930 le rapport était de quatre pour un, et qu’en plus, du fait de l’allongement de la durée de vie, la durée moyenne de la retraite se trouvera accrue par rapport à la période d’activité, vous négligez de présenter les dimensions économiques et sociales du problème.

Pourtant, le niveau et la qualité de l’emploi sont des éléments clés ! Pourquoi occulter le fait que si, la population réellement active se développe à un rythme soutenu, avec la création de plusieurs centaines de milliers d’emplois par an, le " choc démographique " pourra être amorti ? Vous connaissez pourtant aussi bien que moi les prévisions de croissance !

De toute façon, le problème de ce choc démographique se posera que l’on ait fait le choix initial de la répartition ou de la capitalisation. Quoi qu’il en soit, la part du PIB versée aux retraités ira croissante, qu’elle soit prélevée sur les revenus du capital ou les cotisations des salariés, sauf à enfermer ces derniers dans une pauvreté grandissante.

Dès lors, je ne vois pas en quoi l’institution d’un troisième niveau de retraite par capitalisation sauverait l’actuel système de retraite par répartition !

Mme Hélène Luc. Très bien !

M. Guy Fischer. Présenté à tort comme un moyen d’améliorer la protection sociale des salariés, il contribuera, en fait, à la fragiliser et il justifiera à terme le gel de toute décision nécessaire au renforcement de la répartition.

De plus, comment prétendre que l’objet est social quand, au lieu d’apporter des garanties, on introduit les risques inhérents aux placements financiers et l’on renforce les inégalités sociales ?

Le Monde diplomatique a repris récemment des extraits d’un ouvrage publié voilà dix-sept ans par MM. Dominique Strauss-Kahn et Denis Kessler. Je constate d’ailleurs que M. le rapporteur a les mêmes lectures que moi !

M. Charles Descours, rapporteur. Quel apparentement terrible !

M. Guy Fischer. Mais nous n’avons pas lu les mêmes passages !

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. A chacun son histoire !

M. Guy Fischer. En fait, la messe peut-être dite de deux façons différentes !

M. Charles Descours, rapporteur. La messe, il vaut mieux que ce soit moi qui la dise ! (Sourires.)

M. Guy Fischer. Je vais vous la dire, la messe !

Denis Kessler écrivait qu’" il est difficile de conclure sur l’aptitude des systèmes de capitalisation à résister aux fluctuations économiques... " ou que " la capitalisation individuelle apparaît comme réservée à certains " - la démonstration en a été faite ce matin - " et la volonté de préparer sa retraite comme une motivation profonde qui aboutit " - j’ajouterai "inexorablement" - " à des inégalités de patrimoine beaucoup plus élevées que les inégalités de
revenus ".

Arrêtons de duper les Français qui, de plus en plus nombreux, prennent conscience des privilèges d’une minorité ! Je pense plus particulièrement au récent scandale des stock-options révélé par l’affaire Jaffré.

Qu’ils soient français ou anglo-saxons, dénommés " fonds de pension " ou " fonds d’épargne retraite ", l’objectif des produits financiers demeure la recherche d’un taux optimal de rentabilité financière. L’exemple récent de Michelin témoigne, malheureusement, que les incidences sur les critères de gestion des entreprises dont les fonds de pension sont actionnaires seront catastrophiques pour l’emploi.

Les entreprises, compte tenu de la mondialisation, auraient besoin de ces derniers pour se développer, pour stabiliser leur actionnariat, nous dit-on.

Là encore, il y a tromperie ! En effet, excepté les PME, les capacités d’autofinancement des grandes entreprises sont, depuis quelques années déjà, assez élevées.
De plus, rien ne prouve que les marchés d’actions apportent de l’argent aux entreprises.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Voilà une remarque intéressante ; c’est la première fois que j’entends dire cela !

M. Jean Chérioux. Faut le faire !

M. Guy Fischer. Nous aurons l’occasion par la suite, monsieur Marini, de revenir sur ces problèmes et d’entrer dans le détail.

M. Jean Chérioux. Je l’espère bien.

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Nous l’espérons bien parce que, comme énormité, on ne fait pas mieux !

M. Guy Fischer. Tous les arguments avancés pour convaincre l’opinion publique du bien-fondé des fonds de pension sont fallacieux. Derrière ce débat sur le problème du financement des régimes de retraite par répartition se cache une vraie question, celle de savoir si nous voulons aller vers plus de solidarité entre générations, entre salariés, ou tendre vers plus d’individualisme ?

Les parlementaires communistes font le choix de développer et non de scléroser notre système de protection sociale.

Considérant qu’il convient avant tout de réfléchir aux moyens de garantir à long terme un taux moyen de retraite, nous préférons la répartition plus juste, plus solidaire, et nous proposons notamment, pour financer les retraites de demain, de développer l’emploi stable.

La priorité doit être la consolidation de la répartition, ce qui passe obligatoirement par la réforme du mode de calcul de la cotisation patronale destinée à accroître réellement les ressources de notre système de protection sociale.

Les solutions envisagées par la droite pour appréhender cet enjeu de société ne permettent pas de régler au fond les problèmes pointés. Les objectifs poursuivis, avoués ou cachés, nous sont étrangers. Le débat est déconnecté de la réflexion globale sur la protection sociale, sur les retraites.

Refusant de cautionner ce semblant de débat, ce débat tronqué où l’ensemble des éléments ne sont pas portés avec objectivité à la connaissance de tous, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen vous invitent, mes chers collègues, à voter la question préalable. (

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