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Affaires sociales

Avant d’être débattu et voté en séance publique, chaque projet ou proposition de loi est examiné par l’une des sept commissions permanentes du Sénat : lois, finances, affaires économiques, affaires étrangères et Défense, affaires culturelles, affaires sociales, aménagement du territoire et du développement durable. Classées par commissions, retrouvez ici les interventions générales et les explications de vote des sénateurs CRC.

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Financement de la sécurité sociale pour 2008 : débat sur la démographie médicale

Par / 13 novembre 2007

La régulation de la démographie médicale est un sujet ancien de controverses, longtemps nous avons craint la pléthore plutôt que le manque de médecins ! Au point d’instituer, dans les années 1990, un mécanisme d’incitation à la cessation d’activité (MICA) pour les médecins âgés de 57 à 65 ans : ce fut un véritable succès auprès des médecins, mais un fiasco pour les caisses -700 millions- et pour l’offre médicale. Le mécanisme était encore en place en 2004 alors que, dès 2003, nous nous alertions d’un manque de médecins et installions un observatoire national de la démographie des professionnels de santé. La prudence s’impose donc particulièrement sur ce sujet !

On ne peut pas dire qu’il y ait pénurie, puisqu’avec 340 médecins pour 100 000 habitants, la France n’est devancée en Europe que par l’Italie : en maintenant le numerus clausus à 7 100 médecins par an, nous serions en 2025 à la moyenne actuelle des pays de l’OCDE, de 283 médecins pour 100 000 habitants. Cependant, nous constatons de fortes inégalités territoriales et disciplinaires, au point que 4 % de la population -vous avancez même le chiffre de 4 millions de personnes, madame la ministre- n’accèdent pas facilement aux soins, le plus souvent en zone rurale.

M. Nicolas About, président de la commission. - L’espérance de vie n’y est pourtant pas inférieure !

M. François Autain. - Deux études ont examiné les zones déficitaires, elles recensent 4 078 communes à elles deux, mais seulement 1 000 communes coïncident. Quant aux zones surmédicalisées, nos informations sont lacunaires : le seul facteur dont on soit certain, c’est un fort taux d’ensoleillement... (Sourires) Nous manquons de données fiables et cohérentes, mais nous pouvons constater que la liberté d’installation et du conventionnement, ne garantit plus l’égal accès aux soins, ni le droit à la protection de la santé.

Les gouvernements, depuis cinq ans, ont multiplié les mesures brouillonnes, sans concertation ni stratégie, pour prendre finalement l’an passé un plan pour la démographie médicale, qu’il aurait été plus cohérent d’adopter en premier. Les mesures se sont superposées, souvent étrangères au domaine de la santé. Enfin, le comité sur la démographie médicale ne s’est jamais réuni, parce que ses membres n’ont pas été désignés : je proposerai de supprimer... ce qui n’existe pas !

M. Nicolas About, président de la commission. - Démarche toujours utile !

M. François Autain. - Il faut compter également avec les 137 mesures régionales ou locales recensées. Le Gouvernement, à l’initiative du Président de la République, vient pour finir de s’attaquer sans ménagement à la liberté d’installation des futurs médecins. Une concertation s’imposait, mais vous avez voulu passer en force : le résultat ne s’est pas fait attendre, les internes, descendus dans la rue, vous ont fait retirer les articles 32 et 33 du PLFSS !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Non ! Nous les avons modifiés parce que nous sommes ouverts au dialogue !

M. François Autain. - Ne jouons pas sur les mots : vous avez reculé, renvoyant le tout aux états généraux de la santé. Ils ne seront pas les premiers...

M. Nicolas About, président de la commission. - C’est normal, il en va comme des « Grenelle » !

M. François Autain. - ... M. Kouchner, déjà, avait réuni de tels états généraux !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Il n’a pas réglé pour autant les problèmes de la démographie médicale !

M. François Autain. - Mieux vaudrait commencer par évaluer l’efficacité des innombrables mesures en vigueur, encore peu connues : les étudiants que j’ai rencontrés, réclament la création d’un guichet unique !

La majoration de 20 % de la rémunération des médecins généralistes dans les zones déficitaires, effective depuis le 23 mars 2007, risque de conduire les médecins à réduire le nombre de leurs actes, ce qui va à l’encontre du but recherché. Elle pose aussi les problèmes de découpage.

Les aides au maintien ou à l’installation sont nombreuses et inutilement complexes par la référence à trois zonages, sans coordination : les zones déficitaires en offre de soins définies par les missions régionales de santé ; les zones franches urbaines ; les zones de revitalisation rurales. En fait, les incitations à l’installation ne sont jamais considérées comme déterminantes par les étudiants et les jeunes médecins.

La réduction du nombre de médecins n’a pas produit les effets escomptés. Symétriquement, on peut douter que le relèvement du numerus clausus réussisse à éliminer la pénurie de médecins généralistes. Pour qu’il améliore la répartition de l’offre, le numerus clausus doit être modulé en fonction des régions, comme le préconise la Conférence nationale de santé.

Simultanément, la formation des médecins généralistes et leurs conditions d’exercice doivent être profondément réformées. Je nourris quelques espoirs... En matière de formation initiale, commençons par appliquer les réformes déjà décidées. Ainsi, les stages de deuxième cycle, théoriquement obligatoires depuis 1997, ne sont accessibles dix ans après qu’à 25 % des étudiants et il n’y a toujours pas de stage chez les généralistes pour les internes.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - La situation s’améliore.

M. François Autain. - Enfin, la médecine générale doit devenir une spécialité à part entière, enseignée par les professeurs d’université, non par des praticiens hospitaliers. Aujourd’hui, cette discipline est absente des programmes de deuxième cycle des études médicales. Reste que les épreuves nationales classantes ne permettent pas de pourvoir les postes de médecine générale, dont 2 000 sont restés vacants au cours des trois dernières années. En attendant que la médecine générale redevienne attractive pour les étudiants, il convient de régionaliser les épreuves et de réduire le nombre de postes. Quant aux conditions d’exercice de la médecine libérale, ce texte ouvre la voie à des expérimentations encore timides.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Merci de reconnaître leur existence.

M. François Autain. - Le temps dont je dispose ne suffit pas pour faire le tour de cette question, au demeurant traitée de façon remarquable par notre collègue M. Jean-Marc Juilhard dans son excellent rapport consacré à la fracture territoriale de l’offre de soins. Mon intérêt pour les maisons de santé n’est pas nouveau, puisque j’ai créé en 1968 une maison médicale, où j’ai d’ailleurs eu le plaisir de recevoir Mme le ministre, venue promouvoir un médicament...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Le premier bêtabloquant !

M. François Autain. - ... fabriqué par le laboratoire qui l’employait (rires) à l’époque. Aujourd’hui, c’est fini !

M. le président. - Que de chemin parcouru !

M. François Autain. - Nos échanges avaient déjà été très fructueux.

Pour terminer, je souligne que la crise de la démographie médicale n’est qu’un aspect de celle que traverse notre système de santé.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - C’est vrai.

M. François Autain. - Il serait donc illusoire d’espérer régler l’une sans l’autre. Le plus urgent est d’apporter de nouvelles recettes à l’assurance maladie. Sur ce point, le Gouvernement ne semble pas sur la bonne voie.

Nous ne pourrons voter un budget qui manque singulièrement d’assises.

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